La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Humour

Il a bon dos le Dodo de Yannick !

Il a si bon dos que 50 ans après sa découverte, il avait déjà disparu... Oups ! Au départ, il y avait Dodo le pataud et Momo le badaud... l'un oiseau sur l'île Maurice, l'autre oisif sur l'île aux bons mots. Si l'un a complétement disparu et depuis longtemps (1681), l'autre, personnage de conte (de légendes ?) est en voix d'extinction.. Car, au travers de ces histoires de Dodo, de patois, de québécois, de boxeurs, de parleurs, etc., c'est d'inadaptation dont nous parle Yannick Jaulin...



Yannick Jaulin © Hervé Jolly.
Yannick Jaulin © Hervé Jolly.
Inadaptation à l'évolution du monde, qui, aujourd'hui, se construit sur la mondialisation, l'uniformisation, les inégalités... et à la disparition de nos capacités aux rêves, à l'utopie. Même les légendes sont en voie de disparition ! Mais tout cela n'est pas qu'une pénétrante argutie artistique, c'est aussi, que l'on soit Mapuche au fin fond de la forêt amazonienne ou SDF à l'angle d'un couloir de RER, un triste constat... le cœur même du monde d'aujourd'hui : si t'es différent, tu meurs, sinon tu te fond dans la masse...

Du Dodo, parure plumée et symbolique de la biodiversité, au conte moderne sur la diversité culturelle, il n'y a qu'un pas... de clown que Jaulin franchit avec une énergie et une densité peu commune. Après une entrée en fanfare... comme l'arrivée d'un gladiateur dans le stade de nos erreurs passées et à venir, immédiatement, il prend le Dodo à bras-le-corps, l'imaginant sur son île à tourner en rond... sous les yeux imbéciles du colonisateur de base (portugais puis hollandais). Yannick Jaulin "s'imprègne" du Dodo, l'habite littéralement... Cette incarnation va initier le conte, le burlesque où rentrent en scène les personnages qui construiront (ou déconstruiront) le verbe, parfois en colère, parfois plus doux de Jaulin. Du Dodo naît la question de l'artiste : ne suis-je pas, moi aussi, en voie de disparition ?

Il a bon dos le Dodo de Yannick !
La question entraîne judicieusement la schizophrénie du conteur, mise en scène grâce à deux personnages : Japiaud, le conteur patoisant, lutteur sans combat dans un monde qui oublie ses racines en nous parlant d'avenir ; et Joslin, fruit du même arbre séculaire, mais refusant ses origines pour aller plus avant, vers les promesses de ce grand jeu planétaire où l'individu, en gage de réussite, perd sa personnalité.

Et le Dodo devient un fil conducteur à haute tension : de diatribes clownesques aux énumérations glaçantes (énumérations des espèces disparues, associations références : Dodo/ado violé... ouvrier licencié... roumain expulsé... employé suicidé... écologie bafoué), Yannick Jaulin nous embarque sans ménagement de glissades humoristiques en poignantes montées dramatiques. Avec une présence charismatique, une occupation impressionnante de l'espace scénique, il s'empare avec passion et générosité de son histoire et nous captive par l'incroyable maîtrise de son "sujet".

Si le Dodo a disparu, Yannick Jaulin a pris, lui, la dimension de la "survivance"... Il a remis les conteurs à zéro et vient de faire de son art, l'air de rien, un art militant... ni passéiste, ni muséographique mais résolument moderne ! Un nouvel art à découvrir, riche, dense et bourré de biodiversité ! Yannick Jaulin est devenu sans conteste un grand comédien/conteur et son spectacle est l'aboutissement d'un travail visant à faire du conte une expression artistique engagée et inscrite dans la réalité de nos préoccupations universelles. A voir sans hésiter, actuellement en tournée.

"Le Dodo"

(Vu le 23 janvier 2011)

De et par Yannick Jaulin.
Mise en scène : Laurent Brethome.
Musique : Camille Rocailleux.

11 mars 2011 : Chinon (Centre culturel).
15 mars : Cusset (Théâtre de Cusset).
16 mars : Cébazat (Le Sémaphore).
23 mars : Machecoul (Espace de Retz).
24 mars : Châteaubriant (Théâtre de Verre).
25 mars : Ancenis (Quartier Libre).
5 avril : Saint-Etienne-du-Rouvray (Le Rive Gauche).
6 avril : Saint-Valéry-en-Caux (Le Rayon Vert).
7 avril : Montargis (Le Tivoli).
12 avril : Pornichet (Quai des Arts).
13 et 14 avril : Nantes (Le Grand T).
15 avril : Vallet (Le Champilambart).
19 avril : Vénissieux (Théâtre).
Du 17 au 20 mai : Grenoble (MC2).
24 mai : Libourne (Théâtre Le Liburnia).
25 mai : Aubusson (Théâtre Jean Lurçat).
27 mai : Civray (La Margelle).
28 mai : Conflans-Sainte-Honorine (Théâtre Simone Signoret).

Gil Chauveau
Mercredi 26 Janvier 2011

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024