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Avignon 2023

•In 2023• "The Confessions" Une vie… des vies d'une femme au bord de sa(re)naissance…

"Une vie", c'est le titre donné au XIXe siècle par Maupassant à son premier roman où il dépeint le parcours malheureux d'une jeune provinciale, choyée par ses parents, barons, et qui, suite à un mariage désastreux avec un rustre notoire, allait connaître les désillusions d'une existence sans horizon d'attente. Alexander Zeldin, en faisant matière théâtrale de la vie de sa propre mère, raconte un itinéraire inverse : celui d'une jeune fille de la classe ouvrière australienne qui s'extraira de son milieu d'origine et de son alliance toxique avec un homme inconstant, pour aller vivre ailleurs une autre vie… la sienne.



© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Le jeune homme de la toute fin, auquel la protagoniste âgée s'adressera pour lui signifier que le temps des adieux approche, a à voir assurément avec le metteur en jeu de ce récit de vie… Avec la sensibilité humaine dont il fait preuve (cf. "Love" et son centre d'hébergement pour personnes soumises à la grande précarité), Alexander Zeldin va s'employer à saisir, au travers des fragments d'une existence rejouée dans une suite de tableaux vivants, l'essence même d'une vie dont, comme par effraction, on suivra l'évolution. L'amour qui se fait et se défait sera le fil rouge de cette épopée au pays de l'ordinaire d'Alice, protagoniste du drame et écho de sa propre mère.

Une dame âgée parcourt à petits pas l'avant-scène tout en regardant la salle avec curiosité, se fraie un passage en écartant le lourd rideau de velours rouge, et pénètre sur une autre scène, celle où l'attend… elle-même, version jeune. Une jeune fille dans l'unique robe qui lui appartient apparaitra au micro. Elle est avec ses deux amies collégiennes (un peu vachardes à son égard : n'est-elle pas un peu prétentieuse de penser pouvoir avoir accès à la fac, elle qui occupe souvent la dernière place ?) très excitée et un peu nerveuse…

Et pour cause… Le gala des cadets et officiers va démarrer dans quelques minutes, l'occasion rêvée pour ces jeunes filles (l'une a enfilé "une robe facile à détacher, ça gagnera du temps", en prévision de ses études en Europe…) de rencontrer "l'homme", elles dont la sexualité est si surveillée qu'au dortoir, la nuit, l'une s'est vu se faire attacher les mains. Sexualité réprimée des années soixante où la morale puritaine pèse comme une chape de plomb.

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Autre changement de lieu. Le deuxième tableau introduit dans un intérieur de milieu modeste, celui où ses parents attentionnés attendent, en cette fin d'année d'études, le retour au bercail de leur fille. Celle-ci, un peu gênée (ses géniteurs ne se sont-ils pas sacrifiés pour lui payer des études ?) leur avouera qu'elle a échoué à son examen terminal, qu'elle les remboursera. Et, comme dans tous les milieux modestes de l'époque, la mère docile noue silencieusement son tablier avant de s'affairer à la vaisselle, tandis que le père aux velléités artistiques contrariées, citant Polonius dans Shakespeare, tente de la réconforter pour la suite de ses études. "Reste fidèle à toi-même", lui dira-t-il.

Quelques années plus tard… Un dîner réunit trois couples, dont elle et celui qui, entre temps, est devenu son mari. Dans les conversations, il sera question d'une femme poussée du haut de la falaise après avoir été découpée en morceaux, de la mer agitée de Saïgon et d'un sauvetage héroïque, d'un flamenco fiévreux dansé corps à corps… avant que les corps, désinhibés, ne parlent à leur tour… le mari sautant sur une autre femme devant les yeux de la sienne. Les invités partis, le même lui déclarera qu'il est prêt ce soir – il part le lendemain – à lui faire l'enfant qu'elle réclame. Et devant le refus d'Alice – "Tu ne peux pas m'imposer ça" – il lui répondra calmement, tout en se dirigeant vers la chambre, "S'il te plaît, ce ne sera pas long"…

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Le prochain rideau se lève sur le retour de mission du mari. Éclatera une scène violente de rupture où Alice, après avoir été traitée de salope et humiliée – "T'es trop bête pour retourner à l'université" – trouvera en elle la force de chasser l'odieux. Elle en éprouvera un grand soulagement – "ça fait du bien d'arrêter de baiser avec un meurtrier" – un sentiment d'intense libération la gagnera. Mais à peine libérée des liens qui l'assujettissaient, elle tombera amoureuse d'un professeur de poésie… et tombera dans les pattes d'un amoureux de peintures… collectionneur de femmes, qui sans la moindre considération abusera d'elle.

