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Avignon 2019

•Off 2019• Penetrator Mise à nu, façon uppercut, d'une traumatique dérive

Appart et colocs, intérieur jour, sombre, calme masturbatoire adulescent, imaginaire et fantasme féminins perturbés… vie déstructurée et avenir tagué façon néant, prémices d'une tempête tornade à venir, violence masculine… entre pratiques sexuelles à l'envie gay et viol militarisé…



© Karine Boutroy.
© Karine Boutroy.
Penetrator, choc post-traumatique… Néo brutalisme, théâtre coup-de-poing ou de la provocation… ou, avec plus d'humour, "paf dans ta gueule, reveille-toi jeune citoyen d'un monde en perdition !" Texte à l'écriture rude et crue, situations et séquences violentes sculptées au scalpel, affinées à la lame de rasoir, échanges et répliques au cordeau, en précision millimétrée dans leur brièveté.

L'auteur de la pièce, Anthony Neilson, est de ceux qui initièrent le courant théâtral nommé "In-Yer-Face" (notamment par le critique de théâtre Aleks Sierz dans son ouvrage "In-Yer-Face Theatre", 2001) lancé au Royaume-Uni dans les années quatre-vingt-dix.

Cette nouvelle génération de jeunes dramaturges désabusés(es) par le thatchérisme (Anthony Neilson, Mark Ravenhill, Rebecca Prichard, puis Martin McDonagh, Sarah Kane), influencée, pour certains, par la tradition du théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud, ou le surréalisme et le théâtre de l'absurde, apparaît dans ces années sombres en prônant une dramaturgie de l'inconfort, tant visuel que physique, affirmant que "tout ce qui agit est cruauté"… et que "l'acteur doit brûler les planches comme un supplicié sur son bûcher".

© Karine Boutroy.
© Karine Boutroy.
Début en mode oisiveté adolescente… Ça commence anodin, petites discussions entre amis résidents du même univers locatif, rêves de nanas aimantes mais aux capacités érotiques insoupçonnées - genre "dans tes rêves !" -, le tout accompagné de l'habituel cocktail drogue, musique, et dance floor imaginaire. Confidences et retour de peluches comme on retombe en enfance, souvenir d'un vieux monde protégé par nos nounours et autres Sophie, ongulées ruminantes africaines.

L'arrivée de David - ex-militaire ayant précipitamment déserté sa garnison, venant trouver refuge chez son ami d'enfance Max et son colocataire Alan - va modifier très notablement l'ambiance résidentielle de nos deux lascars aux préoccupations flemmardes. Tout bascule pour passer rapidement aux pas chassés et vifs du boxeur sur le ring. À la fois apeurée et tonitruante, toute en colère et brutalité retenues, le déserteur va créer la confusion, et une certaine terreur involontaire.

À demi-mots effrayants au début, puis, de plus en précisément, dans une paranoïa logique de proie violentée, il passe de l'animal en fuite terrifié au survivant, prêt à tout pour échapper à de nouveaux sévices physiques ou mentaux. Sa raison est-elle intacte, son histoire et ses frayeurs sont-elles réelles ? Chaque spectateur percevra sa part de vérité…

Incisif, fougueux, le texte de Nielson est brusque, âpre et ardent, indéniablement bousculant chacun d'entre nous. Chaque mot, chaque réplique est quasiment un uppercut, une droite ou un crochet redoutablement bien assénée… La mise en scène d'Olivier Sanquer, nerveuse, pleine de vivacité, aux séquençages concis et secs ne retire rien, insufflant au contraire un tempo rapide et soutenu à l'ensemble.

Les comédiens sont au diapason avec un jeu court mais très dense, donc speed, parfait pour Nielson et son théâtre coup de poing, "dans ta gueule". Attention, le spectateur peut sortir groggy de la performance hors du commun que propose "Penetrator", mais comme on sort d'un match dont on a compris que les enjeux vont bien plus loin que les limites de la surface de jeu !

"Penetrator"

© Karine Boutroy.
© Karine Boutroy.
Texte : Anthony Neilson.
Adaptation : Fabienne Maitre.
Mise en scène : Olivier Sanquer.
Avec (en alternance) : Frédéric Alves, Nicolas Argudin, Axel Arnault, Maxime Peyron, Alexandre Simoens.
Conception sonore : François Leclerc.
Éclairages : Patrick Massip.
Scénographie : Karine Boutroy.
Durée : 1 h.
À partir de 16 ans.

•Avignon Off 2019•
Du 5 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 22 h.
Théâtre Notre-Dame, Salle Bleue
13 à 17, rue du Collège d'Annecy.
Résrvations : 04 90 85 06 48.
>> theatrenotredame.com

Gil Chauveau
Samedi 13 Juillet 2019

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024