C'est étrange, loufoque et singulier ce que nous propose la créatrice flamande Lisaboa Houbrechts. "Bruegel" est une œuvre forte avec un texte de grande qualité où se côtoient les vers et les langues étrangères, la poésie et les mots rudes du quotidien, les rires et les pleurs, le langage châtié et les jurons, le monothéisme et le polythéisme, l'humour et la tragédie, la provocation et la dévotion.
C'est tout un univers fantasmagorique qui nous est proposé. C'est aussi et surtout une rencontre entre différentes époques et mondes culturels qui s'agencent, se réunissent, voire s'opposent, comme quand Marie (Rand Abou Fakher), la mère de Jésus, et Athéna (Romy Louise Lauwers), la déesse grecque, ont une confrontation verbale, l'une côté cour, l'autre côté jardin, perchée au balcon.
Nous remontons aussi jusqu'au (bas) Moyen Âge où la religion était un mode de vie et où tout "hérétique", terme souvent lancé pour discréditer et abattre tout ennemi du royaume, était considéré comme "sorcière", en plus de celles qui avaient des compétences botaniques permettant de guérir ou de tuer. C'est cet anathème qui est lancé contre Dulle Griet ou Margot la Folle.
C'est tout un univers fantasmagorique qui nous est proposé. C'est aussi et surtout une rencontre entre différentes époques et mondes culturels qui s'agencent, se réunissent, voire s'opposent, comme quand Marie (Rand Abou Fakher), la mère de Jésus, et Athéna (Romy Louise Lauwers), la déesse grecque, ont une confrontation verbale, l'une côté cour, l'autre côté jardin, perchée au balcon.
Nous remontons aussi jusqu'au (bas) Moyen Âge où la religion était un mode de vie et où tout "hérétique", terme souvent lancé pour discréditer et abattre tout ennemi du royaume, était considéré comme "sorcière", en plus de celles qui avaient des compétences botaniques permettant de guérir ou de tuer. C'est cet anathème qui est lancé contre Dulle Griet ou Margot la Folle.
Mais qui est-elle ? C'est la protagoniste éponyme du célèbre tableau "Dulle Griet" (1562) de Pieter Bruegel l'Ancien (1525-1569). C'est la création de cette œuvre qui est la trame du spectacle. Nous connaissons peu de choses certaines sur Bruegel, peintre et sculpteur brabançon. Les historiens ne sont pas sûrs de sa date de naissance, seule sa date de mort précise est avérée, un 9 septembre. Dulle Griet, quant à elle, est un personnage du folklore flamand personnifiant l'avarice. C'est aussi le nom d'un canon médiéval gantois.
La composition picturale de Bruegel représente un décor plutôt chaotique avec ses incendies, ses obscurités et son armée de femmes menée par Margot la Folle, équipée d'un couteau côté gauche et d'une épée côté droit pour aller en direction de la bouche de l'Enfer représentée grande ouverte avec son œil fixe. Un livre de proverbes publié à Anvers en 1568 contient ce dicton qui semble faire écho à cette création : "Une femme seule fait du boucan, deux femmes causent beaucoup de difficultés, trois femmes se rassemblent uniquement pour faire du commerce pour un marché annuel, quatre femmes mènent à la dispute, cinq femmes forment une armée et, pour lutter contre six femmes, Satan n'a pas lui-même une arme pour les combattre."*
La composition picturale de Bruegel représente un décor plutôt chaotique avec ses incendies, ses obscurités et son armée de femmes menée par Margot la Folle, équipée d'un couteau côté gauche et d'une épée côté droit pour aller en direction de la bouche de l'Enfer représentée grande ouverte avec son œil fixe. Un livre de proverbes publié à Anvers en 1568 contient ce dicton qui semble faire écho à cette création : "Une femme seule fait du boucan, deux femmes causent beaucoup de difficultés, trois femmes se rassemblent uniquement pour faire du commerce pour un marché annuel, quatre femmes mènent à la dispute, cinq femmes forment une armée et, pour lutter contre six femmes, Satan n'a pas lui-même une arme pour les combattre."*
La scénographie laisse voir une grande scène avec de très grands tableaux. Se perd dans cet ensemble de protagonistes aussi loufoques qu'intéressants, Bruegel. À l'opposé des autres, exubérants pour la plupart, le peintre est discret, presque effacé et est souvent entouré de ses œuvres picturales. C'est la question du genre qui est aussi posée et qui n'est pas abolie par la distance temporelle dans la bouche de Margot la Folle (Anne-Laure Vandeputte). Elle se pose en combattante de sa virilité, elle à qui on reproche un corps de femme, sans doute, mais dans un esprit de mâle. Et elle y tient et le fait savoir. Comme elle souhaite que Bruegel la peigne comme elle est et non comme il pense qu'elle soit. C'est une revendication d'une créature à son dieu créateur.
Nous sommes dans une représentation où les personnages de mythologie, de religion et de peinture vivent, parlent, agissent. Et veulent se faire entendre. Car il faut entendre Dulle Griet quand elle crie, de façon écorchée, qu'elle existe à plusieurs reprises. Une existence qui se veut à part entière et pas uniquement dans la tête d'un créateur qui l'enfante de ses pinceaux. Le jeu d'Anne-Laure Vandeputte est très physique avec son corps et sa voix, aiguillons d'une forte présence scénique.
