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Théâtre

"Mon Cœur", une histoire d'aujourd'hui autour du Médiator, un hymne à la capacité de résistance

"Mon Cœur", En tournée

Claire aimait vendre des sous-vêtements féminins, aurait voulu être jolie pour devenir mince. Elle a pris du médiator : à tort. Et elle a été opérée à cœur ouvert. A eu sa vie brisée. Irène, elle, aurait pu avoir une vie tranquille de médecin de famille, mais elle a rencontré de nombreuses Claire et toute sa vie en a été bouleversée.



© Pierre Grosbois.
© Pierre Grosbois.
Dans la pièce "Mon Cœur", Pauline Bureau dit la rencontre du malheur et le combat côte à côte de ces deux femmes des années durant pour la survie et la justice. À l'hôpital, avec les avocats, dans les commissions d'experts, le spectateur suit l'affaire du médiator.

Dans la vague actuelle de ce qu'il faut bien appeler un mouvement du "théâtre documentaire", la proposition scénique de Pauline Bureau fait figure de modèle quasi pur. L'auteur a rencontré le médecin Irène Frachon qui lui a raconté comment elle avait lancé l'alerte sanitaire après avoir découvert le lien entre certaines maladies cardiaques et un médicament antidiabétique le médiator.

Comment elle avait mis à jour un détournement d'usage massif. Comment ce médicament était utilisé comme simple coupe-faim par des femmes qui ne voulaient que perdre du poids. Irène Frachon, dans le simple respect de son métier, a déchaîné un scandale médiatique et judiciaire sans précédent.

Photo de répétition © Pierre Grosbois.
Photo de répétition © Pierre Grosbois.
Le spectacle est irréprochable. Comme un reportage journalistique, il suit une chronologie scrupuleuse des faits dans le respect des témoignages. Tout ce qui est montré ou dit est réel. Déjà rendu public.

Scéniquement, il juxtapose, superpose, l'image et le jeu. Donnant à chaque sphère de représentation, à l'un et à l'autre, une dimension de réel. La vidéo renvoie à l'imagerie médicale ou à la caméra ostensible des reportages journalistiques. L'aspect théâtral, lui, est traité de manière minimaliste avec juste ce qu'il faut de meubles pour que soit fixée la vie quotidienne et de paroles pour que soit situé le caractère et la fonction de chaque personnage. Les mondes sont parallèles et dans l'alternance ; et les antagonismes s'enclenche comme un dialogue implicite. Chaque spectateur peut se projeter, apprendre et comprendre.

Du point de vue théâtral, la pièce de Pauline Bureau produit un effet passionnant. Les personnages dans leur réalisme sont plus vrais que nature, et portent les uns les rôles de victimes, les autres de persécuteurs ou de chevalier blanc. À rebours de l'optimisme inhérent à la forme théâtrale. Le spectateur est confronté à la vie d'une victime plongée dans le deuil d'une normalité monotone. Sans la diversité des plaisirs. Alors que toute pudeur ou impudeur est mise à nue, n'est plus de mise. La vie décrite est un cortège de souffrances, une suite d'épreuves sans rémission, une succession d'hypocrisies et de médiocrités de tous ceux qui refusent de voir que le médicament pris est cause de tout.

© Pierre Grosbois.
© Pierre Grosbois.
Dans cette forme de théâtre du réel, plein de tact, les personnages sont mus par une force intérieure qui emporte pour les uns l'empathie, la lumière, ou bien pour les autres met à jour leurs mensonges préjugés et dénis. La pièce est un hymne à la capacité de résistance. Elle met à nu la violence intrusive (physique ou symbolique) de la pratique médicale, de l'enquête administrative, de la discussion juridique sur les causes. Tous ces comportements de raison objectifs qui vous font objets de science, d'expertise, de contradictoires, qui vous font disparaître en tant que personne sensible.

Cette forme objective qui explore les interstices s'appuie sur la forme théâtrale pour montrer la théâtralité du pouvoir et la dépersonnalisation qu'elle entraîne. Mais aussi un manière de gestion du temps qui fait surgir la vérité. Pédagogique, "Mon Cœur" démonte le mécanisme de l'établissement de la preuve et permet au spectateur d'acquérir une intime conviction. Celle de l'innocence, celle de la culpabilité.

Dans ce combat, Claire est tout simplement lumineuse et Irène a toute les vertus. La traversée du spectacle est éblouissante. Elle est celle de la tragédie humaine qui tutoie toujours la comédie et s'interroge sur la condition humaine. Sa folie et sa raison. Dans "Mon Cœur", il est question du temps qui passe, des mensonges qui gâchent. De la vie qui est si brève, si fragile. D'une recherche de la raison et des causes incompatible avec la durée d'une vie.

Nota : Attention, une des premières scènes qui se déroule à l'hôpital peut se révéler éprouvante pour des personnes fragilisées. Elles doivent se munir d'un morceau de sucre, d'un bonbon à la menthe…

"Mon Cœur"

© Pierre Grosbois.
© Pierre Grosbois.
Texte et mise en scène : Pauline Bureau.
Avec : Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Marie Nicolle, Anthony Roullier et Catherine Vinatier.
Dramaturgie : Benoîte Bureau.
Composition musicale et sonore : Vincent Hulot.
Scénographie : Emmanuelle Roy.
Costumes et accessoires : Alice Touvet.
​Perruquière : Catherine Saint Sever.
Lumières : Bruno Brinas.
Vidéo et images : Gaëtan Besnard.
Collaboration artistique : Cécile Zanibelli.
Production La Part des Anges.

Photo de répétition © Pierre Grosbois.
Photo de répétition © Pierre Grosbois.
Tournée
Création au Volcan, scène nationale du Havre les 28 février et 1er mars 2017.
A été joué au Théâtre Dijon Bourgogne CDN du 7 au 11 mars 2017.
A été joué au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris, du 16 mars au 1er avril 2017.
5 et 6 avril 2017 : Le Merlan - scène nationale, Marseille (13).
21 avril 2017 : Théâtre À Châtillon, Châtillon (92).
25 avril 2017 : La Garance - scène nationale, Cavaillon (84).
28 avril 2017 : Théâtre André Malraux, Chevilly-Larue (94).
11 mai 2017 : Théâtre Roger Barat, Herblay (?).
16 et 17 mai 2017 : Le Quartz - scène nationale, Brest (29).

>> part-des-anges.com

Jean Grapin
Lundi 3 Avril 2017

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

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© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

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© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024