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Culture en danger : le temps des engagements ! Mobilisation unitaire d'organisations du spectacle, salariés et employeurs  03/03/2021

Les structures culturelles, en particulier celles du spectacle et du cinéma, ont été les premières touchées par des restrictions et fermetures liées à la crise sanitaire : le 4 mars prochain en sera le premier et triste anniversaire. Les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les permanents de nos secteurs et nombre d'artistes-auteurs sont depuis privés d'une grande part de leurs activités et de leurs revenus.

Les mesures de soutien prises par le gouvernement et les collectivités territoriales, incontestables et indispensables depuis le début de la crise, n'ont cependant pas permis à une majorité des acteurs du secteur de voir compensées leurs pertes d'activités et leurs pertes économiques. La mise en œuvre de ces aides a, par ailleurs, largement manqué de transparence et d'équité. À ce stade, l'emploi permanent a pu être préservé, mais l'activité partielle est intervenue minoritairement pour compenser les annulations de contrats des intermittents (14 % au printemps dernier, moins de 4 % en septembre, en déclin depuis). Des employeurs se voient par ailleurs refuser leurs demandes par l'administration alors que les contrats de cession ne sont pas honorés.

2021 est l'année de tous les dangers : budgets des collectivités territoriales en berne - ils sont les premiers financeurs de la Culture - et gouvernement qui réduit, mois après mois, son soutien au secteur culturel dont les restes à charge vont encore augmenter. Les perspectives de ressources propres pour l'ensemble des structures (billetterie pour les lieux et festivals, cession du droit d'exploitation pour les équipes artistiques) sont atones et les volumes d'emploi s'effondrent, aggravant le phénomène de précarité et de manque de visibilité. Une partie des artistes et techniciens intermittents du spectacle ont vu leur droit à l'assurance chômage prolongé jusqu'au 31 août 2021 et quelques mesurettes sont arrivées pour certains jeunes et une petite partie des artistes auteurs et indépendants.

Le public s'est souvent fait entendre aux côtés des professionnels pour dire que "ce n'était pas une vie" d'être éloigné des œuvres et des artistes. Nos revendications pour la survie de nos entreprises et pour les professionnels qui travaillent avec elles sont celles d'un secteur important à la cohésion de notre société.

Nos structures et nos salariés sont plongés dans le désarroi. Exsangues et épuisés, nous demandons à présent des décisions fermes et immédiates pour que soit permis à toutes celles et ceux qui exercent un métier culturel de pouvoir en vivre et non plus survivre, à savoir :

- Une méthodologie de travail pour la réouverture dans un calendrier réaliste pour les lieux culturels, y compris ceux qui accueillent des pratiques en amateur, et un engagement sur la tenue des festivals et des spectacles occasionnels organisés dans le cadre des festivités populaires, nous permettant d'arrêter de naviguer à vue de quinzaine en quinzaine, au mépris de la santé physique et mentale des équipes ;

- Une réelle concertation sur un plan de relance réaliste et adapté pour accompagner la reprise d'activité qui ne pourra avoir lieu sans volontarisme et aides substantielles ;

- Un fonds pour l'emploi direct dédié au secteur culturel permettant un maintien du volume d'emploi (résidences de recherche ou de création, répétitions, actions de transmission, etc.), donc le maintien des compétences spécifiques à nos métiers, qui puisse aussi permettre de mener une politique volontariste d'inclusion des jeunes, et apporter un soutien à l'ensemble des artistes-auteurs et des indépendants de la culture ;

- Un engagement sans tarder sur la prolongation de l'année blanche au-delà du 31 août 2021 pour tous les intermittents du spectacle ;

- Une consolidation immédiate des organismes sociaux du secteur culturel (l'Afdas pour la formation professionnelle, le CMB pour la prévention et la santé au travail, la Caisse des Congés Spectacles, Audiens pour la santé et la prévoyance) durement touchés par l'absence de cotisations liée à l'effondrement du volume d'emploi. Ces droits sociaux complémentaires doivent être garantis ;

- Faciliter l'accès au fonds de solidarité pour le rendre éligible à tous les artistes auteurs et mettre en place des mesures spécifiques telle qu'une indemnisation forfaitaire pour tous les artistes auteurs d'un spectacle pour chaque date annulée depuis le 17 mars 2020, quand l'artiste-auteur n'a pas pu bénéficier d'un autre type d'indemnisation pour ces dates.

- Une solution - qui s'est trop fait attendre - à l'impossibilité pour certains salariés et artistes auteurs d'ouvrir des droits à un congé maternité ou un congé maladie, proprement discriminatoire, alors que l'égalité entre femmes et hommes doit être un combat encore plus actif en période de crise.

Les choix politiques dans cette période sont difficiles, nous le savons. Néanmoins, nous ne pouvons souscrire à des décisions qui réduiraient à néant l'idée même de politiques culturelles, de tentatives de déploiement vers tous les publics qui sont loin d'être achevées. L'exercice des droits culturels que constituent la liberté de création, l'accès du plus grand nombre aux œuvres de l'esprit et la citoyenneté active est indissociable du pacte républicain.

La Culture est un bien commun.

Elle est partout. Elle ouvre des voies, offre des perspectives, appelle à réfléchir sur soi, sur les autres, sur le monde. Elle est un espoir.

Nous allons la défendre. Nous ne voulons plus d'effets d'annonce, nous voulons des engagements ! Notre volonté d'exercer nos métiers et d'en vivre est aussi celle de maintenir le dialogue avec le public.

Le 4 mars, tous les acteurs du monde culturel seront à nouveau mobilisés !

>> Liste des rassemblements

Communiqué cosigné par :
CGT Spectacle, Syndicat des Cirques et Compagnies de Création, CFDT: Communication et Conseil Culture, SYNAVI, FASAP FO, PROFEDIM, CFE CGC FCCS, CFTC, SNSP, SMA, SYNDEAC, Les Forces Musicales, SNMS, UFISC, THEMAA, SYNPASE, FNCOF, Fédération Nationale des Arts de la Rue, FEDELIMA, Zone Franche Réseau des Musiques du Monde, Ami Entends Tu, CITI.
La Rédaction

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"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
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"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
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"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024