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Avignon 2023

•Off 2023• "Rinocerii (Rhinocéros)" Un Ionesco éclatant de beauté plastique et riche en résonances ubuesques

Scénographie éclatante de couleurs, déplacements réglés comme du papier à musique, accompagnement sonore jouant le rôle d'une "détonante" caisse de résonance… Ce serait là encore peu dire de la nouvelle création d'Alain Timar si l'on n'y ajoutait la distribution roumaine confiée à d'époustouflants acteurs… et l'originalité affirmée de la transposition de la pièce maîtresse du théâtre d'Ionesco dans l'univers d'un supermarché (peu) ordinaire, un supermarché où les caddies sont poussés par d'étranges mutants.



© Luana Popa.
© Luana Popa.
Tandis qu'une musique tonitruante salue l'entrée d'un homme cravaté à la figure quelconque, flanqué d'un hurluberlu aux cheveux hirsutes, dépenaillé et titubant, une sorte de bibendum – poussant devant lui, comme on le ferait d'un ventre affamé, un caddie vide – se profile à l'arrière-plan. Ainsi, dès les prémices, la mécanique à l'œuvre est exposée : l'employé marginal (Béranger) sera le grain de sable au milieu d'un (super)marché de dupes.

Dans la pure lignée des comédies burlesques, l'irruption surjouée de trois employées aux gestes impeccablement symétriques devient le miroir du trouble envahissant les consciences réveillées par l'électrochoc d'une incroyable nouvelle : des rhinocéros ont été vus en ville… L'effervescence hystérique causée par la présence de ces êtres dans des lieux où ils n'ont aucune raison d'être contraste avec l'attitude désinvolte affichée par Béranger. Ne se sentant nullement concerné – lui qui n'a pas investi la consommation comme mode d'existence – il banalise totalement la situation, allant jusqu'à se moquer joyeusement de son collègue en lui soufflant une langue de belle-mère en pleine figure.

© Luana Popa.
© Luana Popa.
Derrière sa façade rigolarde, l'homme révèle sa fragilité d'humain, une espèce en voie de disparition. Il confie sa propension à boire pour oublier sa solitude, solitude qu'il souhaiterait bien rompre avec la belle Daisy… Autour de lui, des caricatures d'employées s'adonnent à des croisements de jambes en cadence (cf. Charlot dans "Les Temps modernes") ou jouent à s'en fendre la poire en inventant des syllogismes dont la vacuité n'a d'égale que la leur. Et, toujours annoncés par la même musique, deux rhinocéros puis un autre traversent le fond de scène, en sens inverse cette fois-ci. En effet, ils reviennent du supermarché, leur caddie plein jusqu'à la gueule…

Des débats surréalistes occupent ce qui reste d'espace mental disponible. On assiste à des joutes sur l'origine géographique des rhinocéros en fonction du nombre de leurs cornes, sur l'interrogation cruciale de savoir si le rhinocéros qui vient de passer est bien celui de tout à l'heure, des questions essentielles de "bonne logique" dignes du Collège de Pataphysique, ce garant de la science des solutions imaginaires fondée naguère par Alfred Jarry, le père… du Père Ubu.

© Luana Popa.
© Luana Popa.
La mise en jeu de la progression invasive trouve dans la scénographie sa traduction au travers des cloisons se rapprochant, réduisant progressivement l'espace à vivre (cf. les cloisons de l'appartement de Chloé à la toute fin de "L'Écume des Jours" de Boris Vian). Des événements plus fantasques les uns que les autres se précipitent, rythmés comme des chorégraphies, jusqu'à l'intrusion sur l'avant-scène des bibendum sautillant et poussant devant eux leur caddie bourré de victuailles.

Les métamorphoses physiques se multiplieront, des cornes pousseront sur les fronts, les respirations se feront plus fortes, bref le virus de le rhinocérite se propagera comme une trainée de poudre gagnant corps et âmes. "Le normal", c'est-à-dire la norme, aura définitivement changé de camp… Quant à l'apothéose finale, haute en couleurs, elle se présentera comme un véritable tableau "vivant" scellant à jamais le sort des "humains" devenus des Pères Ubu débonnaires, engraissés par leur consommation les ayant phagocytés. Et si l'un d'entre eux vient à échapper au sort commun, c'est dans sa fiole qu'il tentera de trouver un zeste de réconfort… humain.

© Luana Popa.
© Luana Popa.
Lorsque le ballet des caddies s'immobilise, que leurs étranges conducteurs disparaissent dans les coulisses de l'Histoire, et que la musique laisse place au silence, on se dit que l'enchantement des "sens" est de nature à faire de cette épopée tragico-comique un divertissement édifiant… à l'usage de tous les humains restés en vie.

Vu le dimanche 9 juillet 2023 à la salle du Chapitre du Théâtre des Halles d'Avignon.

"Rinocerii (Rhinocéros)"

© Luana Popa.
© Luana Popa.
Spectacle en roumain surtitré en français.
Texte : Eugène Ionesco.
Traduction et adaptation : Vlad Zografi et Vlad Russo.
Mise en scène, scénographie : Alain Timár.
Avec : Răzvan Bănuț, Cătălin Ștefan Mîndru, Delu Lucaci, Cristina Florea, Cosmin Panaite, Clara Popadiuc, Diana Lazăr, Horia Andrei Butnaru.
Assistant à la scénographie et création lumière : Sebastian Rațiu.
Régie générale : Cătălin Rodenciuc.
Texte français publié aux éditions Gallimard.
Une production Teatrul Municipal "Matei Vișniec", Suceava (Roumanie).
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h 45.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 26 juillet 2023.
Tous les jours à 11 h. Relâche le jeudi.
Théâtre des Halles, Salle du Chapitre, 22, rue du Roi René, Avignon.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Yves Kafka
Lundi 17 Juillet 2023

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Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
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14/06/2024
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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024