Au théâtre, mettre en jeu un récit littéraire, si vivant soit-il, n'est pas sinécure. Pierre Pradinas s'y attelle, non sans une certaine jubilation intérieure, trouvant dans Romane Bohringer, comédienne experte de ce qu'aimer veut dire (cf. "L'amour Flou" réalisé avec son ex-compagnon Philippe Rebbot), la complice rêvée possédant l'art de donner vie sur scène, avec force et naturel, aux affres d'une femme habitée par la jalousie.
Sur l'estrade de la Halle des Chartrons de Bordeaux, devant un parterre de spectateurs assis sur des bancs, l'actrice de l'âge de "la rivale" va parcourir sans fléchir cette descente aux enfers émaillée de saillies dérisoires. Sentiments violents, "in-sensés", dont l'outrance n'a pour égale que la violence fouraillant la chair de l'écrivaine, auteure de cette partition résonnant en chacun(e) comme la résurgence d'un cri primal refoulé.
Roland Barthes, dans ses "Fragments d'un discours amoureux", avouait : "comme jaloux je souffre quatre fois : d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun". Étapes d'un chemin de croix mortifère que l'héroïne va parcourir en boucle, reproduisant à l'envi les états et comportements propres aux amoureux damnés, évidés par l'idée même de la perte.
Sur l'estrade de la Halle des Chartrons de Bordeaux, devant un parterre de spectateurs assis sur des bancs, l'actrice de l'âge de "la rivale" va parcourir sans fléchir cette descente aux enfers émaillée de saillies dérisoires. Sentiments violents, "in-sensés", dont l'outrance n'a pour égale que la violence fouraillant la chair de l'écrivaine, auteure de cette partition résonnant en chacun(e) comme la résurgence d'un cri primal refoulé.
Roland Barthes, dans ses "Fragments d'un discours amoureux", avouait : "comme jaloux je souffre quatre fois : d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun". Étapes d'un chemin de croix mortifère que l'héroïne va parcourir en boucle, reproduisant à l'envi les états et comportements propres aux amoureux damnés, évidés par l'idée même de la perte.
Car même si c'est elle qui avait quitté W, lorsque son ex-amant lui annonce qu'il va vivre avec une autre femme, cela suffit pour déclencher illico un raz-de-marée qu'aucune digue ne sera apte à contenir. Dès lors, n'ayant de cesse de vouloir connaître l'identité de cette rivale qui lui ravit - "après-coup" - la place que naguère elle occupait auprès de cet homme, elle focalise son existence autour de la recherche obsessionnelle de l'inconnue, double insaisissable d'elle-même. Comme si l'amant éconduit reprenait à ses yeux les couleurs du désir et qu'elle ne pouvait supporter qu'il échappe au passé qui les lie.
Blessure narcissique rendue béante par l'idée fantasmée que l'amant puisse trouver calme et volupté dans les bras d'une autre, l'excluant ipso facto de la place d'élue. Situation d'exclusion vécue comme intolérable et la conduisant à la dérive, aux limites de la folie furieuse. Prête à tout pour déloger le monstre jaloux qui la met à mal en la consumant de l'intérieur, elle se livre à des manœuvres désolantes ajoutant à sa détresse la disgrâce de déchoir… Comment pourrait-elle supporter qu'une inconnue puisse, au petit matin, tenir dans sa main le sexe dressé de l'homme auquel elle s'agrippait comme à une planche de salut ?
Blessure narcissique rendue béante par l'idée fantasmée que l'amant puisse trouver calme et volupté dans les bras d'une autre, l'excluant ipso facto de la place d'élue. Situation d'exclusion vécue comme intolérable et la conduisant à la dérive, aux limites de la folie furieuse. Prête à tout pour déloger le monstre jaloux qui la met à mal en la consumant de l'intérieur, elle se livre à des manœuvres désolantes ajoutant à sa détresse la disgrâce de déchoir… Comment pourrait-elle supporter qu'une inconnue puisse, au petit matin, tenir dans sa main le sexe dressé de l'homme auquel elle s'agrippait comme à une planche de salut ?
