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Théâtre

"Le voyage de Gulliver en Lilliputie" Mais qu'allait-il faire dans ces galères ?

Gulliver est un intrépide chirurgien du XVIIIe siècle qui cherche les ennuis. C'est clair. Par quatre fois, il s'embarque sur des voiliers et, les quatre fois, il se retrouve prisonnier dans des pays tellement étranges qu'ils sont assurément sortis d'un imaginaire sans scrupules. À croire que ce Gulliver n'arrive pas à comprendre les dangers du monde. À moins qu'il cherche à découvrir autre chose, peut-être un pays, un monde, moins intolérant et intolérable que l'Angleterre de l'époque.



© Fabrice Robin.
© Fabrice Robin.
Cet imaginaire où est projeté le docteur Gulliver est celui de Jonathan Swift, satiriste irlandais et anglais, qui commit "Les voyages de Gulliver" en 1721, un conte qui tourne en ridicule le pouvoir, ses arrogances, ses folies. En photographie, ce serait par un changement de focal que procède Swift avec la société qui l'entoure, en biologie, un passage au microscope, en astronomie, au télescope. Chacun de ses contes met en évidence par grossissement ou rétrécissement les vices, les aberrations du pouvoir. Mais pas seulement. Les abus de pouvoirs, les injustices, les contraintes faites aux peuples…

De ce conte satirique sans concessions, le spectacle extrait le premier voyage de Gulliver, celui au pays des Lilliputiens où la critique sociale s'exprime à égalité avec l'esprit rieur et caustique de Jonathan Swift. Ce n'est pas pour rien. Le duo créateur du spectacle partage depuis longtemps, dans leurs différentes réalisations, la volonté de proposer des spectacles à la fois ludiques et chargés de sens, d'intentions philosophiques et de rêves. Ici, il y a matière.

© Fabrice Robin.
© Fabrice Robin.
Gulliver se retrouve esclave d'un monde d'humains minuscules qui se font la guerre parce que les uns préfèrent casser les œufs à la coque par le petit bout (les Petitboutiens) alors que les autres préfèrent les ouvrir par le gros bout (le Grosboutiens). Cela prête à rire. Sauf que cela provoque des famines, des affrontements, des centaines de morts. Mais pas chez les gens du pouvoir. Seulement le peuple.

Le propos est vif, exaltant. La réalisation du spectacle l'est elle aussi. Grâce à un théâtre noir (où les manipulateurs sont invisibles), sorte de castelet géant posé sur la scène de l'Athénée, la noblesse lilliputienne apparaît minuscule face au grand Gulliver. Les visages des acteurs rendent réelles les marionnettes en intégrant leurs petits corps. L'illusion parfaite rend tangible le conte. La démesure éclate sur le plateau entre ce grand humain et ces petits hommes et femmes aux gestes et aux déplacements bizarres, étranges, qui prêtent à rire, mais sont tout de même capables de décider de la mort de n'importe quel sujet pour une vétille.

Grâce à ce travail époustouflant, toute l'absence d'humanité éclate dans ces rois, ces reines et ces serviles qui sont des visages vivants dans des corps manipulés. Tels ces gens de pouvoirs qui, à faces humaines, ne sont que les marionnettes de… l'ambition, de l'argent ou d'autres passions.

© Fabrice Robin.
© Fabrice Robin.
Le spectaculaire et la frappe imaginaire voulus par Swift sont ici totalement réinventés, magnifiés. Le souvenir des livres d'images où le grand Gulliver était entouré par les Lilliputiens palpite toujours dans nos mémoires. Mais la portée satirique sur la violence du pouvoir sur le peuple exprimée par Jonathan Swift est très affaiblie. Celui qui écrivit ces contes pour éviter la censure, la prison, la mort peut-être, ne retrouvera pas complètement ici son combat. Sa verve, oui. Mais de la totalité, seulement un quart de son chef d'œuvre : le voyage de Gulliver en Lilliputie devrait le titre du spectacle, qui est celui de ce papier.

"Le voyage de Gulliver"

© Fabrice Robin.
© Fabrice Robin.
Une libre adaptation du roman de Jonathan Swift par Valérie Lesort.
Mise en scène : Christian Hecq et Valérie Lesort.
Assistant à la mise en scène : Florimond Plantier.
Avec : Sami Adjali, David Alexis, Valérie Kéruzoré, Laurent Montel, Emannuelle Bourgerol, Valérie Lesort, Pauline Tricot, Éric Verdin, Renan Carteaux et Nicolas Verdier.
Création et réalisation des marionnettes : Carole Allemand et Fabienne Touzi dit Terzi, assistées de Louise Digard et Alexandra Leseur-Lecocq.
Scénographie : Audrey Vuong.
Costumes : Vanessa Sannino.
Lumières : Pascal Laajili.
Musique : Mich Ochowiak et Dominique Bataille.
Accessoires : Sophie Coeffic et Juliette Nozières.
Collaboration artistique : Sami Adjali.
Durée : 1 h 15.
À partir de 8 ans.

Du 11 au 28 janvier 2022.
Du mardi au vendredi à 20 h, dimanches 16 et 23 janvier à 16 h.
Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Grande Salle, Paris 9e, 01 53 05 19 19.
accueil@athenee-theatre.com
>> athenee-theatre.com

© Fabrice Robin.
© Fabrice Robin.
Tournée
18 au 19 février 2022 : Équilibre et Nuithonie, Fribourg (Suisse).
23 au 26 février 2022 : Théâtre National, Nice (06).
2 au 6 mars 2022 : Théâtre, Caen (14).
10 et 11 mars 2022 : La Comète - Scène Nationale, Châlons-en-Champagne (51).
15 mars 2022 : Théâtre Edwige Feuillères, Vesoul (70).
18 mars 2022 : Ma Scène Nationale - Pays de Montbéliard, Montbéliard (25).
22 et 23 mars 2022 : Le Tangram - Scène Nationale Évreux – Louviers, Évreux (27).
26 et 27 mars 2022 : Théâtre de Saint-Maur, Saint-Maur-des-Fossés (94).
30 et 31 mars 2022 : La Maison - Maison de la Culture de Nevers Agglomération, Nevers (58).
12 et 13 avril 2022 : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, Sartrouville (78).
19 et 20 avril 2022 : La Ferme du Buisson - Scène Nationale, Noisiel (77).
30 avril 2022 : Le Carré, Sainte-Maxime (83).
3 mai 2022 : Théâtre La Colonne, Miramas (13).
6 et 7 mai 2022 : TDG - Théâtre, Grasse (06)
12 et 13 mai 2022 : Espace Jean Legendre, Compiègne (60).
du 17 au 19 mai 2022 : La Coursive - Scène Nationale, La Rochelle (17).
24 et 25 mai 2022 : Théâtre des 2 Rives, Charenton-le-Pont (94).

Bruno Fougniès
Mercredi 19 Janvier 2022

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© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024