La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"La Tragédie d'Hamlet" Hamlet plus vrai que nature dans la traduction de Jean-Claude Carrière

Dans cette mise en scène de Guy-Pierre Couleau, pas d'artifice de théâtre. Le focus est pointé sur le jeu, les comédiens et le texte. Comme si un zoom permanent faisait avancer le spectateur sur scène pour frôler les palpitations, les effrois, les folies des personnages de Shakespeare à quelques centimètres. On est à la fois dans le grand classique et dans la pièce immersive.



© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Le plateau du théâtre 13 (scène en quart de cercle qui s'avance dans les gradins) est presque nu à part des chaises disparates alignées. On se croirait presque en répétition. C'est l'idée. Partir de rien, de quelques mots du texte, et se laisser emporter par l'histoire inventée par Shakespeare. Pour les acteurs, l'enjeu est le même : trouver en eux la force narrative, l'incarnation rapide, la pertinence car ils n'auront pas le support des costumes, des décors, des ambiances. Pari osé.

Le côté dostoïevskien de la pièce, avec sa fine analyse psychologique, est projeté en avant par la traduction que Jean-Claude Carrière a écrite dans un langage moderne, simple sans toutefois se prostituer au langage à la mode. Sur la base de ce texte, Guy-Pierre Couleau a construit un spectacle qui semble se créer au fur et à mesure de l'entrée en jeu des comédiens. Tous, habillés simplement, actuels. Chaque entrée met en branle l'action suivante. Et la machine savante avance ainsi, déroulant le drame, les drames que visitent la pièce : le meurtre, l'inceste, le suicide, Hamlet père, Ophélie, Yorick le bouffon, Polonius, Laërte, Gertrude, Hamlet… tous morts.

Pourtant, rien de morbide dans le rythme du spectacle. Même si cette première était un peu sage, un peu académique dans l'incarnation et les scènes qu'ont réalisées les interprètes, la chantilly monte peu à peu et l'on suit cette quête de justice et d'ordre avec appétit. C'est le travail d'interprétation qui est à l'œuvre. Et donc la distribution de cet Hamlet aussi bien qu'une direction d'acteurs exigeante.

© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Dans cette distribution, Benjamin Jungers crée un Hamlet d'une simplicité proche, qui touche et fait entendre ses tourments avec une empathie extrême. Son meilleur camarade, Horatio, prend les traits de Marco Caraffa qui parvient à donner à son personnage un ailleurs qui lui donne une pureté bien loin de la corruption des autres rôles de la pièce. Le remarquable Emil Abossolo M'Bo est un Polonius épatant et radieux. Anne Le Guernec parvient à apporter, à parts égales, sincérité de cœur et sensualité. Nils Ohlund en Claudius, impitoyable. Sandra Sadhardheen, Ophélie comme un corps qui danse et flotte, bizarrement le rôle le moins touchant. Bruno Boulzaguet et Thomas Ribière qui, chacun, jouent plusieurs rôles avec talent.

Cette version d'Hamlet (adaptation de Peter Brook) se focalise sur les personnages forts et néglige les mouvements sociaux ou politiques qui les entourent, mais elle a l'intelligence de nous parler plus intimement des doutes, du désordre des esprits et des mœurs et des angoisses existentielles.

"La Tragédie d'Hamlet"

© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Texte : William Shakespeare.
Adaptation : Peter Brook.
Texte français de Jean-Claude Carrière et Marie-Hélène Estienne.
Mise en scène : Guy-Pierre Couleau.
Assistante à la mise en scène : Mona Terrones.
Avec : Emil Abossolo M'Bo, Bruno Boulzaguet, Marco Caraffa, Benjamin Jungers, Anne Le Guernec, Nils Ohlund, Thomas Ribière, Sandra Sadhardheen.
Scénographie : Delphine Brouard.
Musiques et son : Frédéric Malle.
Chorégraphie de combat : Florence Leguy.
Costumes : Camille Pénager.
Lumières : Laurent Schneegans.
Cie Des Lumières et des Ombres.
À partir de 14 ans.
Durée : 2 h sans entracte.

Vu dans le cadre de représentations professionnelles ayant eu lieu au Théâtre 13/Jardin (Pais 13e) les mercredi 10 mars, jeudi 11 mars et vendredi 12 2021 à 14 h 30.

Tournée 2021/2022
30 septembre 2021 : Le Théâtre d'Auxerre - scène conventionnée, Auxerre (89).
20 octobre 2021 : Théâtre Esplanade du Lac, avec la ville de Ferney-Voltaire, Divonne-les-Bains (01).
9 novembre 2021 : Le Carré - Scène nationale Centre d'art contemporain, Château-Gontier-sur-Mayenne (53).
8 au 20 février 2022 : Théâtre 13, Paris (75).
15 mars 2022 : Les Scènes du Jura - Scène nationale, Lons-le-Saunier (39).
17 mars 2022 : Association Bourguignonne Culturelle ABC, Dijon (21).
21 avril 2022 : Théâtre Victor Hugo - Scène des arts du geste, Bagneux (92).

Bruno Fougniès
Mardi 16 Mars 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024