Une plongée dans les arcanes de la jalousie, matière hautement combustible dont se saisit à bras le corps l'actrice pour brûler les planches, avec aplomb et fragilité mêlées. Tantôt suspendue au micro promu au rang de confident pour mieux faire entendre les crépitements de ses émotions internes, tantôt s'adonnant à d'affreuses grimaces dignes d'une sorcière vengeresse, ou encore virevoltante par pur défit avec son vêtement en main (dépouille exhibée de la rivale ?), son corps apparaît traversé par les éclats de la maladie à l'œuvre.
Redoublant les errements d'un corps mis à mal, les paroles qui s'échappent comme un flux intarissable se prennent à charrier des insanités se voulant libératrices. En vain. La purgation des passions n'a que faire des couplets de carabins en rut. Le mal est plus profond. Seul le temps de l'écriture pourra l'en exonérer.
Parcours d'une femme singulière dont la descente aux enfers trouve écho universel en l'humaine condition… En effet, si le théâtre ne peut nous purger de nos souffrances chevillées au corps - et la jalousie est de celles-là -, il a l'immense vertu de nous les "re-présenter" : mises à distance et portées par une femme-actrice accompagnée en live par une harpe aux sons enivrants, elles s'en trouvent soudain déminées, privées - pour un temps - de leur charge implosive.
Spectacle représenté le mardi 6 octobre 2020, lors du Marché de la Poésie, Halle des Chartrons, Bordeaux (33).
Redoublant les errements d'un corps mis à mal, les paroles qui s'échappent comme un flux intarissable se prennent à charrier des insanités se voulant libératrices. En vain. La purgation des passions n'a que faire des couplets de carabins en rut. Le mal est plus profond. Seul le temps de l'écriture pourra l'en exonérer.
Parcours d'une femme singulière dont la descente aux enfers trouve écho universel en l'humaine condition… En effet, si le théâtre ne peut nous purger de nos souffrances chevillées au corps - et la jalousie est de celles-là -, il a l'immense vertu de nous les "re-présenter" : mises à distance et portées par une femme-actrice accompagnée en live par une harpe aux sons enivrants, elles s'en trouvent soudain déminées, privées - pour un temps - de leur charge implosive.
Spectacle représenté le mardi 6 octobre 2020, lors du Marché de la Poésie, Halle des Chartrons, Bordeaux (33).
"L'Occupation"
Texte : Annie Ernaux, publié aux Éditions Gallimard.
Mise en scène, Pierre Pradinas.
Assistants(es) à la mise en scène : Aurélien Chaussade et Marie Duliscouët.
Avec : Romane Bohringer et le musicien Christophe "Disco" Minck.
Musique originale : Christophe "Disco" Minck.
Scénographie : Orazio Trotta/Simon Pradinas.
Lumières : Orazio Trotta.
Images : Simon Pradinas.
Son : Frédéric Bures.
Maquillage/coiffure : Catherine Saint-Sever.
Tournée
3 octobre 2020 : Théâtre des Halles, Avignon (84).
6 octobre 2020 : Marché de la poésie Halle des Chartrons, Bordeaux (33).
8, 9, 12, 13 et 15 octobre 2020 : Théâtre de l'Union - Centre Dramatique National du Limousin, Limoges (87).
18 octobre 2020 : Les Arts d'Azur, Le Broc (06).
1er et 2 décembre 2020 : Les Scènes du Jura - Scène Nationale, Lons le Saunier (39).
Mise en scène, Pierre Pradinas.
Assistants(es) à la mise en scène : Aurélien Chaussade et Marie Duliscouët.
Avec : Romane Bohringer et le musicien Christophe "Disco" Minck.
Musique originale : Christophe "Disco" Minck.
Scénographie : Orazio Trotta/Simon Pradinas.
Lumières : Orazio Trotta.
Images : Simon Pradinas.
Son : Frédéric Bures.
Maquillage/coiffure : Catherine Saint-Sever.
Tournée
3 octobre 2020 : Théâtre des Halles, Avignon (84).
6 octobre 2020 : Marché de la poésie Halle des Chartrons, Bordeaux (33).
8, 9, 12, 13 et 15 octobre 2020 : Théâtre de l'Union - Centre Dramatique National du Limousin, Limoges (87).
18 octobre 2020 : Les Arts d'Azur, Le Broc (06).
1er et 2 décembre 2020 : Les Scènes du Jura - Scène Nationale, Lons le Saunier (39).