Mais ce n'est pas un rêve, non, mais plutôt un cauchemar. Le cauchemar d'un comédien en train de jouer la scène d'un film de gangster et qui, tout à coup, bafouille, perd son texte, demande à ce qu'on la refasse, se voit soupçonné de ne plus être capable d'apprendre un texte. L'âge… La vieillesse… Le cauchemar…
Mais on finit par s'en réveiller d'un cauchemar quand ça devient trop flippant. C'est comme ça que le rêve disparaît et que l'homme se lève et commence à fulminer tout seul. Alors, tu arpentes ta cave, vieux comédien. Pas si vieux d'ailleurs, mais un brin dégarni et avec un terreau de culture gigantesque en toi : Racine, Shakespeare, Corneille, des pièces entières dans cette mémoire, des textes à frémir de tous les sens, à tomber, à s'envoler, tu les as là, dans ta mémoire, alors un petit passage stupide et sans intérêt d'un dialogue de polar qui t'échappe, qu'est-ce que ça peut faire, hein ?
Mais on finit par s'en réveiller d'un cauchemar quand ça devient trop flippant. C'est comme ça que le rêve disparaît et que l'homme se lève et commence à fulminer tout seul. Alors, tu arpentes ta cave, vieux comédien. Pas si vieux d'ailleurs, mais un brin dégarni et avec un terreau de culture gigantesque en toi : Racine, Shakespeare, Corneille, des pièces entières dans cette mémoire, des textes à frémir de tous les sens, à tomber, à s'envoler, tu les as là, dans ta mémoire, alors un petit passage stupide et sans intérêt d'un dialogue de polar qui t'échappe, qu'est-ce que ça peut faire, hein ?
Je m'excuse soudain de tutoyer ce personnage de comédien que je ne connais pas, ce n'est pas lui faire offense, mais c'est venu comme ça. Un peu comme ce qui lui arrive sur scène au bout de quelques minutes. Ce moment où Jaurès commence à lui parler quand le comédien finit de vilipender les tortueuses injustices de la vie d'artiste et ses casse-tête administratifs. Pour ma défense, je dirais que Jaurès non plus ne connaît pas ce personnage et, pourtant, il commence à lui parler avec son accent de rocaille du Sud-Ouest et un beau timbre de voix grave, bien que lui ne le tutoie pas.
Jaurès, c'est qui ? Un des fondateurs de la SFIO, un homme de gauche dans toute la noblesse qu'une telle dénomination peut contenir, un farouche adversaire de la guerre de 14-18 qui fut assassiné quelques jours avant le début de celle-ci. Ce ne sont que quelques lignes des faits marquants d'une vie qui fut une lente évolution et d'un orateur impressionnant, capable d'improviser un discours dont les mots coulaient comme d'une source de sincérité, de conviction. Bien que de Droite Opportuniste lorsqu'il devient député, dans le même clan que Jules Ferry aux basses opinions en faveur du colonialisme entre autres, il deviendra, à force de voir de ses propres yeux les conditions de la vie ouvrière, notamment dans le nord, il deviendra vite un adversaire dangereux pour le capitalisme et sa clique de bienfaiteurs de la misère humaine.
Le dialogue se poursuit ainsi entre le comédien et l'émanation de Jaurès. Ce dernier, lassé sans doute d'être classé aux archives du Panthéon comme antiquité poussiéreuse, pousse ce cher comédien en colère à l'incarner et propager quelques-uns de ses discours historiques. Il le coache en quelque sorte. Le critique un peu. C'est une joute complice, car tous les deux tombent bien d'accord sur l'état détérioré des ambitions politiques du monde dans lequel nous vivons et de la victoire quasi-totale du Grand Capital et des Grandes Religions. Soupir.
Jaurès, c'est qui ? Un des fondateurs de la SFIO, un homme de gauche dans toute la noblesse qu'une telle dénomination peut contenir, un farouche adversaire de la guerre de 14-18 qui fut assassiné quelques jours avant le début de celle-ci. Ce ne sont que quelques lignes des faits marquants d'une vie qui fut une lente évolution et d'un orateur impressionnant, capable d'improviser un discours dont les mots coulaient comme d'une source de sincérité, de conviction. Bien que de Droite Opportuniste lorsqu'il devient député, dans le même clan que Jules Ferry aux basses opinions en faveur du colonialisme entre autres, il deviendra, à force de voir de ses propres yeux les conditions de la vie ouvrière, notamment dans le nord, il deviendra vite un adversaire dangereux pour le capitalisme et sa clique de bienfaiteurs de la misère humaine.
Le dialogue se poursuit ainsi entre le comédien et l'émanation de Jaurès. Ce dernier, lassé sans doute d'être classé aux archives du Panthéon comme antiquité poussiéreuse, pousse ce cher comédien en colère à l'incarner et propager quelques-uns de ses discours historiques. Il le coache en quelque sorte. Le critique un peu. C'est une joute complice, car tous les deux tombent bien d'accord sur l'état détérioré des ambitions politiques du monde dans lequel nous vivons et de la victoire quasi-totale du Grand Capital et des Grandes Religions. Soupir.
Ce sont avec des voltiges intérieures, du cœur, de l'esprit et de l'art que Patrick Bonnel parvient à habiter ces deux personnages éloignés de plus d'un siècle. Les discours, les pensées de Jaurès l'aident beaucoup à enjamber ce temps, car ce dont il était question alors, il en est hélas toujours question aujourd'hui et de façon tout aussi tragique. Pourtant, il ne s'agit pas ici, ni pour Jaurès, ni pour Bonnel de donner des leçons, mais de lancer des nuages d'espoirs par-dessus les discours sans rêves qui enterrent notre époque sous les cendres de la peur. Et c'est beaucoup de magie, beaucoup de cris ravalés, beaucoup de l'art du comédien qui font que le récit palpite comme un cœur ardent, amoureux d'une humanité toujours en peine d'elle-même, et qui fait de ce seul en scène un moment de source de vie bénéfique.
"Looking for Jaurès"
Texte : Marie Sauvaneix et Patrick Bonnel.
Mise en scène : Marie Sauvaneix.
Avec : Patrick Bonnel.
Création Musicale : David Venitucci.
Lumières : Philippe Lagrue.
Son : Nicolas Delbart.
Cie DLM Productions.
Durée : 1 h 15.
À partir de 12 ans.
Du 18 septembre 2024 au 30 janvier 2025.
Mercredi et jeudi à 19 h. Relâches : 25 décembre et 1ᵉʳ janvier.
Du 4 février au 1ᵉʳ avril 2025.
Mardi à 19 h + vendredi 7 et samedi 8 mars à 19 h.
Théâtre Essaïon, Paris 4ᵉ, 01 42 78 46 42.
essaionreservations@gmail.com
>> essaion-theatre.com
Mise en scène : Marie Sauvaneix.
Avec : Patrick Bonnel.
Création Musicale : David Venitucci.
Lumières : Philippe Lagrue.
Son : Nicolas Delbart.
Cie DLM Productions.
Durée : 1 h 15.
À partir de 12 ans.
Du 18 septembre 2024 au 30 janvier 2025.
Mercredi et jeudi à 19 h. Relâches : 25 décembre et 1ᵉʳ janvier.
Du 4 février au 1ᵉʳ avril 2025.
Mardi à 19 h + vendredi 7 et samedi 8 mars à 19 h.
Théâtre Essaïon, Paris 4ᵉ, 01 42 78 46 42.
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