Le genre de la comédie-ballet apparaît quasi accidentellement en 1661 avec "Les Fâcheux", lors des magnifiques fêtes organisées par Nicolas Fouquet pour Louis XIV à Vaux-le-Vicomte - signant par ailleurs l'arrestation du surintendant et sa chute vertigineuse. Premier exemple du genre, il répond au défi pratique posé à Molière et Lully pour la part de la comédie et du ballet dans les divertissements : "On fut contraint de séparer les entrées de ce ballet, et l'avis fut de les jeter dans les entractes de la comédie" (1).
Loin d'être assignées à de purs intermèdes, les parties instrumentales et dansées jouent rapidement pour les onze opus à venir du dramaturge - dix avec Lully avant la trahison de ce dernier (2) - à part égale avec le dialogue théâtral en un mutuel enrichissement. En 1669, pour l'organisation des Chasses royales de Chambord, le compositeur italien et le directeur de l'Illustre Théâtre écrivent ce "Monsieur de Pourceaugnac" injustement méconnu par la postérité.
Loin d'être assignées à de purs intermèdes, les parties instrumentales et dansées jouent rapidement pour les onze opus à venir du dramaturge - dix avec Lully avant la trahison de ce dernier (2) - à part égale avec le dialogue théâtral en un mutuel enrichissement. En 1669, pour l'organisation des Chasses royales de Chambord, le compositeur italien et le directeur de l'Illustre Théâtre écrivent ce "Monsieur de Pourceaugnac" injustement méconnu par la postérité.
De quoi s'agit-il ? Un plouc venu du Limousin arrive dans la capitale pour épouser Julie en un mariage arrangé par des vieillards, ce Monsieur de Pourceaugnac (un cochon donc) et le père de Julie (Oronte). En trois actes et en prose, la comédie d'inspiration italienne met en scène l'éternelle guerre de l'amour (des jeunes amants : Julie aime Eraste) et de la raison (ou déraison des arrangements financiers paternels), entre Paris et le désert peuplé de lourdauds (ladite province), entre la ruse de Sbrigani "Napolitain homme d'intrigues" au service des jeunes et la couardise du barbon, espèce de vieillard de quarante ans, naïf et ridicule.
À la "comédie", Lully mêle une ouverture (avec chanteurs, danseurs et musiciens) qui condamne les "tyrans à qui l'on doit le jour", exalte l'amour, et trois scènes dédiées à "la symphonie", au chant et à la danse à chaque fin d'acte. La leçon en est naturellement la nécessaire victoire des doux sentiments et du plaisir solidairement portée par les mots, les ballets et la musique :
À la "comédie", Lully mêle une ouverture (avec chanteurs, danseurs et musiciens) qui condamne les "tyrans à qui l'on doit le jour", exalte l'amour, et trois scènes dédiées à "la symphonie", au chant et à la danse à chaque fin d'acte. La leçon en est naturellement la nécessaire victoire des doux sentiments et du plaisir solidairement portée par les mots, les ballets et la musique :
"Sortez, sortez de ces lieux,
Soucis, Chagrins et Tristesse,
Venez, venez, Ris et Jeux,
Plaisirs, Amours et Tendresse.
Ne songeons qu'à nous réjouir.
La grande affaire est le Plaisir." chante joliment une Égyptienne dans ce Paris de convention en épilogue.
Auparavant ce barbon de Pourceaugnac aura vécu la pire journée de sa vie : travestissements en tout genre, valse des accents, vertiges des identités, tous les procédés comiques seront au rendez-vous. Purgé par de faux médecins, mis au pilori par un tribunal d'opérette, pris à partie par de fausses épouses soi-disant abandonnées, le pauvre limousin fuira déguisé en femme abandonnant ainsi son projet matrimonial - fin piteuse et seul moyen d'échapper aux chausses-trappes et autres nombreuses péripéties burlesques menées évidemment à un rythme d'enfer.
Après la "Didone" de Cavalli, le toujours vert William Christie et Clément Hevieu-Léger, le pensionnaire de la Comédie Française, entraînent neuf musiciens, onze chanteurs-comédiens-danseurs dans ce carnaval plein de folie et de rire. Et on s'amuse prodigieusement - à quelques points près. La transposition dans les années cinquante dans le milieu des immigrés italiens fonctionne plutôt et certains des comédiens se révèlent irrésistibles tels le Sbrigani de Daniel San Pedro et le Pourceaugnac du lunaire et génial Gilles Privat.
