Micro en main, décalé en bord de plateau - où un jardinier, sourire infantile et radieux aux lèvres, vient arroser les fleurs d'un carré de pelouse sous lequel, on le devine, repose l'ami disparu récemment -, l'acteur-metteur en scène annonce, voix traversée d'émotions : "ce spectacle renaît de la mort de Bobò". Et il s'agira bien en effet, plus d'une heure durant, d'une ode à la renaissance, d'un chemin vers la joie, conçu non comme une donnée à espérer mais comme une conquête mentale sur les vicissitudes et la mort.
Comme il l'écrit dans "Le Don de soi" : "grâce à la pratique du bouddhisme, j'ai toujours su que, quoi qu'il arrive, on doit dire merci à la vie, car toute chose quelle qu'elle soit est un don". Ainsi, aux antipodes des "regrets éternels" ornant les dalles funéraires froides comme le marbre, c'est le flux vivant des anecdotes ayant irrigué son existence qui va être revécue in situ, avec tendresse et mélancolie. Au cœur de celles-ci, la rencontre essentielle avec l'acteur microcéphale sourd et muet qu'il a extrait naguère de l'hôpital psychiatrique près de Naples.
Bobò était un être d'exception s'exprimant par bribes inarticulées, renvoyant d'emblée Pippo Delbono au théâtre essentiel dont il rêvait. Un théâtre reposant sur l'action d'acteurs qui ne jouent pas mais qui sont. Un théâtre qui ne fait qu'un avec l'existence. À lui seul, cet homme exceptionnel mais terriblement humain dans les fragilités qui le caractérisaient, cristallise son idéal d'un "théâtre à la première personne".
Comme il l'écrit dans "Le Don de soi" : "grâce à la pratique du bouddhisme, j'ai toujours su que, quoi qu'il arrive, on doit dire merci à la vie, car toute chose quelle qu'elle soit est un don". Ainsi, aux antipodes des "regrets éternels" ornant les dalles funéraires froides comme le marbre, c'est le flux vivant des anecdotes ayant irrigué son existence qui va être revécue in situ, avec tendresse et mélancolie. Au cœur de celles-ci, la rencontre essentielle avec l'acteur microcéphale sourd et muet qu'il a extrait naguère de l'hôpital psychiatrique près de Naples.
Bobò était un être d'exception s'exprimant par bribes inarticulées, renvoyant d'emblée Pippo Delbono au théâtre essentiel dont il rêvait. Un théâtre reposant sur l'action d'acteurs qui ne jouent pas mais qui sont. Un théâtre qui ne fait qu'un avec l'existence. À lui seul, cet homme exceptionnel mais terriblement humain dans les fragilités qui le caractérisaient, cristallise son idéal d'un "théâtre à la première personne".
Les acteurs - auxquels étaient dédiés à sa création ce spectacle, avec Bobò sur scène - vont un à un ou collectivement présenter, et non représenter, les heurs et malheurs de la vie comme elle va. Ainsi Ilaria, dans sa moulante robe bleue, ouvre-t-elle le bal en esquissant avec une infinie grâce et légèreté quelques pas de tango, elle qui eut à souffrir de son compagnon fou sombré dans le coma… La folie ? Celle des autres par définition, chacun restant étranger à la sienne. Éclairé alors par des flashs intermittents, un étrange ballet réunissant les comédiens en habits de scène va surgir des abysses pour clamer le droit à leur folie, le lieu où tout existe.
Il y aura aussi la présence fidèle de Pepe Robledo, rescapé de la dictature argentine, autre personnage central de cette troupe réunissant des marginaux rejetés socialement du fait de leur "anormalité". Ainsi Gianluca Ballaré, trisomique, acteur avant tout et adepte de play-back. Mais ce qui résonne le plus, c'est la présence-absence de Bobò au travers notamment de ses paroles sibyllines diffusées par les haut-parleurs, une voix inarticulée, profondément vivante, chaleureuse. Ou encore l'évocation mimée de trois de ses mimiques savoureuses, effectuées en toute innocence et grande intelligence, lors de la mort libératrice de son austère tutrice.
