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Avignon 2023

•Off 2023• "L'homme et le pêcheur" Une drôle de rencontre dans un drôle d'endroit

Entre conte, parabole et poésie surréaliste, "L'homme et le pêcheur" se déroule dans un lieu imaginaire, suspendu, brumeux. Une installation de pontons de bois usé par le temps s'avance vers le public. Sur ce ponton, un homme pêche dans l'étang. Un homme avec tout l'attirail du pêcheur de ponton, la cane, la mallette de pêche qui lui sert de siège et l'impassibilité. Mais un homme cintré dans un costume noir, sévère, le regard dissimulé derrière des lunettes opaques, le crâne portant un chapeau élégant. Rien de l'allure de pêcheur d'étang qu'on imagine. Mais bon…



© Piero Oronzo.
© Piero Oronzo.
La scène est suffisamment réaliste jusqu'à ce qu'un autre homme sorte du brouillard et se dirige vers le bord. Il porte un parpaing enroulé d'une corde. L'autre extrémité de cette corde entoure son cou. Tout l'attirail qu'il faut pour réussir son suicide par noyade sans aucun doute. C'est au moment où il s'apprête à jeter le parpaing dans l'eau et sa tête à la suite qu'il s'aperçoit de la présence du pêcheur.

Voilà la situation de départ qui va vite glisser vers l'imaginaire et le parabolique. Au départ, chacun des deux hommes vient perturber par sa présence le projet de l'autre, car le suicidé est bavard et hésitant et le pêcheur gêné dans sa tranquillité. S'ensuit un dialogue haut en couleur, plein de bravoures textuelles, qui va lentement, mais sûrement, faire dériver le spectacle vers les rivages surréalistes.

Qui est ce pêcheur dont la ligne ne porte ni appât, ni même un hameçon ? Pour quelle raison l'homme au collier de parpaing veut-il mettre fin à ses jours ? Et pourquoi hésite-t-il tant si sa résolution est prise ? Le spectacle surfe ainsi sur l'absurde de cette situation et, tout en faisant, pose presque autant de questions essentielles sur l'existence que de jeux de mots farces et réjouissants.

© Piero Oronzo.
© Piero Oronzo.
Sous des apparences d'humour noir se révèle peu à peu une jolie histoire presque morale, mais surtout portée par une verve fantaisiste assumée et des flambées d'imaginaires… le ponton se transformant, par exemple, en navire affrontant la tempête en plein océan grâce à un ingénieux dispositif et des effets sonores et visuels.

Loin de rester statiques dans la situation de départ, le duo de comédiens nous entraîne dans une histoire pleine de rebondissements. Tous deux excellent dans un jeu expressif, très théâtralisé, qui colle bien aux flamboyances du texte et de leurs personnages.

"L'homme et le pêcheur"

© Piero Oronzo.
© Piero Oronzo.
Texte : Jean-Marc Catella, Ciro Cesarano et Fabio Gorgolini.
Adaptation : Ciro Cesarano et Fabio Gorgolini.
Mise en scène : Ciro Cesarano.
Avec : Ciro Cesarano et Paolo Crocco.
Compositeur musiques originales et bruitages : Matteo Gallus.
Création lumières : Orazio Trotta.
Costumes : Isabelle Deffin.
Décor : Claude Pierson, Atelier Décors.
Régie : Jeanne Dupraz.
Par la Compagnie Teatro Picaro.
Durée du spectacle : 1 h 10.
Tout public.

Sélection officielle Phénix Festival
Vu au Théâtre de l'Opprimé.
>> phenixfestival.com

© Piero Oronzo.
© Piero Oronzo.
•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 juillet 2023.
Tous les jours à 19 h 15. Relâche le dimanche.
Théâtre Pierre de Lune, 3, rue Roquille, Avignon.
Réservations : 04 84 51 22 33.
>> theatre-pierredelune.fr

Bruno Fougniès
Samedi 24 Juin 2023

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024