Philippe Torreton dans "Hamlet" © Andy Parant
Aller au château de Grignan est une sorte de pèlerinage au bout duquel le spectacle qu’offre chaque année le Conseil Général de la Drôme est la cerise sur le gâteau de ce beau parcours. Ouvert à tous, les promeneurs se retrouvent sur ce site magnifique pour partager un moment d’émotion. Les fêtes nocturnes du Château existent depuis 25 ans. De tradition populaire (au sens noble du terme), ce théâtre, ouvert à tous, attire et réunit des spectateurs aux horizons très divers.
Le lieu et l’esprit qui y règnent ont donc cette qualité évidente de vouloir offrir à un très large public un spectacle de qualité joué par des grands noms du théâtre. Cet Hamlet est en ce sens une réussite et un succès populaire indéniables. L’an dernier, François Rancillac, avec Le Roi s'amuse, avait remporté un franc succès. Et cette année Jean-Luc Revol a réussi son coup : œuvre de commande, il a permis de rendre accessible un texte au plus grand nombre sans en diminuer sa portée.
La force incroyable de cette interprétation est d’avoir désacralisé le personnage. La traduction de Jean-Michel Desprats compte beaucoup dans cette réussite. Ce linguiste n’est pas seulement un universitaire de renom. Co-fondateur de la Maison Antoine Vitez (centre internationale de la traduction théâtrale), il a entre autres traduit tout Shakespeare dans la belle collection bilingue de la Bibliothèque de la Pléiade. Avec Hamlet, on peut dire qu’il a su rester au plus proche de la gouaille shakespearienne et permettre aux comédiens d’en conserver son rythme (intense) et son souffle poétique. Loin d’être le Hamlet romantique (dada des hugoliens), il en fait un personnage éponyme terriblement baroque. Dans sa mise en scène, Jean-Luc Revol l’entend bien comme cela. Superbe et juste. Dans le mille !
Le lieu et l’esprit qui y règnent ont donc cette qualité évidente de vouloir offrir à un très large public un spectacle de qualité joué par des grands noms du théâtre. Cet Hamlet est en ce sens une réussite et un succès populaire indéniables. L’an dernier, François Rancillac, avec Le Roi s'amuse, avait remporté un franc succès. Et cette année Jean-Luc Revol a réussi son coup : œuvre de commande, il a permis de rendre accessible un texte au plus grand nombre sans en diminuer sa portée.
La force incroyable de cette interprétation est d’avoir désacralisé le personnage. La traduction de Jean-Michel Desprats compte beaucoup dans cette réussite. Ce linguiste n’est pas seulement un universitaire de renom. Co-fondateur de la Maison Antoine Vitez (centre internationale de la traduction théâtrale), il a entre autres traduit tout Shakespeare dans la belle collection bilingue de la Bibliothèque de la Pléiade. Avec Hamlet, on peut dire qu’il a su rester au plus proche de la gouaille shakespearienne et permettre aux comédiens d’en conserver son rythme (intense) et son souffle poétique. Loin d’être le Hamlet romantique (dada des hugoliens), il en fait un personnage éponyme terriblement baroque. Dans sa mise en scène, Jean-Luc Revol l’entend bien comme cela. Superbe et juste. Dans le mille !
Philippe Torreton et Catherine Salviat dans "Hamlet" © Andy Parant
Imaginez un château campé dans toute sa hauteur, entouré de ses remparts. Imaginez encore un plateau entièrement nu, un hémicycle large et profond, à ciel ouvert. Au milieu de cette immensité, s’élève un Philippe Torreton à la voix haute et claire, qui se cogne par instants aux murs rugueux du château d’Elseneur. Le jour décline en même temps que cette voix finira par se perdre… dans un murmure étoilé. Immensité superbe et effrayante. Le vertige est intense.
Une atmosphère quasi fantastique se dégage de cet espace : de la scénographie de Sophie Jacob (un plateau nu et glacial dissimule de manière astucieuse ses tombes et ses trappes), à la mise en lumière de Bertrand Couderc (où les ombres fantastiques dansent sur les remparts et démultiplient l’espace à l’infini)… cet ensemble est une réussite. Jusque dans le choix des costumes masculins du couturier Eymeric François : hybrides, ils ont la rigueur nordique associée au baroquisme d’"el Siglo de Oro" espagnol. À la fois familière et étrange, leur allure est comme le reste… austère et chargée.
