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Théâtre

"Madame L'Aventure", un déluge pétaradant… ou un pétard (à moitié) mouillé ?

S'affranchir du réel, pour mieux le faire émerger dans les plis d'un délire éminemment "spectaculaire"… Tel est l'angle d'attaque érigé en profession de foi par les deux complices, Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume, nouveaux artistes associés du tnba. Avec une énergie stricto sensu démentielle, ils parcourront en tous sens le plateau, le transformant en un formidable champ de bataille ludique. En quête d'aventures renvoyant au tapis le triste quotidien, le chevalier errant contemporain vivra ses rêves fous pour – en négatif – faire la nique aux existences normées… Sera-t-on pour autant embarqué dans le sillage de ses aventures ubuesques ?



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
D'entrée de jeu, les spectateurs découvrent "Le capharnaüm de Jean-Pierre" qui, béquille dans une main et aspirateur balai dans l'autre, les accueille de son air bonhomme. Le ton est donné et le décorum ainsi que les paroles prononcées résonnent comme une promesse de chevauchées déconnectées superbement du réel. "Apocalypse now ? Non… c'est pire ! Aucune cohérence dans l'histoire. Porter en soi un chaos pour mettre au monde une étoile…". Qu'en termes choisis ces choses-là sont dites, de nobles mots qui cristallisent chez ce misanthrope solaire le délire "poéthique" lui tenant lieu de viatique dans sa traversée de l'humaine condition.

Il ne la traversera pas seul cette commune existence à fuir comme la peste. À ses côtés, ou plutôt lui faisant face jusqu'à lui rouler une pelle d'anthologie, une superbe muse-démon affublée de cuissardes compensées d'un rouge écarlate lui servira d'interface. Ainsi, Sancho Pança féminine, longiligne et méphistophélique, elle participera de beaucoup à l'atmosphère hors sol. Écuyère fantasque et fidèle compagne d'aventures de son inénarrable J-P, elle jouera de ses métamorphoses facétieuses pour combler l'inanité de "la vallée des larmes" promise par La Sainte Bible.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Jouant du burlesque de situations déjantées, dialoguant avec la Mort réincarnée, la descente en rappel dans la légende de Jean-Pierre amènera le héros à la triste figure à arpenter les méandres de la folie furieuse et du gore parodié… "Pourquoi suis-je toujours le cheval que je tiens par la bride ?" s'écrie-t-il, sabots martelant le sol, en se lançant dans un galop effréné destiné à le conduire vers la constellation de Pégase… Sanguinolent, s'effondrant dans une mare d'hémoglobine de théâtre, armure déglinguée, il se déclare "le mal(e) en point"… Oscillant constamment entre absurde recomposé et trash revisité, deux registres assumés de haut vol comme remèdes à la normalité insipide, on s'achemine vers un dénouement-testament, sorte de "requiem pour un fou". Testament d'un homme qui aura tenté, envers et contre toute raison, de "trouver son fou" afin d'advenir à lui-même.

Alors pourquoi cette forme délirante s'il en est, plutôt bien orchestrée et sensée dans son non-sens, ne nous touche-t-elle pas plus, nous laissant trop souvent sur le bord de la scène ? Pourquoi ne sommes-nous pas aspirés sur le plateau par la tornade initiée par ses fougueux interprètes ? Peut-être parce que le trop-plein de signes ostensibles de l'écriture décrédibilise l'intention première, nombre de situations fleurant bon la facilité de l'humour potache… Dommage, car on aurait tant aimé être embarqués "pour de vrai" dans cette folle poursuite en dehors des sentiers battus du conformisme ambiant.
◙ Yves Kafka

Vu le mercredi 4 décembre, Salle Vauthier du tnba, Théâtre national Bordeaux Aquitaine.

"Madame L'Aventure"

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Texte : Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume.
Avec : Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume.
Création musicale, Clémence Jeanguillaume.
Scénographie : Jean-Baptiste Bellon.
Masques : Loïc Nebreda.
Lumière et vidéo : Gaëtan Veber.
Son : Raphaël Joly.
Dramaturgie, Julien Vella.
Construction décor : Daniel Roussel.
Peinture : Daniel Roussel et Jean-Baptiste Bellon.
Costumes : Gwendoline Bouget.
Illustration : Halim Talahari.
À partir de 15 ans.
Durée : 1 h 15.

Représenté du mardi 3 au vendredi 6 décembre 2024 au tnba, Théâtre national Bordeaux Aquitaine.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Tournée
18 et 19 mars 2025 : Malraux - Scène nationale Chambéry Savoie, Chambéry (73).
24 et 25 avril 2025 : TANDEM - Scène nationale de Douai/Arras, Arras (62).
6 et 7 mai 2025 : Théâtre du Bois de l'Aune, Aix-en-Provence (13).

Yves Kafka
Mercredi 11 Décembre 2024

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Daddy", Game and reality : Mara au péril des merveilles…

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© Matthieu Bareyre.
Dans "Jeu et réalité", le psychanalyste britannique Winnicott annonçait en son temps l'importance pour la construction du petit d'homme d'un "espace intermédiaire entre le dehors et le dedans". Un espace où le potentiel virtuel de chacun(e) pourrait librement s'exprimer sans être assujetti aux diktats des jeux réglés. De nos jours, le succès phénoménal des jeux de rôle en ligne où, chacune et chacun "à l'abri" derrière son écran, casque vissé aux oreilles et manette en mains, s'invente de toutes pièces un personnage pour le faire vivre (et mourir) au risque du contact avec d'autres avatars, ne peut qu'accréditer cette vision.

Ainsi de Mara, cette toute jeune fille qui, comme beaucoup d'autres, ressent le besoin vital de faire craquer les coutures trop étriquées du monde qu'elle habite. Une échappatoire ressentie comme salutaire lui permettant d'expérimenter dans le monde virtuel ce que le quotidien ne peut lui offrir, une évasion "sur mesure" dans l'univers fantastique d'un Role Play sur le Net… Là, comme par miracle, elle va rencontrer "pour de vrai" le prince charmant – version gourou du double de son âge – un avatar bien réel qui la prend sous son aile, usant de tous les artifices de la séduction afin de la modeler en star du jeu vidéo dont il est le promoteur : elle ne sera pas actrice, c'est dépassé dans le monde d'aujourd'hui, mais superstar d'un jeu vidéo, un produit à vendre sur le net en pièces détachées… et, en ce qui le concerne, à "consommer" en direct.

Yves Kafka
03/12/2024
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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024