C'est cette détermination à fleur de peau, cette exigence presque maladive de sincérité, dont David Nathanson et son pianiste vont être les "passeurs" au travers d'une interprétation aussi sobre que "parlante". Aucun effet "spectaculaire", mais au contraire un effacement derrière le réalisateur de cinéma pour que l'homme puisse reprendre vie par le truchement des mots qu'étaient les siens. Ainsi, par touches successives, au son de notes délicates échappées d'un piano, la mosaïque de ce que l'on pouvait connaître (ou pas) du réalisateur des "Quatre cents coups" va se (re)constituer pour donner naissance à un Truffaut plus vivant que jamais.
Un salon des années soixante-dix où une table basse accueille, pêle-mêle, livres, lettres, photos couleur sépia et autres archives personnelles recréant le monde de François Truffaut. Au second plan, émergeant de l'ombre, un écran sur lequel sera projetée – amplifiée par un zoom grossissant – la matière inerte des documents ci-dessus, recréant ainsi concrètement le lien "lumineux" entre cinéma et écriture, deux visages indissociables de son art. Sur le côté, un grand piano et son pianiste égrenant les petites notes échappées de sa filmographie. Et, au centre, le comédien délivrant le texte en faisant entendre, au-delà des mots articulés, les uns aux autres, les états émotionnels qui parcouraient leur auteur au moment où, de sa fine écriture, il couchait sur le papier rien moins que sa vie.
Un salon des années soixante-dix où une table basse accueille, pêle-mêle, livres, lettres, photos couleur sépia et autres archives personnelles recréant le monde de François Truffaut. Au second plan, émergeant de l'ombre, un écran sur lequel sera projetée – amplifiée par un zoom grossissant – la matière inerte des documents ci-dessus, recréant ainsi concrètement le lien "lumineux" entre cinéma et écriture, deux visages indissociables de son art. Sur le côté, un grand piano et son pianiste égrenant les petites notes échappées de sa filmographie. Et, au centre, le comédien délivrant le texte en faisant entendre, au-delà des mots articulés, les uns aux autres, les états émotionnels qui parcouraient leur auteur au moment où, de sa fine écriture, il couchait sur le papier rien moins que sa vie.
Sa liberté totale de parole, dont il se faisait une règle absolue, éclatera dès les premières réponses à des inconnues l'ayant sollicité. À l'une d'elles, après les rapides considérations d'usage, son jugement tombe comme un couperet : "Chère Mademoiselle, j'ai bien reçu votre synopsis, mais je ne comprends pas pourquoi vous me l'avez envoyé. Désolé de ne pouvoir rien faire pour vous". Ou encore à une autre jeune dame le sollicitant pour réaliser une adaptation d'"Un amour de Swann", il répond : "Seul un charcutier pourrait adapter le salon des Verdurin. Aller voir plutôt du côté de René Clément.", réglant par la même occasion son compte à ce cinéaste vraiment trop traditionnel à ses yeux.
Sa franchise extrême l'amènera dans le même temps à encenser d'autres cinéastes comme Louis Malle : "Mon cher Louis, votre Zazie m'a troublé. J'ai rarement souhaité le succès d'un autre comme le vôtre. Grandes amitiés". Quand il parle de son enfance et adolescence compliquées (cf. "Les quatre cents coups" qui en sont le copié-collé), il confie avec grande émotion sa reconnaissance infinie pour André Bazin, le fondateur des "Cahiers du cinéma" dont des précieux exemplaires garnissent la table du salon. À deux reprises, lui qu'il considérait comme son père adoptif, l'a sorti du milieu carcéral et lui a ouvert les portes du septième art en lui confiant un travail de rédacteur dans ses "Cahiers". Là, il développera l'art d'une critique furieuse au gré de ses coups de foudre et des coups de grâce qu'il rendait.
