La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Théâtre du Peuple Maurice Pottecher de Bussang, "Par l'art pour l'humanité"

Telle est la devise inscrite de part et d'autre du cadre de scène du théâtre de Maurice Pottecher à Bussang, à laquelle on peut ajouter cette autre, qui sera tout aussi fondatrice de l'utopie humaniste et poétique chère à ce jeune poète vosgien qui, en 1895, créa le Théâtre du Peuple : "Pour le Peuple, par le Peuple".



"Le Brame des biches", mise en scène de Pierre Guillois © David Siebert.
"Le Brame des biches", mise en scène de Pierre Guillois © David Siebert.
Entre Gérardmer et Belfort, au cœur de ce qui est aujourd'hui le Parc naturel régional des Ballons des Vosges, naît en 1867 celui que Paul Puaux associera à Jean Vilar et Firmin Gémier et, parlant des trois hommes, dira : "Il s'agit d'une généalogie. Une véritable lignée d'hommes qui - d'une façon générale – ont eu une réflexion sur le théâtre et adopté des pratiques dont je pense d'ailleurs qu'il est urgent de les ressusciter, de les retrouver, ne serait-ce que parce qu'elles font parties, peut-être, d'une certaine modernité aujourd'hui".

L'aventure artistique et théâtrale de Maurice Pottecher prend sa source dans l'écriture lorsqu'à 17 ans, il rencontre André Suarès au collège Sainte-Barbe à Paris. C'est le début d'une longue amitié et l'occasion de publier ses premiers poèmes, "Rimes perdues", sous le pseudonyme de Claude Alitte. Les deux poètes partagent une même largeur de vues dans l'appréhension de la nature humaine et ont une admiration commune pour Goethe. Face aux transformations du monde moderne – les horreurs des totalitarismes comme la libération des ségrégations -, ils feront preuve de lucidité et d'indépendance d'esprit face aux idéologies et aux modes. Pour Suarès, cela s'exprimera par un travail d'essayiste et sa participation, à partir de 1912, à La Nouvelle Revue française (NRF), avec André Gide, Paul Claudel et Paul Valéry. Pour Pottecher, cela passera par la volonté d'engager une action de "réforme" (plutôt un renouvellement) du théâtre, en créant notamment le Théâtre du Peuple qui devait répondre à deux exigences en étant à la fois populaire et décentralisé.

Théâtre du Peuple © Éric Legrand.
Théâtre du Peuple © Éric Legrand.
Les rencontres qu'il fera tout au long de sa vie entretiendront ses convictions. Durant ses années à Paris, il rencontre et fréquente Jules Renard, Paul Claudel, Léon Daudet (et ses "Jeudis littéraires" dans la maison de son père, Alphonse), Romain Rolland, etc. Il se liera également avec Lucien Michelot, maître de chapelle de Notre-Dame-des-Champs, qui lui écrira de nombreuses partitions musicales pour le Théâtre du Peuple. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance d'une jeune actrice très prometteuse du Théâtre d'Art de Paul Fort, Georgette Camée - de son vrai nom Camille de Saint-Maurice -, qui deviendra sa femme en 1894. Elle aura un rôle central dans "l'aventure théâtrale" de son mari en jouant pendant près de cinquante ans à Bussang et en inculquant les rudiments du jeu aux amateurs participant chaque année aux spectacles.

La passion pour le théâtre va traverser la vie de Maurice Pottecher et en sera une constante. Dès 1892, alors rédacteur à L’Écho de Paris et chroniqueur musical et théâtral à La République Française, il décide de donner une représentation du "Médecin malgré lui" de Molière à Bussang à l'occasion du Centenaire de la République. Trois ans plus tard, en juin, Jules Renard est son invité dans sa villa de Gérardmer. En juillet, Maurice Pottecher écrit "Le diable marchand de goutte" qui sera joué le 1er septembre à Bussang, inaugurant la première saison du Théâtre du Peuple. Sa femme (prenant le pseudo de Camm), abandonnera sa carrière parisienne et se consacrera désormais à l’œuvre de son mari. Ainsi, à partir de 1895, les représentations estivales se succéderont, seulement interrompues durant les périodes de guerres. Le Théâtre du Peuple, à l'origine à ciel ouvert, deviendra un théâtre en bois (des Vosges) en 1921, pouvant accueillir 800 spectateurs.

Aujourd'hui, le Théâtre du Peuple, dans son beau bâtiment en bois classé Monument Historique depuis 1975, est connu dans le monde entier et accueille les metteurs en scène (et directeurs artistiques) les plus prometteurs de leur génération. En 1946, Maurice Pottecher confie la direction artistique à Pierre Richard-Willm qui entretiendra le répertoire "Pottecher" jusqu'en 1970. Yanek lui succède pour 2 saisons. L'arrivée en 72 de Tibor Ergevari marque l'ouverture à un autre répertoire et ainsi Shakespeare, Molière, Labiche ou Hugo se retrouveront dans la programmation. La création contemporaine trouve elle aussi sa place avec les successeurs de Tibor. Ainsi Pierre Diependale, Pierre Étienne Heymann et, plus récemment, François Rancillac, Philippe Berling, Jean-Claude Berutti, Christophe Rauck, Pierre Guillois (cette année) programment des textes d'auteurs contemporains : Olivier Py, Giovanna Marini, Marion Aubert, Peter Handke, etc.
(à suivre...)