Il y aura aussi la présence fidèle de Pepe Robledo, rescapé de la dictature argentine, autre personnage central de cette troupe réunissant des marginaux rejetés socialement du fait de leur "anormalité". Ainsi Gianluca Ballaré, trisomique, acteur avant tout et adepte de play-back. Mais ce qui résonne le plus, c'est la présence-absence de Bobò au travers notamment de ses paroles sibyllines diffusées par les haut-parleurs, une voix inarticulée, profondément vivante, chaleureuse. Ou encore l'évocation mimée de trois de ses mimiques savoureuses, effectuées en toute innocence et grande intelligence, lors de la mort libératrice de son austère tutrice.
Pêle-mêle, les tableaux distillant une douce mélancolie s'enchainent, poèmes lyriques empruntés à l'auteur ou à d'autres comme Erri de Luca, sarabandes dansées, intermèdes silencieux, formes inspirées par le désir ardent de dire la beauté du monde par-delà les différences, la peur, la solitude et les pertes.
Apothéose de cette cérémonie inspirée par la sagesse bouddhiste, les compositions florales descendues des cintres complètent les milliers de pétales recouvrant le plateau. Point d'orgue extatique conduisant Pippo à rejoindre sur "leur" banc Bobò dont il a senti la présence…
Célébration de l'acteur défunt qui, tel le phénix, renaît de ses cendres au terme de ce florilège de témoignages sensibles portés avec extrême sensibilité, célébration d'un théâtre choral puisant son énergie dans l'existence de ceux qui le font vivre, "La Gioia" réalise ces deux performances. Réunissant atypiques et normés, ce "théâtre brut" (cf. Peter Brook) tire de ses imperfections sa force d'adhésion, un théâtre où chacun – interprète créateur et spectateur assemblés - poursuit sa quête de la gioia.
Présenté du 6 au 9 octobre 2020 au TnBA de Bordeaux dans le cadre du FAB (2 au 17 octobre).
Apothéose de cette cérémonie inspirée par la sagesse bouddhiste, les compositions florales descendues des cintres complètent les milliers de pétales recouvrant le plateau. Point d'orgue extatique conduisant Pippo à rejoindre sur "leur" banc Bobò dont il a senti la présence…
Célébration de l'acteur défunt qui, tel le phénix, renaît de ses cendres au terme de ce florilège de témoignages sensibles portés avec extrême sensibilité, célébration d'un théâtre choral puisant son énergie dans l'existence de ceux qui le font vivre, "La Gioia" réalise ces deux performances. Réunissant atypiques et normés, ce "théâtre brut" (cf. Peter Brook) tire de ses imperfections sa force d'adhésion, un théâtre où chacun – interprète créateur et spectateur assemblés - poursuit sa quête de la gioia.
Présenté du 6 au 9 octobre 2020 au TnBA de Bordeaux dans le cadre du FAB (2 au 17 octobre).
"La Gioia"
Spectacle surtitré en français.
Création de Pippo Delbono.
Avec : Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Ilaria Distante, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Pepe Robledo, Grazia Spinella… et avec la voix de Bobò.
Composition florale : Thierry Boutemy.
Musique : Pippo Delbono, Antoine Bataille, Nicola Toscano et différents compositeurs.
Création lumières, Orlando Bolognesi.
Régisseur, Orlando Bolognesi, Alejandro Zamora.
Son : Pietro Tirella, Giulio Antognini
Costumes : Elena Giampaoli.
Chef machiniste : Gianluca Bolla, Enrico Zucchelli.
Traduction : Serge Rangoni.
Production : Emilia Romagna Teatro Fondazione - Compagnie Pippo Delbono.
Durée : 1 h 30.
Autres dates
12 octobre 2020 : Temporada Alta, Girona (Espagne).
14 octobre 2020 : Théâtre de l'Olivier, Istres (13).
Création de Pippo Delbono.
Avec : Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Ilaria Distante, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Pepe Robledo, Grazia Spinella… et avec la voix de Bobò.
Composition florale : Thierry Boutemy.
Musique : Pippo Delbono, Antoine Bataille, Nicola Toscano et différents compositeurs.
Création lumières, Orlando Bolognesi.
Régisseur, Orlando Bolognesi, Alejandro Zamora.
Son : Pietro Tirella, Giulio Antognini
Costumes : Elena Giampaoli.
Chef machiniste : Gianluca Bolla, Enrico Zucchelli.
Traduction : Serge Rangoni.
Production : Emilia Romagna Teatro Fondazione - Compagnie Pippo Delbono.
Durée : 1 h 30.
Autres dates
12 octobre 2020 : Temporada Alta, Girona (Espagne).
14 octobre 2020 : Théâtre de l'Olivier, Istres (13).