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Théâtre

"Sorcières (Titre provisoire)" Histoire de sorcellerie conjuguée au féminin pour parler de transmission, d'amitié et d'une certaine réalité du fantastique

Quitter l'urbaine capitale pour prendre possession d'une vieillotte maison familiale, héritage d'une existence passée campagnarde et néanmoins normande, c'est le choix qu'a fait Sonia. Très vite, à l'évidence, le souvenir de l'aïeule, la grand-mère, dernière résidente, imprègne les lieux par quelques vêtements et objets, peut-être même par une présence fantomatique. Un soir de pluie, une femme mystérieuse passe avant de reprendre son chemin. De cette rencontre imprévue, Sonia développe des dons et se retrouve connectée à la maison qui prend vie, l’envahie et l’amène à remuer le passé. Soutenue par une amie, elle démêlera l’histoire de cette habitation supposée maudite.



© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Au départ furent les travaux de Jeanne Favret-Saada, figure centrale de l’ethnographie française, sur la sorcellerie paysanne dans le bocage mayennais. Jugés atypiques à l'époque (fin des années soixante-dix), du fait notamment d'une immersion totale pendant deux ans où elle sera considérée par les habitants comme désenvouteuse puis comme ensorcelée. Cette enquête peu banale aboutira à un premier ouvrage, "Les mots, la mort, les sorts" (1977), suivi d'une approche plus psychanalytique intitulée "Corps pour Corps - Enquêtes sur la sorcellerie dans le bocage" (1981), coécrit avec la psychanalyste Josée Contreras.

De cette étude particulière est né le désir d'un état des lieux cinquante ans plus tard. C'est ainsi que Lucie Berelowitsch et Penda Diouf ont parcouru, en février et mars 2023, la campagne viroise pour rencontrer rebouteux et coupeurs de feu (guérisseurs), opérant ainsi un collectage de témoignages variés, de faits divers, de légendes encore vivaces, tous questionnements ayant trait aux bons et mauvais sorts, aux différents rituels païens ou pas, aux croyances perdurant dans l'imaginaire de la gent campagnarde et néanmoins normande. De cette quête aux accents mystérieux et magiques est née le féminin spectacle "Sorcières (Titre provisoire)".

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Dans un décor savamment imaginé (par Valentine Lê et François Fauvel), modulaire et mobile, laissant paraître l'intimité rassurante d'un intérieur et l'insécurité latente de l'extérieur – grâce à une pièce principale dont l'un des angles est coupé, offrant ainsi de multiples porosités entre le cocon et son environnement "sauvage" – vont être convoqués de multiples étrangetés : bruissements inexplicables, voix d'outre-tombe, ombres mystérieuses, etc. ; mais aussi des anomalies événementielles telles que des accidents de la route à répétition ou d'énigmatiques rencontres.

Sonia, dès son installation dans la demeure de famille, plongée dans le tri d'une garde-robe d'un autre temps (celle de son ancêtre), accueille une victime tombée en panne de voiture… de manière suspecte (réalité ou allégorie). Ainsi, les autrices posent dès le début les éléments d'une fiction fantastique qui va s'élaborer crescendo dans l'expression d'événements extraordinaires ou bizarres.

Puis, une amie arrive, rompant la solitude de Sonia, l'accompagnant pour une brocante pour vendre, sans succès, les affaires (vêtements et objets) qu'elle a triées. Le bruit court que la maison est hantée... et on n'achète pas les objets d'une maison hantée. Les histoires anciennes ressurgissent et déstabilisent. Sonia (excellente Sonia Bonny) décide alors d'effectuer des recherches dans les archives de la presse locale pour lire de vieux articles sur les phénomènes paranormaux. Au fur et à mesure, une subtile ambiance en clair obscur s'installe.

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Dans ces méandres ensorcelés, la présence de l'amie (convaincante Clara Lama Schmit) alimente une certaine complicité bienveillante et les fantômes – sorciers, sorcières ou pas – (Natalka Halanevych, habitant avec talent plusieurs rôles) esquissent une compagnie appropriée à l'atmosphère générale. Ne dit-on pas que seules les ensorcelés parlent de sorcières ou de sorcellerie ? Et, ici, Sonia n'est-elle pas simplement une passeuse d'âme... un être doté d'une incroyable capacité à aimer et à pardonner sans juger, cherchant à agir comme pour concrétiser une libéralisation des lieux, des âmes tourmentées.

Si l'enquête et la collecte de témoignages initiales effectuées par Lucie Berelowitsch et Penda Diouf apportent un état des lieux actuel de la sorcellerie en Normandie, leur propos porte au-delà, vers une autre facette de l'ethnologie moderne, questionnant la structure et l'évolution (ou non-évolution) de notre société rurale sur le terrain des relations humaines où se jouent les connections intergénérationnelles, la transmission des valeurs, des modes de vie et des connaissances passées, mais aussi la force de l'éducation, de l'amitié, de la tolérance et de l'acceptation des différences.
◙ Gil Chauveau

"Sorcières (Titre provisoire)"

Texte : Penda Diouf.
Mise en scène : Lucie Berelowitsch.
Assistant à la mise en scène : Baptiste Mayoraz.
Avec : Sonia Bonny et Clara Lama-Schmit (comédiennes permanentes), Natalka Halanevych (membre des Dakh Daughters, artistes associées).
Lumières : Kelig Le Bars.
Musique : Sylvain Jacques.
Scénographie : François Fauvel et Valentine Lê.
Costumes : Elizabeth Saint-Jalmes et Ève Le Corre-Le Trévédic.
Décors : les Ateliers du Préau.
Production Le Préau - CDN de Normandie-Vire.
Coproduction La Criée - Théâtre National de Marseille.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.
Durée : 1 h 30.
À partir de 12 ans.

Spectacle créé au Préau - CDN de Normandie-Vire du 1ᵉʳ au 4 octobre 2024.

Tournée
18 octobre 2024 : Théâtre des Halles, Tessy-Bocage (50).
14 novembre 2024 : Théâtre municipal, Domfront-en-Poiraie (61).
28 novembre 2024 : La Halle ô Grains, Bayeux (14).
21 et 22 janvier 25 : Théâtre du Point du Jour, Lyo (69).
28 janvier 2025 : Salle des fêtes, Barenton (50).
4 février 2025 : Théâtre de l’Arsenal, Val-de-Reuil (76).
27 et 28 fév. 25 : Les Franciscaines, Deauville (14).

Gil Chauveau
Vendredi 18 Octobre 2024

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
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L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

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Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

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Gil Chauveau
03/11/2024