La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Le corps des autres"… Corps à soi à soin !

Inspiré d'un livre-enquête d'Ivan Jablonka, Mary Lévy nous plonge dans un thème qui, aujourd'hui et depuis de nombreuses années, prend toute sa valeur, celle de l'injonction faite aux femmes à devoir être belles et attirantes.



© Marie Levy.
© Marie Levy.
Sur les planches, Sofia, une esthéticienne jouée par Chloé Lasne, et Marie, une cliente, actrice, jouée par Rosalie Comby. La première utilise des produits dont la seconde est l'égérie. La première scène plante le décor avec, à l'aide d'un gros ruban adhésif, une séance d'épilation. Moment assez comique. Ainsi le public est, dès l'entame du spectacle, plongé dans les coulisses de la beauté féminine au travers d'une double-face, celle de l'artisane de l'ombre qui modèle une joliesse qui s'affichera à la société, au monde ou sous les projecteurs. Ombre et lumières de la beauté avec ses contraintes et son diktat.

La pièce est inspirée du livre d'Ivan Jablonka, "Le corps des autres" (2015), qui est une enquête sur les esthéticiennes où l'auteur met en évidence leur rôle de coach, de psychologue et de confidente, mais délaissées de toute considération. On oublie ce qui vous construit.

La pièce est souvent dans un rapport à deux, celui d'une discussion, d'une confidence ou d'une interview avec un thème toujours très prégnant, présent autour de l'injonction d'être belle par une société qui voit la femme comme désir, voire comme un objet de désir. Cette injonction à être belle avec ses contraintes et son questionnement dans le cas de Marie est dans chaque propos, chaque réplique, laissant peu de place à un autre espace qui viendrait nourrir ce thème par un autre dérivatif.

© Marie Levy.
© Marie Levy.
Nous sommes dans un rapport toujours direct et de plain-pied avec celui-ci alimenté par différentes situations où le jeu, de qualité, des comédiennes laisse voir Chloé Lasne dans un double rôle avec celui de journaliste en écho à Rosalie Comby qui incarne aussi une présentatrice de mode et un mannequin dans un défilé, et qui se confie pour celle-ci en silence et en paroles en dehors des lumières.

Le décor reste quasi nu, bien que différents contextes viennent jalonner la pièce. Seuls les voix et comportements changent, étant suffisants par eux-mêmes pour habiller la scénographie. Dans leurs confidences, autant Marie que Sofia se confient pour parler l'une et l'autre de leur métier, avec ses coulisses et ses caractéristiques. C'est une plongée dans l'esthétique, autant de son "affichage" que celle construite dans un atelier avec ses préparations. Le grand absent est l'homme qui n'intervient, physiquement, à aucun moment. Comme responsable mais pas coupable de la situation. Il est oublié, mettant en exergue la femme et son positionnement, social et ontique, par rapport à elle-même.

La pièce est drôle, bien écrite, vive avec des moments autant comiques qu'attendrissants où le rapport des femmes à la société est posé, questionné. La mise en scène est bien ficelée avec des ruptures de jeu et des scènes qui basculent d'un univers à l'autre de façon fluide et bien amenée. La fin manque peut-être toutefois d'une dernière petite touche qui aurait permis un terme plus tranché. Sauf à vouloir laisser le spectateur dans une attente de changement.

"Le corps des autres"

Texte : Mary Lévy.
D'après "Le corps des autres" d'Ivan Jablonka.
Mise en scène : Marie Lévy.
Avec : Chloé Lasne et Rosalie Comby.
Collaboration artistique : Samuel Petit.
Son : Redwins.
Maquillage : Judith Sarfati.
Compagnie La Station 24.
Durée : 1 h.

Du 9 octobre au 4 décembre 2021.
Samedi à 19 h.
Théâtre La Flèche, Paris 11e, 01 40 09 70 40.
info@theatrelafleche.fr
>> theatrelafleche.fr

Safidin Alouache
Vendredi 22 Octobre 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024