Dans "Jeu et réalité", le psychanalyste britannique Winnicott annonçait en son temps l'importance pour la construction du petit d'homme d'un "espace intermédiaire entre le dehors et le dedans". Un espace où le potentiel virtuel de chacun(e) pourrait librement s'exprimer sans être assujetti aux diktats des jeux réglés. De nos jours, le succès phénoménal des jeux de rôle en ligne où, chacune et chacun "à l'abri" derrière son écran, casque vissé aux oreilles et manette en mains, s'invente de toutes pièces un personnage pour le faire vivre (et mourir) au risque du contact avec d'autres avatars, ne peut qu'accréditer cette vision.
Ainsi de Mara, cette toute jeune fille qui, comme beaucoup d'autres, ressent le besoin vital de faire craquer les coutures trop étriquées du monde qu'elle habite. Une échappatoire ressentie comme salutaire lui permettant d'expérimenter dans le monde virtuel ce que le quotidien ne peut lui offrir, une évasion "sur mesure" dans l'univers fantastique d'un Role Play sur le Net… Là, comme par miracle, elle va rencontrer "pour de vrai" le prince charmant – version gourou du double de son âge – un avatar bien réel qui la prend sous son aile, usant de tous les artifices de la séduction afin de la modeler en star du jeu vidéo dont il est le promoteur : elle ne sera pas actrice, c'est dépassé dans le monde d'aujourd'hui, mais superstar d'un jeu vidéo, un produit à vendre sur le net en pièces détachées… et, en ce qui le concerne, à "consommer" en direct.
Ainsi de Mara, cette toute jeune fille qui, comme beaucoup d'autres, ressent le besoin vital de faire craquer les coutures trop étriquées du monde qu'elle habite. Une échappatoire ressentie comme salutaire lui permettant d'expérimenter dans le monde virtuel ce que le quotidien ne peut lui offrir, une évasion "sur mesure" dans l'univers fantastique d'un Role Play sur le Net… Là, comme par miracle, elle va rencontrer "pour de vrai" le prince charmant – version gourou du double de son âge – un avatar bien réel qui la prend sous son aile, usant de tous les artifices de la séduction afin de la modeler en star du jeu vidéo dont il est le promoteur : elle ne sera pas actrice, c'est dépassé dans le monde d'aujourd'hui, mais superstar d'un jeu vidéo, un produit à vendre sur le net en pièces détachées… et, en ce qui le concerne, à "consommer" en direct.
D'emblée, nous sommes immergés dans le monde explosif des jeux vidéo en découvrant - sur grand écran - une poursuite à tirs nourris, commentée en simultané par les deux protagonistes. Du virtuel au réel, d'entrée les frontières se floutent, les avatars sortant du jeu pour, champ contre champ, s'exposer l'un et l'autre dans un échange évocateur de la candeur de la jeune fille livrée à son rêve de devenir comédienne et de la fourberie manipulatrice du concepteur de "Daddy", ce jeu destiné à le rendre lui riche et célèbre.
Et si dans le monde du metaverse, les personnages vivent et meurent au gré de leur créateur (ainsi de l'habilleuse, ancienne jeune star tombée en désuétude), dans ses coulisses les rapports réels de domination entre les deux sexes perdurent. Ainsi de l'emprise de Julien sur Mara ; il n'aura de cesse de passer sans transition d'une valorisation sans limites à une humiliation sans limites aucune, en en faisant, entre autres, son objet sexuel.
D'autres personnages crèveront l'écran pour faire irruption dans le réel. Lena, la concurrente directe de Mara, la petite nouvelle qui va l'évincer, elle ayant pourtant bénéficié du fait ses origines plus aisées de cours de théâtre… Lena, bannie sur le champ du monde virtuel, explosant littéralement et montrant in situ (elle déserte l'écran et la scène pour bondir dans la salle) tout ce que sa nature généreuse de femme accomplie peut très concrètement offrir aux spectateurs mâles…
Mais aussi la super show girl en robe lamée à sequins chantant "Daddy" de Marilyn Monroe, avatar à s'y méprendre de son modèle, et s'élevant vers les cintres, hissée par des filins… avant de subir le destin commun aux anges déchus. Un univers où "les règles du jeu" échappent à toute valeur humaine, où seul le profit tient lieu de boussole. Ainsi du superviseur de "Daddy", le concepteur du jeu dont Julien est le maître d'œuvre (artistique).
Cependant, les créatures formatées par Julien-Daddy – lequel, dénué de tous scrupules et branché sur ses seuls intérêts, en "tue" allègrement une pour gagner l'instant d'après les faveurs de l'autre – gardent envers et contre tout, dissimulé en elles, un fond de rébellion (est-on dans le jeu ou dans le réel ?) amenant l'héroïne à régler son sort au prédateur monstrueux. Même dans le metaverse les happy ends existent… dans une coloration ici des plus trashes.
Et si dans le monde du metaverse, les personnages vivent et meurent au gré de leur créateur (ainsi de l'habilleuse, ancienne jeune star tombée en désuétude), dans ses coulisses les rapports réels de domination entre les deux sexes perdurent. Ainsi de l'emprise de Julien sur Mara ; il n'aura de cesse de passer sans transition d'une valorisation sans limites à une humiliation sans limites aucune, en en faisant, entre autres, son objet sexuel.
