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Théâtre

"Tropique de la violence" Une forme d'opéra rock comme un cri de détresse des oubliés de Mayotte

Cent-unième département de France, Mayotte, petite île au nord-ouest de Madagascar, souffre. Loin des clichés de lagons tropicaux et de végétation luxuriante, elle est devenue l'endroit de France le plus peuplé en immigrés, officiels mais surtout clandestins, qui débarquent régulièrement des Comores à bord de kwassa-kwassa (bateaux de pêche à fond plat) quand ils ne finissent pas noyés. C'est dans ce plus grand bidonville de France, situé à Mamoudzou (préfecture du département), que se situe l'action de la pièce. Bienvenue à Kaweni, surnommé bien à propos Gaza, décharge humaine où survivent comme ils peuvent une partie des échoués de notre monde.



© Victor Tonelli.
© Victor Tonelli.
Et parmi eux de nombreux jeunes isolés, comme le héros de cette histoire, Moïse, 15 ans, abandonné par sa mère lorsqu'elle débarqua sur une plage de sable noir, bien des années auparavant. Un enfant recueilli par une infirmière venue du continent, morte depuis. Dans ce contexte pire qu'une jungle, zone de non-droit où l'ordre est aux mains de gangs, Moïse va devoir se débrouiller, survivre et subir la pression de Bruce Wayne, jeune voyou autoproclamé roi de Gaza.

De cet univers décomposé jusqu'aux dans les veines des habitants coule la violence, mieux que le sang. Violence née du manque de tout. D'une pauvreté sans mesure. D'un abandon total. D'un avenir interdit. Aucun repère. Sur le plateau, les projections gigantesques de visages interpellent le minuscule Moïse enfermé dans une cellule de prison. Fantômes imaginaires de la taille de dieux ou de démons. La mise en scène extrêmement élaborée d'Alexandre Zeff fait se caramboler sur scène les mondes intérieurs et les événements de l'histoire.

© Victor Tonelli.
© Victor Tonelli.
C'est à l'intérieur d'une immense machinerie que les personnages évoluent. Vidéos, chants, musiques live, décors en déconstruction, orage et tempête qui inondent la scène, flashs lumineux, déflagrations sonores jalonnent tout le spectacle, grand spectacle. Au milieu de ce chaos esthétique, les personnages principaux vivent, agissent et se disent. Ils semblent fragiles, vénéneux et grouillants comme des insectes. Pourtant l'humanité de chacun explose au travers leurs mots, leurs étreintes cruelles comme des danses assassines.

La mise en scène d'Alexandre Zeff est d'un dynamisme intégral. La présence de la musique sur scène (Yuko Oshima) fait tendre le spectacle vers l'opéra rock. Le jeu des comédiens et des comédiennes, extrêmement physique, captive. En particulier, les très belles performances réalistes des deux protagonistes principaux : Mexianu Medenou dans le rôle de Bruce, roi de bidonville, d'une force et d'une farce tragique redoutable, et Alexis Tieno qui crée un Moïse fragile victime sur le bord de l'enfance, sur le point de tomber, tomber, tomber.

Le roman de Nathacha Appanah, basé sur une expérience réelle, respire bien ici de ses deux poumons : la réalité tragique et l'imaginaire. C'est un cri qui parle bien au-delà du seul plus grand bidonville de France, il dénonce tous les abandons humanitaires qui se développent partout autour de la planète, toutes les misères qu'on ne voit pas.

Vu en représentation "pro" le 19 janvier à 16 h au Théâtre de la Cité Internationale, Paris 14e.

"Tropique de la violence"

© Victor Tonelli.
© Victor Tonelli.
Roman de Nathacha Appanah (aux Éditions Gallimard).
Adaptation et mise en scène : Alexandre Zeff.
Avec : Mia Delmaë, Thomas Durand, Mexianu Medenou, Yuko Oshima ou Blanche Lafuente (en alternance) , Alexis Tieno et Assane Timbo.
Scénographie et lumière : Benjamin Gabrié.
Création vidéo : Muriel Habrard, Alexandre Zeff.
Création musique et son : Yuko Oshima, Vincent Robert, Guillaume Callier.
Collaboration artistique : Claudia Dimier.
Dramaturgie : Noémie Regnau.
Régisseur plateau : Damien Rivalland.
Costumes : Sylvette Dequest.
Maquillage et effets spéciaux : Violette Conti.
Construction décor : Suzanne Barbaud, Yohan Chemmoul, Benjamin Gabrié.
Dessins de la scénographie : Benjamin Gabrié.
Cie La Camara Oscura.
Durée : 1 h 25.

Du 14 au 30 septembre 2022.
Du lundi au vendredi à 20 h, samedi à 18 h.
Théâtre 13/Bibliothèque, Paris 13e, 01 45 88 62 22.
>> theatre13.com

Tournée

© Victor Tonelli.
© Victor Tonelli.
13 et 14 octobre 2022 : Théâtre de Metz (57).
20 octobre 2022 : Théâtre, Chelles (77).
Du 23 au 27 novembre 2022 : Théâtre Les Célestins, Lyon (69).
8 décembre 2022 : Le Théâtre, Laval (53).
5 janvier 2023 : Centre Duhamel, Vitré (35).
12 et 13 janvier 2023 : Théâtre Jean Arp, Clamart (92).
2 mars 2023 : Le Carré Magique, Lannion (22).
Du 22 au 24 mars 2023 : Théâtre-Sénart - Scène nationale, Lieusaint (77).

Bruno Fougniès
Lundi 5 Septembre 2022

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© Ève Pinel.
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Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

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© Betül Balkan.
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