Sa franchise extrême l'amènera dans le même temps à encenser d'autres cinéastes comme Louis Malle : "Mon cher Louis, votre Zazie m'a troublé. J'ai rarement souhaité le succès d'un autre comme le vôtre. Grandes amitiés". Quand il parle de son enfance et adolescence compliquées (cf. "Les quatre cents coups" qui en sont le copié-collé), il confie avec grande émotion sa reconnaissance infinie pour André Bazin, le fondateur des "Cahiers du cinéma" dont des précieux exemplaires garnissent la table du salon. À deux reprises, lui qu'il considérait comme son père adoptif, l'a sorti du milieu carcéral et lui a ouvert les portes du septième art en lui confiant un travail de rédacteur dans ses "Cahiers". Là, il développera l'art d'une critique furieuse au gré de ses coups de foudre et des coups de grâce qu'il rendait.
Habité par un idéal de liberté qu'il porte haut, il prendra fait et cause pour Chris Marker dont, en 1963, "Le joli mois de mai", est menacé de censure, le traitement de la Guerre d'Algérie étant jugé sulfureux par le gouvernement français. Il s'adressera alors au ministre en place pour lui écrire : "Monsieur le Ministre, le sort du "Joli mois de mai" est entre vos mains. C'est la confrontation des avis qui seule peut préserver la liberté du cinéma".
C'est au nom de ce même engagement que, lorsqu'il apprend qu'il lui sera interdit aux "Dossiers de l'écran" d'aborder le problème de la censure lors du débat programmé sur son adaptation de "Fahrenheit 451" de Ray Bradbury, il déclinera net l'invitation des "dossiers noirs des dossiers de l'écran". Sur la table du salon, la couverture des "Cahiers du cinéma" représentant "A Bout de Souffle" frappé d'une interdiction aux moins de dix-huit ans par la Commission de Censure, et une photographie de "La Religieuse" de Jacques Rivette, interdite en 1966 par le ministre gaulliste de l'époque, sont zoomées et projetées.
De même, lorsqu'il écrira au Président de la Cour de Sûreté pour défendre la liberté de la presse remise en cause par la saisie des numéros de "La Cause du Peuple" de Jean-Paul Sartre. Il préconise, avec l'ironie cinglante dont il sait faire preuve, de conseiller désormais aux vendeurs de journaux de porter chemise blanche (comme la sienne, lui qui n'a pas été arrêté) et de réfléchir avant de refuser le Nobel (en hommage à Jean-Paul Sartre, emmené au commissariat).
C'est au nom de ce même engagement que, lorsqu'il apprend qu'il lui sera interdit aux "Dossiers de l'écran" d'aborder le problème de la censure lors du débat programmé sur son adaptation de "Fahrenheit 451" de Ray Bradbury, il déclinera net l'invitation des "dossiers noirs des dossiers de l'écran". Sur la table du salon, la couverture des "Cahiers du cinéma" représentant "A Bout de Souffle" frappé d'une interdiction aux moins de dix-huit ans par la Commission de Censure, et une photographie de "La Religieuse" de Jacques Rivette, interdite en 1966 par le ministre gaulliste de l'époque, sont zoomées et projetées.
De même, lorsqu'il écrira au Président de la Cour de Sûreté pour défendre la liberté de la presse remise en cause par la saisie des numéros de "La Cause du Peuple" de Jean-Paul Sartre. Il préconise, avec l'ironie cinglante dont il sait faire preuve, de conseiller désormais aux vendeurs de journaux de porter chemise blanche (comme la sienne, lui qui n'a pas été arrêté) et de réfléchir avant de refuser le Nobel (en hommage à Jean-Paul Sartre, emmené au commissariat).
Mais son engagement "gauchisant" l'amènera tout autant à gloser sur les révolutionnaires de pacotille qui épousent ces idées pour paraître plus jeunes… Visé en premier lieu, un certain Jean-Luc Godard dont la lettre au vitriol qu'il lui adressera est lue avec les accents d'une colère irrépressible… Jean-Pierre Léaud, l'Antoine Doinel des "Quatre cents coups", humilié par ce fumiste dandy se faisant passer pour l'éternelle victime de sa relation à Anna Karina, lui qui est un falsificateur notoire, incapable de la moindre empathie pour quiconque. Reçu pour solde de tout compte...
