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Avignon 2023

•Off 2023• "Yé ! (L'eau)" Un cirque impertinent et joyeux, collectif d'acrobates virtuoses, abordant l'épineux problème de l'eau

Ils sont treize, treize acrobates et danseurs, danseuses, originaires de Conakry, en Guinée. Enfants de la rue, ils et elles ont été formé(e)s aux arts de la scène par les meilleurs professionnels africains et français. Leur dernière création, "Yé ! L'eau" est une épopée spectaculaire qui leur permet de faire à la fois la preuve de leur virtuosité et de nous raconter une histoire "écologique" se référant à cette ressource essentielle, rare et précieuse, qu'est l'eau.



© Metlili.net.
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Si l'écologie est (ou devrait être) au centre de nos préoccupations actuelles, l'eau en est une des composantes vitales en tant que ressource élémentaire, incontournable, fondatrice de la vie. Mais celle-ci est aussi liée à l'un de ses contenants, problème majeur en matière d'environnement, la bouteille en plastique. On pense évidemment, dans le domaine des causes provoquant les pollutions terriennes et océaniques, au mode de consommation occidentale… mais cela concerne aussi des continents comme l'Afrique, et ses peuples, subissant ou générant ces dégâts environnementaux, et surtout étant parmi les premières populations victimes de la cruelle pénurie d'eau.

Au-delà de la richesse artistique et créative que nous offre Circus Baobab avec "Yé ! (L'eau)", c'est cette problématique qui est abordée dans le spectacle et qui va être l'un de ses axes narratifs. Les autres étant un hommage au collectif, aux origines (enfants de la rue), aux traditions (danses rituelles, disciplines ancestrales) et à l'obligation, pour la nouvelle génération que ces artistes africains représentent, de répondre aux nouveaux défis environnementaux.

© Metlili.net.
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Ainsi, tous ces sujets abordés s'expriment, se déroulent en différents tableaux avec, pour en donner une forme de dramatisation ou, au contraire, un effet de légèreté festive, une mise en scène très bien conçue où les silences, la lenteur de déplacement, la fixité des protagonistes joue la tension, voire l'affrontement feint, et où les envolées dynamiques, les interpellations (référence à la rue), les plaisanteries et les enthousiastes mouvements de groupes bien réglés tablent, eux, sur une expression de la gaieté, de la jovialité.

Quant à la virtuosité circassienne, elle se révèle ici dans la souplesse et la vélocité des enchaînements (sans temps morts), dans la précision, l'agilité et l'habilité des acrobates (filles et garçons sur le même plan, à égalité)… et des figures acrobatiques exécutées, le tout nourri par une énergie et une fougue étonnante, joyeuse. Ici, pas d'agrès, ce sont les corps qui les remplacent, à la fois initiateurs et instruments des numéros exécutés.

À chaque séquence, la narration est intimement liée à la performance, au jeu acrobatique. Ainsi, se met en place une immense et longue bataille de bouteilles, finissant, écologie oblige, par le ramassage de celles-ci… Suivi par des sauts avec réception sur un matelas élaboré avec un grand filet rempli de bouteilles d'eau vides. C'est aussi un affrontement pour une bouteille d'eau… liquide ressource vitale et clin d'œil aux violences des rues, dans la rue.

© Metlili.net.
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Les chorégraphies sont très élaborées, avec beaucoup d'effets sur les déplacements de groupe, en référence, pour quelques-uns, aux danses traditionnelles, pour d'autres au hip-hop, au krump. Les expressions corporelles sont rythmées, cadencées, syncopées, voire se rapportant à des attitudes animales, félines ou reptiliennes.

Les acrobaties, quant à elles, se situent à la rencontre de la tradition et de la modernité, entre la dextérité des danses rituelles et une écriture scénique nourrie des inventions du cirque contemporain. Les artistes excellent dans les disciplines ancestrales ici revisitées : main à main, portés acrobatiques, pyramides humaines atteignant des hauteurs vertigineuses, danses de masques, contorsions… Finalement, on constate, pour le plaisir des yeux, beaucoup d'inventivité dans les figures acrobatiques, très graphiques, parfois, comme dessinées dans l'espace aérien.

Si Circus Baobab a été l'un des grands finalistes de "La France a un incroyable talent 2022", ce n'est pas un hasard. Ils et elles sont vraiment extrêmement talentueux(ses), n'ayant pas renié leurs origines ancrées en Afrique et dans la rue. Certains jours, on peut les voir sur une place près du Forum des Halles à Paris… et je parie, sans grand risque, que l'on pourra les apprécier dans les rues d'Avignon avant de découvrir le spectacle complet sur la scène de la Scala Provence.

"Yé ! (L'eau)"

© Metlili.net.
© Metlili.net.
Directeur artistique : Kerfalla Bakala Camara.
Metteur en cirque et compositeur : Yann Ecauvre.
Troupe des 13 Acrobates Danseurs : Bangoura Hamidou, Bangoura Momo, Camara Amara Den Wock, Camara Bangaly, Camara Ibrahima Sory, Camara Moussa, Camara Sekou, Keita Aïcha, Sylla Bangaly, Sylla Fode Kaba, Sylla M’Mahawa, Youla Mamadouba, Camara Facinet.
Intervenant acrobatique : Damien Drouin.
Compositeur : Jeremy Manche.
Chorégraphe : Nedjma Benchaïb.
Costumière : Solène Capmas.
Création Lumière : Clément Bonnin.
Régisseur Général : Christophe Lachèvre.
Production : Circus Baobab et R’en Cirque.
Durée : 1 h.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 juillet 2023.
Tous les jours à 11 h 45. Relâche le lundi.
Théâtre La Scala Provence, 3, rue Pourquery de Boisserin, Avignon.
Réservations : 04 65 00 00 90.
>> lascala-provence.fr

Gil Chauveau
Lundi 3 Juillet 2023

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024