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Théâtre

Le festival Premières fois !, deuxième édition… un festival transversal qui ose une programmation insolite et unique en son genre

C'est la deuxième édition de ce tout jeune festival inventé par le directeur de La Halle aux Grains - Scène nationale de Blois, Frédéric Maragnani, dans le but de proposer un éventail original et très large de moments artistiques susceptibles de fédérer, de réunir dans un esprit de communauté, mais également avec l'espoir d'attirer, dans l'enceinte des salles de théâtre, un public qui n'aurait pas l'habitude d'y venir. Le festival Premières fois ! propose de partager l'enchantement des premiers gestes artistiques de toutes disciplines, émergents(es) ou confirmés(es).



"Tchoko" d'Olivia Mabounga © Sarah Franck.
"Tchoko" d'Olivia Mabounga © Sarah Franck.
Ce sont donc une série de spectacles qui partagent ce concept qui ont été proposés du 30 janvier au 8 février dernier. Spectacles de danse, de théâtre, de cabaret ainsi que des sorties de laboratoires de travail, vous trouverez la programmation intégrale du festival à la fin de cet article. Nous avons pu assister à trois spectacles très différents qui donnent un aperçu de la diversité de Premières fois !

Du théâtre avec "Tchoko", d'Olivia Mabounga. C'est une première expérience pour cette jeune autrice/actrice que de devoir seule en scène défendre un texte de sa production. Aidée à la mise en scène par Ludmilla Dabo, elle raconte, dans ce geste artistique, autant rythmé que visuel, un fait de société qui touche une bonne partie de la communauté noire en France, mais également beaucoup de femmes en Afrique. Tchoko, signifie en lingala "éclaircissement de la peau/ou se chauffer la peau".

Une mode qui est plus qu'une mode, qui peut devenir, comme c'est le cas ici, une exigence des proches, de la mère en particulier de Gloire, le personnage incarné par Olivia Mabounga. Les sociétés parapharmaceutiques ont aussi leur responsabilité dans ce phénomène qui pousse les jeunes femmes à s'éclaircir la peau à l'aide de produits corrosifs, le plus souvent à base de soude, pour devenir plus métisse, plus blanche. Une pratique qui peut sembler superficielle, mais qui est dangereuse pour la santé et qui révèle un aspect empoisonné de notre monde.

"À chaque temps, nos premières danses" © Sarah Franck.
"À chaque temps, nos premières danses" © Sarah Franck.
"Plus blanche, tu seras plus regardée, tu seras plus désirée…", voilà une partie des messages que l'entourage de Gloire lui assène pour l'obliger à se blanchir la peau avec le produit n°1 des ventes : Carolight. Outre sa mère, il y a les médias, les stars mondiales et, en particulier, l'image de Beyoncé qui pousse l'adolescente à pratiquer s'enduire le corps de cet acide.

Olivia Mabounga fait preuve d'une énergie infinie pour incarner son personnage. Son texte, qui se veut répétitif comme les injonctions que le monde ne cesse de clamer aux oreilles de Gloire, est imagé, mis le plus souvent au service du corps, moderne, mais donne de ce fait au spectacle des longueurs pas forcément nécessaires. Mais la vitalité et l'incarnation à la fois naïve et excessive du personnage de Gloire, très réussi.

De la danse avec "À chaque temps, nos premières danses". Une représentation née d'un laboratoire de travail d'une semaine, laboratoire dirigé par Véronique Teindas avec l'association La Mécanique du bonheur. Une association qui regroupe des seniors amoureux de la danse, âgés de 60 à 80 ans. Des amateurs donc, pour lesquels le mot amoureux n'est pas trop fort puisque ceux-ci sont passionnés depuis toujours par la danse contemporaine.