D'autres personnages crèveront l'écran pour faire irruption dans le réel. Lena, la concurrente directe de Mara, la petite nouvelle qui va l'évincer, elle ayant pourtant bénéficié du fait ses origines plus aisées de cours de théâtre… Lena, bannie sur le champ du monde virtuel, explosant littéralement et montrant in situ (elle déserte l'écran et la scène pour bondir dans la salle) tout ce que sa nature généreuse de femme accomplie peut très concrètement offrir aux spectateurs mâles…
Mais aussi la super show girl en robe lamée à sequins chantant "Daddy" de Marilyn Monroe, avatar à s'y méprendre de son modèle, et s'élevant vers les cintres, hissée par des filins… avant de subir le destin commun aux anges déchus. Un univers où "les règles du jeu" échappent à toute valeur humaine, où seul le profit tient lieu de boussole. Ainsi du superviseur de "Daddy", le concepteur du jeu dont Julien est le maître d'œuvre (artistique).
Cependant, les créatures formatées par Julien-Daddy – lequel, dénué de tous scrupules et branché sur ses seuls intérêts, en "tue" allègrement une pour gagner l'instant d'après les faveurs de l'autre – gardent envers et contre tout, dissimulé en elles, un fond de rébellion (est-on dans le jeu ou dans le réel ?) amenant l'héroïne à régler son sort au prédateur monstrueux. Même dans le metaverse les happy ends existent… dans une coloration ici des plus trashes.
Dans une scénographie "tombe la neige" (cf. le tube sirupeux de Salvatore Adamo) en contrepoint avec la violence des liens de domination "mis en jeu", se vivent les rapports aux autres jusqu'à en mourir… pour de faux ou pour de vrai ? De même que le décor dans lequel la neige est récurrente, matière neigeuse liquide et solide à la fois, les limites entre réalité et virtualité se floutent pour faire entendre que le monde des jeux numériques n'est que l'interface de notre monde, une porte d'entrée d'autant plus sensible qu'elle se pare des habits du ludique… Est-ce la raison pour laquelle, on sort quelque peu déstabilisé de ses trois heures de "projection" ? Échapper à sa zone de confort, douter… un effet redoutable autant que salutaire.
◙ Yves Kafka
Vu le mercredi 27 novembre 2024, dans la Grande salle Vitez du TnBA de Bordeaux.
◙ Yves Kafka
Vu le mercredi 27 novembre 2024, dans la Grande salle Vitez du TnBA de Bordeaux.
"Daddy"
Créé le 9 mars 2023 au Centre national de danse contemporaine – Angers.
Texte : Marion Siéfert et Matthieu Bareyre.
Le texte d'Ayla est tiré d'un écrit d'Anna Jammes Etcheto.
Mise en scène : Marion Siéfer.
Assistante mise en scène : Mathilde Chadeau.
Avec : Émilie Cazenave, Lou Chrétien-Février, Jennifer Gold, Lila Houel, Lorenzo Lefebvre ou Louis Peres (en alternance), Charles-Henri Wolff.
Conception scénographie : Nadia Lauro.
Lumière : Manon Lauriol.
Création sonore : Jules Wysocki.
Vidéo, Antoine Briot.
Création costumes : Romain Brau (pour les robes de Lila Houel et les tenues de Jennifer Gold), Chloé Courcelle (pour le top de Lorenzo Lefebvre), Anne Pollock, Valentine Solé.
Création maquillages : Dyna Dagger, LouThonet.
Création perruques : Kevin Jacotot.
Collaboration aux chorégraphies comédie musicale : Patric Kuo.
Collaboration aux castings : Leila Fournier, Laetitia Goffi.
Chorégraphie de combat : Sifu Didier Beddar.
Musicienne : Sigolène Valax.
Production : Ziferte Productions.
À partir de 15 ans.
Durée : 3 h 05.
Représenté du mercredi 27 au vendredi 29 novembre 2024 au TnBA, Théâtre national Bordeaux Aquitaine.
Tournée
11 et 12 décembre 2024 : CDNO - CDN, Orléans (45).
11 et 12 mars 2025 : Bonlieu - Scène nationale, Annecy (74).
Du 27 au 29 mars 2025 : Théâtre Vidy-Lausanne, Lausanne (Suisse).
Du 22 au 25 mai 2025 : Grande Halle de la Villette, Paris (75).
Texte : Marion Siéfert et Matthieu Bareyre.
Le texte d'Ayla est tiré d'un écrit d'Anna Jammes Etcheto.
Mise en scène : Marion Siéfer.
Assistante mise en scène : Mathilde Chadeau.
Avec : Émilie Cazenave, Lou Chrétien-Février, Jennifer Gold, Lila Houel, Lorenzo Lefebvre ou Louis Peres (en alternance), Charles-Henri Wolff.
Conception scénographie : Nadia Lauro.
Lumière : Manon Lauriol.
Création sonore : Jules Wysocki.
Vidéo, Antoine Briot.
Création costumes : Romain Brau (pour les robes de Lila Houel et les tenues de Jennifer Gold), Chloé Courcelle (pour le top de Lorenzo Lefebvre), Anne Pollock, Valentine Solé.
Création maquillages : Dyna Dagger, LouThonet.
Création perruques : Kevin Jacotot.
Collaboration aux chorégraphies comédie musicale : Patric Kuo.
Collaboration aux castings : Leila Fournier, Laetitia Goffi.
Chorégraphie de combat : Sifu Didier Beddar.
Musicienne : Sigolène Valax.
Production : Ziferte Productions.
À partir de 15 ans.
Durée : 3 h 05.
Représenté du mercredi 27 au vendredi 29 novembre 2024 au TnBA, Théâtre national Bordeaux Aquitaine.
Tournée
11 et 12 décembre 2024 : CDNO - CDN, Orléans (45).
11 et 12 mars 2025 : Bonlieu - Scène nationale, Annecy (74).
Du 27 au 29 mars 2025 : Théâtre Vidy-Lausanne, Lausanne (Suisse).
Du 22 au 25 mai 2025 : Grande Halle de la Villette, Paris (75).