Toutefois, si l’on est touché par la "vision fantomatique et irréelle" de la belle Ophélia qui emporte le spectateur par le mouvement gracieux de sa grande robe blanche, la magie évanescente du personnage retombe comme un soufflé devant les nœuds roses et criards de la robe en satin brillant. Faute de goût évident ou œillères du critique un peu trop envahi par la vision préraphaélite de la muse de Millais ? Le doute restera et là n’est pas l’essentiel.
Une atmosphère quasi fantastique se dégage de cet espace : de la scénographie de Sophie Jacob (un plateau nu et glacial dissimule de manière astucieuse ses tombes et ses trappes), à la mise en lumière de Bertrand Couderc (où les ombres fantastiques dansent sur les remparts et démultiplient l’espace à l’infini)… cet ensemble est une réussite. Jusque dans le choix des costumes masculins du couturier Eymeric François : hybrides, ils ont la rigueur nordique associée au baroquisme d’"el Siglo de Oro" espagnol. À la fois familière et étrange, leur allure est comme le reste… austère et chargée.
Toutefois, si l’on est touché par la "vision fantomatique et irréelle" de la belle Ophélia qui emporte le spectateur par le mouvement gracieux de sa grande robe blanche, la magie évanescente du personnage retombe comme un soufflé devant les nœuds roses et criards de la robe en satin brillant. Faute de goût évident ou œillères du critique un peu trop envahi par la vision préraphaélite de la muse de Millais ? Le doute restera et là n’est pas l’essentiel.
Jean-Luc Revol, Antoine Cholet, Philippe Torreton dans "Hamlet" © Andy Parant
Place donc à la belle équipée : parmi la troupe de comédien, il y a bien sûr Philippe Torreton, chouchou du public, qui emporte les suffrages. Il est arrivé à composer un personnage torturé et étouffant, animé d’une conscience extralucide que rejette en même temps avec force tout son être. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur cet héros et anti héros tout à la fois, à l'occasion d'une interview avec Philippe Torreton, réalisée à l'issue du spectacle, et que nous mettrons en ligne prochainement.
Disons pour le moment que son aura est telle qu’il devient difficile aux autres acteurs de se placer et de trouver le ton juste.
Même si... un hommage certain doit être rendu au jeu de Catherine Salviat qui tient le rôle de Gertrude (reine et mère de Hamlet). Le port altier, dans sa large robe noire sertie d’argent, elle ressemble à une diva sortie tout droit d’un opéra, une poupée de cire, presque désincarnée. Jean-Luc Revol entretient à juste titre le mystère de ce personnage. Beau masque hypocrite ou auto-défense d’une femme attaquée dans ses chairs pour qui la vérité serait trop lourde à porter ? Elle est une belle énigme dans la pièce de Shakespeare qui trouve merveilleusement son prolongement dans le jeu ambigu et superbe de la Sociétaire du Français.
Même si encore, on est aussi impressionné et amusé par l’apparition du spectre (Christophe Garcia). Voulue ou non, (délire du critique ? Fort possible !), en tout cas la référence à Dark Vador nous a paru évidente : la voix amplifiée et la respiration forte, le "Je suis ton père" résonne avec éclat et amusement, et nous en restons médusés. Cette manifestation, traitée à la fois avec ampleur et dérision, ne fait qu’accentuer l’ambiguïté du personnage éponyme: ombre fantastique ou reflet fantasmatique d’une conscience tiraillée.
Mais… Même si nous avons un énorme respect pour le travail d’Anne Bouvier (qui est par ailleurs une formidable comédienne), elle manque ici de candeur et de vérité : elle ne convainc pas et l'on croit difficilement à la folie d'Ophélie. Certes, un peu plus juste dans son monologue, le duo Torreton-Bouvier ne fonctionne cependant pas. Espérons qu’elle arrivera à trouver un équilibre face au déchaînement superbe de son partenaire qui a tendance à étouffer et éclipser la belle.
Enfin, pour ne citer que ceux-là, Laërte (Cyrille Thouvenin) ne fait pas le poids. Le déséquilibre est patent, au point qu’il compense par un jeu tout en force et qui manque trop souvent de nuance.
Mais ne nous égarons pas et ne noyons pas ce travail (qui n'en est pas moins grand) par un flot de critiques négatives. Ils jouent pendant deux mois et venir les voir si tôt est toujours une prise de risque. Pour en avoir parlé avec Xavier Simonin (que l'on avait vu dans L'Or de Cendrars), nous n’avons aucun doute que chacun arrive à trouver sa place et sa respiration. Pour le moment, Hamlet est encore (une belle) polyphonie. Gageons qu’elle devienne très vite une symphonie.