Mais si la "symphonie" est toujours alerte et brillante grâce aux Arts Florissants, les chanteurs ne sont pas toujours très audibles (le sous-titrage serait appréciable pour les prochains spectacles) en raison d'une articulation parfois déficiente (certains jeunes acteurs ne s'en tirent pas mieux). Et l'idée de confier les ballets aux chanteurs et comédiens n'est guère plus heureux : ce qui devrait figurer tel un commentaire brillant de l'intrigue est faible ici. On aurait mieux jugé de confier ces parties à de vrais danseurs pour une chorégraphie plus inventive.
Soucis, Chagrins et Tristesse,
Venez, venez, Ris et Jeux,
Plaisirs, Amours et Tendresse.
Ne songeons qu'à nous réjouir.
La grande affaire est le Plaisir." chante joliment une Égyptienne dans ce Paris de convention en épilogue.
Auparavant ce barbon de Pourceaugnac aura vécu la pire journée de sa vie : travestissements en tout genre, valse des accents, vertiges des identités, tous les procédés comiques seront au rendez-vous. Purgé par de faux médecins, mis au pilori par un tribunal d'opérette, pris à partie par de fausses épouses soi-disant abandonnées, le pauvre limousin fuira déguisé en femme abandonnant ainsi son projet matrimonial - fin piteuse et seul moyen d'échapper aux chausses-trappes et autres nombreuses péripéties burlesques menées évidemment à un rythme d'enfer.
Après la "Didone" de Cavalli, le toujours vert William Christie et Clément Hevieu-Léger, le pensionnaire de la Comédie Française, entraînent neuf musiciens, onze chanteurs-comédiens-danseurs dans ce carnaval plein de folie et de rire. Et on s'amuse prodigieusement - à quelques points près. La transposition dans les années cinquante dans le milieu des immigrés italiens fonctionne plutôt et certains des comédiens se révèlent irrésistibles tels le Sbrigani de Daniel San Pedro et le Pourceaugnac du lunaire et génial Gilles Privat.
Mais si la "symphonie" est toujours alerte et brillante grâce aux Arts Florissants, les chanteurs ne sont pas toujours très audibles (le sous-titrage serait appréciable pour les prochains spectacles) en raison d'une articulation parfois déficiente (certains jeunes acteurs ne s'en tirent pas mieux). Et l'idée de confier les ballets aux chanteurs et comédiens n'est guère plus heureux : ce qui devrait figurer tel un commentaire brillant de l'intrigue est faible ici. On aurait mieux jugé de confier ces parties à de vrais danseurs pour une chorégraphie plus inventive.
Enfin, certaines options de la mise en scène (comme l'abus des ténèbres sur le plateau ou les châssis mobiles du décor plus brechtiens qu'autre chose) ne rendent pas vraiment justice à l'irrésistible et insolente comédie-ballet imaginée par Lully et Molière. Pour ce qui est de la vision de l'œuvre, le choix anachronique de faire de l'œuvre un brûlot moderne et de Pourceaugnac, un personnage quasi tragique, sorte de victime de l'intolérance actuelle, ne convainc pas vraiment.
Là où la cruauté moliéresque n'est qu'au service du comique - ce fameux comique significatif dont a parlé Baudelaire (3) - Hervieu-Léger charge le trait et ce n'est bien venu. Cependant la soirée se révèle à tout le moins très divertissante et signe avec panache la fin de la résidence de vingt-cinq ans des Arts Florissants et de W. Christie au Théâtre de Caen. Le spectacle s'installera aux Bouffes du Nord en juin 2016.
Notes :
Là où la cruauté moliéresque n'est qu'au service du comique - ce fameux comique significatif dont a parlé Baudelaire (3) - Hervieu-Léger charge le trait et ce n'est bien venu. Cependant la soirée se révèle à tout le moins très divertissante et signe avec panache la fin de la résidence de vingt-cinq ans des Arts Florissants et de W. Christie au Théâtre de Caen. Le spectacle s'installera aux Bouffes du Nord en juin 2016.
Notes :
(1) Préface de "Les Fâcheux", Molière 1661.
(2) En 1673.