Autre tableau, celui de la mère d'Alice s'invitant pour lui offrir, à l'occasion de son anniversaire, un pauvre chapeau démodé. Ne pouvant supporter le retour dans son existence de celle qu'elle rend responsable de ses affres présentes, elle rejettera violemment celle dont elle a dû porter la robe de mariée sortie de la naphtaline, mariage qui n'était pas le sien, mais celui voulu par sa génitrice soucieuse de donner à sa fille un mari…

Les temps décidément changent, une des amies présente à cet anniversaire, bouteille de whisky en main, énoncera haut et fort le nouveau credo féministe : "Ne laisse pas un mec et ses frasques te définir". Suivra alors une scène réparatrice. Le bellâtre, sûr de lui, faisant sa réapparition en terrain conquis, aura droit à un magistral camouflet. Lui rendant au centuple la monnaie de sa pièce, elle lui fera subir "une débandade" mémorable.

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
C'est alors qu'Alice jeune, parlant avec l'autre Alice, lui demandera : "– C'est comme ça que tu as quitté l'Australie ? – Oui, après ça je suis partie en Europe pour étudier". Florence et ses fabuleux musées, Paris et le Pierrot de Watteau au Louvre, et enfin Londres où elle s'établira et se réalisera pleinement. Le dernier tableau verra la vieille dame face à nous, heureuse, contemplant à distance sa nouvelle vie à Londres, une vie riche d'une nouvelle rencontre…

Entre levers de rideaux et changements à vue de décors, les fragments de l'existence d'une femme ordinaire, cristallisant en elle le combat à jamais inaccompli pour la libération féminine, viennent s'inviter dans notre présent. Par le truchement de la mise en abyme d'un passé actualisé par la présence de la vieille dame contemplant son existence se rejouer devant elle, Alexander Zeldin et ses alliés nous font don, ici et maintenant, d'un merveilleux moment de théâtre, sensible et passionnant.

Vu le mercredi 19 juillet 2023 à La Fabrica à Avignon.

"The Confessions"

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Spectacle en anglais surtitré en français.
Texte et mise en scène : Alexander Zeldin.
Collaboration à la mise en scène : Joanna Pidcock.
Avec : Joe Bannister, Amelda Brown, Jerry Killick, Lilit Lesser, Brian Lipson, Eryn Jean Norvill, Pamela Rabe, Gabrielle Scawthorn, Yasser Zadeh.
Traduction en français pour le surtitrage : Valentine Haussoulier.
Scénographie et costumes : Marg Horwell.
Chorégraphie et mouvement : Imogen Knight.
Lumière : Paule Constable.
Collaboration à la création lumière : Ben Dodds.
Musique : Yannis Philippakis.
Son : Josh Anio Grigg.
Travail de la voix : Cathleen McCarron.
Soutien dramaturgique : Sasha Milavic Davies.
Régie lumière : Henry Marlow.
Direction son : Neil McNally.
Régie son : Hope Brennan.
Machinerie : Kevan Healey.
Direction habillage : Josie Thomas.
Habillage : Caroline Hannam.
Durée : 2 h 15.

•Avignon In 2023•
Du 17 au 19 et du 21 au 23 juillet 2023.
Représenté à 16 h chaque soir.
La Fabrica, Avignon.
Réservations : 04 90 14 14 14 tous les jours de 10 h à 19 h.
>> festival-avignon.com

Tournée
Du 29 septembre au 14 octobre 2023 : Odéon - Théâtre de l'Europe (Paris, France).
Du 19 octobre au 4 novembre 2023 : National Theatre of Great Britain, Londres (Royaume-Uni).
Du 8 au 12 novembre 2023 : Comédie de Genève, Genève (Suisse).
Du 15 au 18 novembre 2023 : Théâtre, Liège (Belgique).
Du 22 au 24 novembre 2023 : La Comédie de Clermont-Ferrand - Scène nationale, Clermont-Ferrand (France).
5 et 6 avril 2024 : Centro Cultural de Belém, Lisbonne (Portugal).
Du 10 au 12 avril 2024 : Teatros del Canal, Madrid (Espagne).
Avril 2024 : La Schaubühne am Lehniner Platz, Berlin (Allemagne).
Du 3 au 5 mai 2024 : Théâtres de la Ville, Luxembourg.
Du 9 au 11 mai 2024 : Piccolo Teatro di Milano - Teatro d'Europa, Milan (Italie)

Yves Kafka
Vendredi 21 Juillet 2023

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© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

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© Betül Balkan.
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