Disons pour le moment que son aura est telle qu’il devient difficile aux autres acteurs de se placer et de trouver le ton juste.
Même si... un hommage certain doit être rendu au jeu de Catherine Salviat qui tient le rôle de Gertrude (reine et mère de Hamlet). Le port altier, dans sa large robe noire sertie d’argent, elle ressemble à une diva sortie tout droit d’un opéra, une poupée de cire, presque désincarnée. Jean-Luc Revol entretient à juste titre le mystère de ce personnage. Beau masque hypocrite ou auto-défense d’une femme attaquée dans ses chairs pour qui la vérité serait trop lourde à porter ? Elle est une belle énigme dans la pièce de Shakespeare qui trouve merveilleusement son prolongement dans le jeu ambigu et superbe de la Sociétaire du Français.
Même si encore, on est aussi impressionné et amusé par l’apparition du spectre (Christophe Garcia). Voulue ou non, (délire du critique ? Fort possible !), en tout cas la référence à Dark Vador nous a paru évidente : la voix amplifiée et la respiration forte, le "Je suis ton père" résonne avec éclat et amusement, et nous en restons médusés. Cette manifestation, traitée à la fois avec ampleur et dérision, ne fait qu’accentuer l’ambiguïté du personnage éponyme: ombre fantastique ou reflet fantasmatique d’une conscience tiraillée.
Mais… Même si nous avons un énorme respect pour le travail d’Anne Bouvier (qui est par ailleurs une formidable comédienne), elle manque ici de candeur et de vérité : elle ne convainc pas et l'on croit difficilement à la folie d'Ophélie. Certes, un peu plus juste dans son monologue, le duo Torreton-Bouvier ne fonctionne cependant pas. Espérons qu’elle arrivera à trouver un équilibre face au déchaînement superbe de son partenaire qui a tendance à étouffer et éclipser la belle.
Enfin, pour ne citer que ceux-là, Laërte (Cyrille Thouvenin) ne fait pas le poids. Le déséquilibre est patent, au point qu’il compense par un jeu tout en force et qui manque trop souvent de nuance.
Mais ne nous égarons pas et ne noyons pas ce travail (qui n'en est pas moins grand) par un flot de critiques négatives. Ils jouent pendant deux mois et venir les voir si tôt est toujours une prise de risque. Pour en avoir parlé avec Xavier Simonin (que l'on avait vu dans L'Or de Cendrars), nous n’avons aucun doute que chacun arrive à trouver sa place et sa respiration. Pour le moment, Hamlet est encore (une belle) polyphonie. Gageons qu’elle devienne très vite une symphonie.
"Hamlet"
Philippe Torreton dans "Hamlet" © Francis Rey
(Vu le 05 juillet 2011)
Texte : William Shakespeare.
Traduction : Jean-Michel Desprats.
Mise en scène : Jean-Luc Revol, assisté de Xavier Simonin.
Avec : Philippe Torreton, Catherine Salviat, Anne Bouvier, George Claisse, Jean-Marie Cornille, Cyrille Thouvenin, Yann Burlot, José-Antonio Pereira, Christophe Garcia, Vincent Talon, Franck Jazédé, Antoine Cholet, Romain Poli, Jean-Luc Revol.
Scénographie : Sophie Jacob.
Costumes : Eymeric François.
Lumière : Bertrand Couderc.
Régie générale : Olivier Even.
Constructeur décorateur : Emmanuel Laborde et Vincent Boisserolle.
Perruques : Antoine Wauquier.
Son : Bernard Vallery.
Du 1er juillet au 20 août.
Château de Grignan.
Réservations : 04 75 91 83 65.
www.ladrome.fr
Texte : William Shakespeare.
Traduction : Jean-Michel Desprats.
Mise en scène : Jean-Luc Revol, assisté de Xavier Simonin.
Avec : Philippe Torreton, Catherine Salviat, Anne Bouvier, George Claisse, Jean-Marie Cornille, Cyrille Thouvenin, Yann Burlot, José-Antonio Pereira, Christophe Garcia, Vincent Talon, Franck Jazédé, Antoine Cholet, Romain Poli, Jean-Luc Revol.
Scénographie : Sophie Jacob.
Costumes : Eymeric François.
Lumière : Bertrand Couderc.
Régie générale : Olivier Even.
Constructeur décorateur : Emmanuel Laborde et Vincent Boisserolle.
Perruques : Antoine Wauquier.
Son : Bernard Vallery.
Du 1er juillet au 20 août.
Château de Grignan.
Réservations : 04 75 91 83 65.
www.ladrome.fr