(3) "De l'Essence du rire", Charles Baudelaire in "Les Curiosités esthétiques", 1855. Ce "Monsieur de Pourceaugnac" est de toute façon davantage une aimable farce qu'une comédie sérieuse tel ce "Tartuffe" que Molière parvient enfin à mettre en scène en cette même année 1669.
Tournée
7 au 10 janvier 2016 : Opéra Royal de Versailles (78).
13-14 janvier 2016 : Grand Théâtre, Aix-en-Provence (13).
27 au 30 janvier 2016 : CNCDC, Châteauvallon (83).
2 au 4 février 2016 : La Cigalière, Sérignan (34).
12 février 2016 : Théâtre Jean Vilar de Suresnes (92).
26-27 février 2016 : Théâtre Impérial, Compiègne (60).
2 mars 2016 : Théâtre de l'Arsenal, Val-de-Reuil (27).
8 mars : Théâtre municipal de Chartres (28).
10 mars 2016 : Théâtre Luxembourg, Meaux (77).
12 mars 2016 : Opéra de Vichy (03).
15-16 mars 2016 : La Comète, Chalons-en-Champagne (51).
18 mars 2016 : Théâtre de Chelles (77).
3-4 juin 2016 : Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines (78).
14 juin au 9 juillet 2016 : Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.
"Monsieur de Pourceaugnac".
De Molière (1622-1673) et Lully (1632-1687).
Clément Hervieu-Léger, mise en scène.
William Christie, direction musicale et clavecin.
Aurélie Maestre, décors.
Caroline de Vivaise, costumes.
(2) En 1673.
(3) "De l'Essence du rire", Charles Baudelaire in "Les Curiosités esthétiques", 1855. Ce "Monsieur de Pourceaugnac" est de toute façon davantage une aimable farce qu'une comédie sérieuse tel ce "Tartuffe" que Molière parvient enfin à mettre en scène en cette même année 1669.
Tournée
7 au 10 janvier 2016 : Opéra Royal de Versailles (78).
13-14 janvier 2016 : Grand Théâtre, Aix-en-Provence (13).
27 au 30 janvier 2016 : CNCDC, Châteauvallon (83).
2 au 4 février 2016 : La Cigalière, Sérignan (34).
12 février 2016 : Théâtre Jean Vilar de Suresnes (92).
26-27 février 2016 : Théâtre Impérial, Compiègne (60).
2 mars 2016 : Théâtre de l'Arsenal, Val-de-Reuil (27).
8 mars : Théâtre municipal de Chartres (28).
10 mars 2016 : Théâtre Luxembourg, Meaux (77).
12 mars 2016 : Opéra de Vichy (03).
15-16 mars 2016 : La Comète, Chalons-en-Champagne (51).
18 mars 2016 : Théâtre de Chelles (77).
3-4 juin 2016 : Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines (78).
14 juin au 9 juillet 2016 : Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.
"Monsieur de Pourceaugnac".
De Molière (1622-1673) et Lully (1632-1687).
Clément Hervieu-Léger, mise en scène.
William Christie, direction musicale et clavecin.
Aurélie Maestre, décors.
Caroline de Vivaise, costumes.
Bertrand Couderc, lumières.
Bruno Bouché, chorégraphie.
Erwin Aros, haute-contre.
Clémence Boué, Nérine.
Cyril Constanzo, l'Apothicaire, avocat.
Claire Debono, l'Egyptienne.
Stéphane Facco, médecin, Lucette.
Matthieu Lecroart, baryton-basse.
Juliette Léger, Julie.
Gilles Privat, Mr de Pourceaugnac.
Guillaume Ravoire, Eraste.
Daniel San Pedro, Sbrigani.
Alaint Trétout, Oronte.
Les musiciens des Arts Florissants.
Paolo Zanzu, assistant musical (direction musicale en juin 2016 à Paris).
Bruno Bouché, chorégraphie.
Erwin Aros, haute-contre.
Clémence Boué, Nérine.
Cyril Constanzo, l'Apothicaire, avocat.
Claire Debono, l'Egyptienne.
Stéphane Facco, médecin, Lucette.
Matthieu Lecroart, baryton-basse.
Juliette Léger, Julie.
Gilles Privat, Mr de Pourceaugnac.
Guillaume Ravoire, Eraste.
Daniel San Pedro, Sbrigani.
Alaint Trétout, Oronte.
Les musiciens des Arts Florissants.
Paolo Zanzu, assistant musical (direction musicale en juin 2016 à Paris).