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Théâtre

"Le Premier Sexe" Ou l'éducation des jeunes mâles dans la société moderne

Humour et dérision sont les tons qui dominent ce seul en scène, écrit et interprété par Mickaël Délis. Autodérision également, puisque l'auteur invoque sur le plateau les figures marquantes de son enfance. Une autobiographie à la fois ironique et douloureuse où le dogme de la virilité accourt sans cesse pour imposer ses lois, ses jugements, ses condamnations et bouleverser une enfance et l'accomplissement de soi. Car il s'agit de raconter cela, avec entrain, liberté et joie, l'éducation faite aux garçons. Par ce spectacle, Mickaël Délis tente de donner la réplique à la phrase de Simone de Beauvoir : "On ne naît pas femme : on le devient".



© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
"On ne naît pas homme : on le devient." Et l'histoire commence jeune, très jeune, dans une famille d'un milieu bourgeois, un père coureur de femmes qui disparaît de l'horizon assez vite, une mère libérale, idéaliste, et légèrement décalée des réalités, un frère jumeau dans la norme des petits garçons virils et le petit Mickaël, mal dans son corps, qui préfère les tutus aux costumes de Spider-Man. Nous allons donc suivre jusqu'à l'adulte, cet enfant pas très réceptif à l'image supérieure de l'homme dans la société patriarcale.

Évidemment, le titre renvoie directement à l'essai de Simone de Beauvoir publié en 1949. Il s'annonce comme une réponse en miroir, mais il ne s'agit pas vraiment de cela. Comment répondre en un peu plus d'une heure à un texte qui tente de rassembler tous les constats objectifs de la condition des femmes depuis la préhistoire ? Ici, seule la partie intime, l'anecdote parlante, frappante, troublante parfois ont la parole : le parcours tortueux et dangereux d'un individu à qui la société impose d'être un type d'homme dominateur alors qu'il mettra des années à découvrir ses vrais désirs, sa vraie sensibilité et son homosexualité.

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
C'est à l'aide d'une demi-douzaine de personnages aux traits vifs et aux caractères puissants que Mickaël Délis nous fait vivre cette épique traversée de vie, de l'enfant à l'adulte. Il les incarne tous, un peu à la manière inventée par Philippe Caubère. Rapide, drôle, capable de grossir les traits de ses personnages dans une jolie démesure, le comédien virevolte sur scène, avec pour seuls accessoires un tabouret, un tissu et une craie rose.

Le spectacle ne tombe jamais dans l'analyse, la conférence. Le jeu reste le maître du plateau pour ce spectacle qui ressemble à une libération de la parole autant qu'à un constat de l'extrême violence que la société patriarcale impose aux individus soi-disant libres qui la composent.
◙ Bruno Fougniès

"Le Premier Sexe ou la grosse arnaque de la virilité"

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
Texte : Mickaël Délis.
Mise en scène : Vladimir Perrin et Mickaël Délis.
Avec : Mickaël Délis.
Collaboration artistique : Élisa Erka, Clement le Disquay, Élise Roth.
Collaboration à l'écriture : Chloé Larouchi.
Création lumière : Jago Axworthy.
À partir de 16 ans.
Production : Compagnie Passages.
Durée : 1 h 15.

Du 17 septembre 2024 au 19 mars 2025.
Mardi et mercredi à 19 h 15.
Théâtre La Scala, Salle La Piccola Scala, Paris 10ᵉ, 01 40 03 44 30.
>> lascala-paris.fr

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.

Bruno Fougniès
Lundi 26 Août 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024