La charge peut être terrible comme on vient de l'entendre, mais les témoignages d'amitié seront tout autant forts. Ainsi de sa lettre à Jean-Louis Bory, le génial critique de cinéma emblématique du combat homosexuel, souffrant d'une grave dépression : "J'ai admiré votre courage au "Masque et la Plume". Vous aurez la force de revenir parmi nous". Celle à Alain Souchon dont il apprécie la grande sensibilité, ou encore celle rédigée au moment du décès à quarante ans de son protecteur, André Bazin : "Depuis, je n'ai plus de parents. C'est lui qui m'a appris le cinéma. Il est mort. Je ne peux que pleurer".
La charge peut être terrible comme on vient de l'entendre, mais les témoignages d'amitié seront tout autant forts. Ainsi de sa lettre à Jean-Louis Bory, le génial critique de cinéma emblématique du combat homosexuel, souffrant d'une grave dépression : "J'ai admiré votre courage au "Masque et la Plume". Vous aurez la force de revenir parmi nous". Celle à Alain Souchon dont il apprécie la grande sensibilité, ou encore celle rédigée au moment du décès à quarante ans de son protecteur, André Bazin : "Depuis, je n'ai plus de parents. C'est lui qui m'a appris le cinéma. Il est mort. Je ne peux que pleurer".
Quant au témoignage d'amour paternel adressé depuis Hollywood à ses filles, il résonne comme l'antidote de la missive adressée à ses parents lors de la sortie des "Quatre cents coups" : "L'enfant sournois, voleur que vous avez fabriqué en me laissant seul pour partir tous les deux à Fontainebleau, ne venant même pas me chercher pour que je puisse me présenter à l'examen de repêchage pour l'entrée en sixième, m'a servi de modèle. J'ai constamment pensé à vous en écrivant ce film".
Il ressort de cette traversée de la "Correspondance", un portrait saisissant de cet homme, réalisateur d'une existence vécue au sceau de ses convictions. Et si nous n'avons pas plus évoqué l'acteur, c'est qu'il a su magnifiquement s'effacer derrière le sujet de sa belle interprétation.
Vu le samedi 15 juillet 2023 au Théâtre Transversal à Avignon.
Il ressort de cette traversée de la "Correspondance", un portrait saisissant de cet homme, réalisateur d'une existence vécue au sceau de ses convictions. Et si nous n'avons pas plus évoqué l'acteur, c'est qu'il a su magnifiquement s'effacer derrière le sujet de sa belle interprétation.
Vu le samedi 15 juillet 2023 au Théâtre Transversal à Avignon.
"Truffaut Correspondance"
D'après le recueil de correspondance de François Truffaut.
Mise en scène : Judith d'Aleazzo et David Nathanson
Avec : David Nathanson.
Au piano : Antoine Ouvrard ou Pierre Courriol.
Musique : Antoine Ouvrad.
Scénographie : Samuel Poncet.
Lumières : Julie Lola Lanteri et Erwan Temple.
Décor : Samuel Poncet.
Par la Cie Les Ailes de Clarence.
Tout public à partir de 12 ans.
Durée : 1 h 15.
Du 18 septembre au 10 novembre 2024.
Du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 15 h 30.
Relâche le 11 octobre 2024.
Le Lucernaire, Salle Paradis, Paris 6ᵉ, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 18 octobre à l’issue de la représentation.
Mise en scène : Judith d'Aleazzo et David Nathanson
Avec : David Nathanson.
Au piano : Antoine Ouvrard ou Pierre Courriol.
Musique : Antoine Ouvrad.
Scénographie : Samuel Poncet.
Lumières : Julie Lola Lanteri et Erwan Temple.
Décor : Samuel Poncet.
Par la Cie Les Ailes de Clarence.
Tout public à partir de 12 ans.
Durée : 1 h 15.
Du 18 septembre au 10 novembre 2024.
Du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 15 h 30.
Relâche le 11 octobre 2024.
Le Lucernaire, Salle Paradis, Paris 6ᵉ, 01 45 44 57 34.
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Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 18 octobre à l’issue de la représentation.