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Avignon 2023

•Off 2023• "Sabar - Babakar Samb" Un spectacle sensible et poétique aux confins de l'Afrique et de l'Occident

Au Sénégal et en Gambie, le Sabar est un terme Wolof désignant un instrument de percussion, mais également un style de musique et une danse sensuelle populaires, signes de grande fête et de nombreuses réjouissances. En tant qu'instrument, le sabar est un terme générique désignant toute une famille de tambours similaires qui font partie de la culture Wolof. Il occupe aussi une place de choix dans la musique traditionnelle et contemporaine. Sa notoriété internationale doit beaucoup à Doudou N'diaye Rose et aux musiques à la mode tel le Mbalax.



© Fabienne Govaerts.
© Fabienne Govaerts.
C'est un bien joli spectacle que cette création conçue avec grande élégance par la Compagnie de la Clarencière, compagnie menée de main de maître par la metteure en scène Fabienne Govaerts. Et, il ne pouvait en être autrement d'un spectacle programmé dans ce petit écrin du Verbe Fou littéraire, car sa directrice, depuis de nombreuses années, est une femme passionnée des mots et du Verbe dans tous ses états. Et des mots, il y en a dans cette création.

Ici, c'est un grand saut vers l'Afrique et un hommage émouvant aux "conteurs chanteurs griots" du continent qui nous est proposé. Le corps tout en lianes de Babakar Samb, aux gestes d'une beauté notoire et d'une plastique déroutante, s'associe avec une grande justesse à ceux de Sabine Resenterra, artiste chorégraphe de la région vauclusienne.

Babakar Samb, artiste pluridisciplinaire, est issu depuis plusieurs générations d'une famille d'artistes et a été élève de la célèbre école Blaise Senghor de Dakar. Tantôt cracheur de feu, conteur griot, percussionniste, danseur, chorégraphe, il est aussi maître de ballet et directeur artistique de la Compagnie Nguewel Gui.

© Fabienne Govaerts.
© Fabienne Govaerts.
Un parcours a priori aux antipodes de celui de Sabine Resenterra qui, le temps de quelques pas chorégraphiques délicats et hautement soignés, partage pourtant avec élégance et sensualité les notes de la kora africaine et du djembé.

Sabine Resenterra est issue de la danse classique, mais enchaîne sa carrière avec le modern jazz, le hip-hop et les danses latines jusqu'au jour où elle découvrira la danse africaine et embrassera vite et avec passion la danse traditionnelle africaine dans la célèbre école des Sables de Germain au Sénégal lors de nombreux stages.

Pendant une heure, l'ensemble de ce spectacle transporte le spectateur, dans une juste sobriété, entre Afrique et Occident lui laissant une place tout ouverte et virevoltante à l'évasion et au voyage. Rien d'ostentatoire, loin de là, mais une mise en scène qui offre aux regards et aux oreilles de très beaux moments.

Une sorte d'état hypnotique nous envahit quelque peu, nous invitant à de beaux rêves qui nous emporteront joliment et sûrement vers l'Afrique.

C'est bien là aussi la magie du conte, de l'oralité et de ses passeurs griots éternels dont on peut déplorer l'absence flagrante en Occident où l'oralité devrait occuper une place bien plus grande !
Puisse ce bien joli spectacle, dans lequel le public est pris en confident d'un choc des cultures incontournables, nous enseigner que de choc, peut-être, il n'y en a pas ! Parce que ce qui prédomine, c'est l'Art et que, sans lui, il n'y a pas de lendemains.

Merci au Verbe Fou, théâtre littéraire, de revendiquer encore et toujours la place essentielle que doivent conserver les mots dans la vie et de nous proposer en ce nouveau festival 2023 un spectacle dans lequel ces derniers, mêlés à la danse et aux notes de musique, emportent les spectateurs l'espace de quelques instants magiques.

"Sabar - Babakar Samb"

© Fabienne Govaerts.
© Fabienne Govaerts.
Théâtre musical. Spectacle traditionnel du Sénégal (danse, chant, percussions).
Auteur : Babakar Samb
Mise en scène : Fabienne Govaerts.
Avec : Babakar Samb (jeu, chant, kora, percussions) et Sabine Resenterra (chorégraphie).
Coaching : Florine Eslande.
Création lumières : Augustin Pitrebois.
Par la Compagnie de la Clarencière.
Durée : 1 h.

•Avignon Off 2023•
Du 6 au 29 juillet 2023.
Tous les jours à 21 h 40. Relâche le mercredi.
Au verbe Fou, 95, rue des Infirmières, Avignon.
Réservations : 04 90 85 29 90.
>> leverbefou.fr

Théâtre associé au Théâtre littéraire La Clarencière à Bruxelles.

Brigitte Corrigou
Mercredi 5 Juillet 2023

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024