Bibliographie
"Les Vosges - Au pays de Maurice Pottecher", Les beaux livres du patrimoine - Casterman.
Auteurs : Pierre Chan, Anne Hautecœur, Pierre Pelot, Pierre Voltz.

Deux pièces à l'affiche pour la 116e édition

"Le Brame des biches", mise en scène de Pierre Guillois © David Siebert.
"Le Brame des biches", mise en scène de Pierre Guillois © David Siebert.
"Le Brame des biches", Tragi-comédie industrielle.
Texte : Marion Aubert.
Mise en scène : Pierre Guillois, assisté de Sandrine Pirès.
Décor et accessoires : Philippine Ordinaire.
Costumes : Axel Aust.
Son : Grégoire Harrer.
Lumières : Jean-Yves Courcoux.
Avec : Christophe Caustier, Agathe L’Huillier, Jean-Paul Muel, Jean Benoit Souilh.
Et les comédiens amateurs du Théâtre du Peuple : Frédéric Balland, Hugo Botter, Mathilde Burr, Christophe Dagonnet, Matthieu Delmonte, Éric Garcia, Camille Ferrand, Marie-Claire Fuchs, Élisabeth Glardon, Olivier Horiot, Joseline Huchette, Christiane Lallemand, Michèle Lautrey, Jean-Claude Luçon, Jean Martin, Marie-France Thomas, Béatrice Willaume.

Spectacle les 14, 16, 17, 23, 24, 30, 31 juillet 2011 ; les 4, 5, 6, 7, 10, 11,12, 13, 14, 17, 18, 19, 20, 21, 24, 25, 26, 27 août 2011.
Horaire : 15 h. Durée : 2 h 30 avec entracte.

Tandis que les ouvriers triment, Mathilde, l’épouse du grand manufacturier, s’ennuie. Alors que les bourgeois s’adonnent à l’adultère, Clara l’ouvrière voit sa pauvre vie se dévider comme une bobine. Nous sommes en 1890 et des poussières, à l’âge d’or de l’industrie textile dans les Vosges. Les grèves éclatent, l’amour s’ébat, la vie déborde au milieu d’une misère sans nom. Amertume et passion font la navette dans cette saga fantaisiste où les femmes s’entichent de liberté et clament leur appétit de vivre à cor et à cri.

Près de 40 acteurs et figurants, professionnels et amateurs, nous embarquent dans cette pièce turbulente. Dans le cadre magique du théâtre en bois, la troupe joue, en guise de fresque historique, une comédie de mœurs des plus fantasques où les grandes émotions le disputent aux situations les plus drolatiques.

"Grand fracas issu de rien", Cabaret spectral.
Création collective.
Concept : Pierre Guillois.
Assistanat artistique : Stéphanie Chêne.
Avec : Dominique Parent (Jeu), Sevan Manoukian (Chant), Younesse El Hariri (Gymnastique), Benjamin Sanz (Percussions), Adrien Mondot (Jonglage et informatique).
Chorégraphie informatique pour Adrien Mondot : Claire Bardainne.
Scénographie numérique : Adrien Mondot et Claire Bardainne.
Dominique Parent interprète des textes de Valère Novarina.

Spectacle les 3, 4, 5, 6, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 20, 24, 25, 26, 27 août 2011.
Horaire : 20 h 30. Durée : 1 h 30.

Soirée hypnotique emportée par des artistes insensés capables du merveilleux comme du rire ! Théâtre, chant, acrobatie s’amourachent et s’enlacent pour mieux nous faire vaciller. Ici un jongleur des mots, là un dresseur de balles et une hystérique soprano, là-bas un athlète assez costaud. Tous s’en donnent à cœur joie, exhibent leur faconde, leur talent, leurs biscotos. Ils visent le vertige, cherchent les frissons, quêtent l’ébahissement, l’étourdissement. Seuls les comas ne sont pas garantis !

Avec des textes de Valère Novarina, des airs de Purcell, Gounod, Bernstein… sur des anneaux, barre fixe et cheval d’arçon, à coup de percussions pour faire danser le tout, ces artistes virtuoses vous promettent un cabaret fou et périlleux, un moment suspendu dans l’atmosphère enchanteresse du Théâtre du Peuple.

Bussang 2011.
Théâtre du Peuple Maurice Pottecher, Bussang (88).
Du 14 juillet au 27 août 2011.
Tél. : 03 29 61 50 48. theatredupeuple.com

Gil Chauveau
Samedi 23 Juillet 2011

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024