Monsieur K (Jérôme Marin) © La Barbichette Cabaret 2025.
Monsieur K (Jérôme Marin) © La Barbichette Cabaret 2025.
Pas de danse de salon ici, mais de la recherche, du sens, de l'émotion, de l'improvisation.
Le travail dirigé durant cette semaine de création par la chorégraphe Véronique Teindas a permis de créer un véritable objet artistique mêlant des enregistrements d'interviews de ces amateurs évoquant leurs premières émotions face à la danse, de la musique et tout un travail d'esquisses de gestes, d'attitudes, de moments dessinés par une artiste peintre. Un beau travail, sensible, expressif, qui donne à réaliser que les corps, tous particuliers, peuvent exprimer, quel que soit l'âge, du beau, du gracieux, mais également toute une gamme de sentiments qui vont de la colère à la douceur.

De cabaret, il n'y en eut jamais, paraît-il à Blois. C'est sans doute la raison pour laquelle les deux représentations de "La Barbichette" qui clôturent le festival font le plein dans le grand hall de la Halle aux Grains. Une première ici pour ce cabaret tous azimuts inventé par Monsieur K - Jérôme Marin et ses complices.

Ils ont pris possession de l'espace sur toute la longueur de la vaste salle. Toute une ligne de tables à maquillage ornées des conventionnelles petites ampoules blanches, et puis une scène centrale avec piano et orchestre, et enfin un podium sur lequel officieront présentatrice glamour du spectacle et lanceur de son.

Des artistes de tous genres, tous poils et toutes plumes se préparent, se maquillent, se travestissent à vue pendant que le public s'installe déjà aux tables pour le dîner. C'est un cabaret musical téméraire, sensuel, performatif et un peu fou auquel va assister le public étonné de Blois. En effet, Monsieur K a une belle expérience de ce genre de show puisqu'il avait participé à la réouverture de Madame Arthur, puis avait créé sur Paris le rendez-vous du Cabaret Secret durant plus de cinq ans. Un expert en soirée sans tabous ni barrière.

Alors, oui, des paillettes, des plumes, des chansons reprises en live avec talent, avec humour, avec sensibilité, mais la Barbichette présente également des numéros de contorsions, des apparitions vaguement inquiétantes et des reprises hautement sensibles ou corrosives.

Le tout est essentiellement musical, mais le fil est tenu par l'intervention régulière d'une journaliste radio à la voix d'un charme indéfrisable, qui présente les numéros et les artistes. Régulièrement, plusieurs artistes vont bien sûr dans le public, poussant celui-ci hors de sa confortable place de spectateur pour le faire participer aux jeux, aux chants, aux danses.

Bref, un premier cabaret qui donnera envie aux blésois d'en accueillir d'autres pour passer des soirées pleines de rire, de sensualité, de dérives et de transfigurations.
◙ Bruno Fougniès

La Barbichette © Toulouse-Lautrec.
La Barbichette © Toulouse-Lautrec.
Prochaines dates de la Barbichette
Du 20 au 22 février, du 13 au 15 mars, 18 et 19 avril, 12 au 14 juin 2025.
À la Machine du Moulin Rouge, 90 boulevard de Clichy, Paris 18ᵉ.
>> labarbichettecabaret.com

16 et 17 mai 2025 : Le Manège - Scène nationale, Reims (51).

2e édition du Festival Premières fois !
Direction : Frédéric Maragnani.
La Halle aux Grains - Scène nationale, Blois (41).
Programme passé de cette édition 2025 :
30 janvier : "Vie secrète des vieux" de Mohamed El Khatib.
31 janvier : "For you/Not for you", solo chorégraphique de Solène Wachter.
1er février : "Self Unnamed" solo chorégraphique de Georges Labbat.
6 février : "Tchoko", de Olivia Mabounga.
4 et 6 février : "À chaque temps, nos premières danses" par La Mécanique du bonheur, laboratoire de recherche et de création chorégraphique dirigé par la danseuse et chorégraphe Véronique Teindas.
7 et 8 février : "La Barbichette et Monsieur K.

Bruno Fougniès
Mardi 18 Février 2025

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"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
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© Pierre Gondard.
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© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

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Bruno Fougniès
13/12/2024