Nous sommes dans une représentation où les personnages de mythologie, de religion et de peinture vivent, parlent, agissent. Et veulent se faire entendre. Car il faut entendre Dulle Griet quand elle crie, de façon écorchée, qu'elle existe à plusieurs reprises. Une existence qui se veut à part entière et pas uniquement dans la tête d'un créateur qui l'enfante de ses pinceaux. Le jeu d'Anne-Laure Vandeputte est très physique avec son corps et sa voix, aiguillons d'une forte présence scénique.
Cela démarre pourtant tout doucement dans une certaine obscurité par un chant en iranien plein d’émotion de Mostafa Taleb. Au-dessus, via un script, défilent toutes les guerres qui ont eu lieu d’aujourd’hui jusqu’au XIVe siècle. De la dernière russo-ukrainienne, aux oubliées comme celles du Yémen ou du haut Karabagh (2020), ou encore celles continues et jetées de plus en plus dans l’indifférence tel le conflit israélo-palestinien ou celles qu’aucun mort ou massacre ne s'est fait entendre comme la guerre du Kivu (2004).
Il y a aussi ce mélange de langues que sont l'anglais, le français, l'arabe et le néerlandais qui s'échappent de différentes bouches, parfois avec humour comme lorsque Romy Louise Lauwers bascule du néerlandais au français. Le kamancheh, l'orgue et le clavecin, instrument d'origine iranienne pour le premier, tissent musicalement cette création théâtrale. Les chansons sont en persan, latin, grecque, espagnol, occitan et arabe, nourris pour ces derniers par les poèmes de Hafez (1325-1389/90) et d'improvisations dans le style du folklore iranien. Des madrigaux en langue italienne font aussi irruption. Ce sont des ruptures artistiques, autant théâtrales que musicales, qui agencent la pièce comme une série de séquences avec leurs propres univers. Nous sommes dans un voyage autant temporel, culturel, musical que linguistique. La pièce a des entrées plus qu'intéressantes mais manque parfois d'un tempo plus rapide entre certaines séquences qui aurait fait gagner quelques minutes précieuses.
Il y a aussi ce mélange de langues que sont l'anglais, le français, l'arabe et le néerlandais qui s'échappent de différentes bouches, parfois avec humour comme lorsque Romy Louise Lauwers bascule du néerlandais au français. Le kamancheh, l'orgue et le clavecin, instrument d'origine iranienne pour le premier, tissent musicalement cette création théâtrale. Les chansons sont en persan, latin, grecque, espagnol, occitan et arabe, nourris pour ces derniers par les poèmes de Hafez (1325-1389/90) et d'improvisations dans le style du folklore iranien. Des madrigaux en langue italienne font aussi irruption. Ce sont des ruptures artistiques, autant théâtrales que musicales, qui agencent la pièce comme une série de séquences avec leurs propres univers. Nous sommes dans un voyage autant temporel, culturel, musical que linguistique. La pièce a des entrées plus qu'intéressantes mais manque parfois d'un tempo plus rapide entre certaines séquences qui aurait fait gagner quelques minutes précieuses.
Tout est particulier. L'audace du verbe, l'originalité des gestiques et du corps font un formidable mariage. Soit mime, soit imitateur, soit chanteur, comédien assurément, polyglotte pour beaucoup, les interprètes ont de multiples cordes à leur arc. Cela transpire artistiquement par tous leurs pores. Les attitudes comiques sont aussi de la partie au travers d'imitations et de caricatures animales. Elles donnent une note très loufoque au spectacle. Les bruits aussi viennent s'agréger, comme ceux de caquètement qui bousculent une tranquillité qui n'était de toute façon pas au rendez-vous. La représentation est un carrefour d'oppositions qui arrivent à se réunir et où les différences deviennent sacrées sous le joug rayonnant de l'audace.
* Source : Wikipédia.
* Source : Wikipédia.
"Bruegel"
Spectacle en néerlandais surtitré en français.
Texte : Lisaboa Houbrechts.
Mise en scène : Lisaboa Houbrechts.
Assistant à la mise en scène et dramaturgie : Pauwel Hertmans.
Avec : Rand Abou Fakher, Romy Louise Lauwers, Victor Lauwers, Lobke Leirens, Andrew Van Ostade, Anne-Laure Vandeputte.
Musique : Mostafa Taleb (composition, kamânche).
Harmonia Sacra : Jérôme Bertier (orgue).
Chant : Florent Baffi, Capucine Meens, Stéphanie Revillion.
Scénographie : Oscar van der Put.
Costumes : Katarzyna Milczarek.
Durée : 1 h 50.
"Bruegel" a été représenté du 23 juin au 25 juin 2022 à la Grande Halle de La Villette, Espace Charlie Parker, Paris 19e.
>> lavillette.com
Texte : Lisaboa Houbrechts.
Mise en scène : Lisaboa Houbrechts.
Assistant à la mise en scène et dramaturgie : Pauwel Hertmans.
Avec : Rand Abou Fakher, Romy Louise Lauwers, Victor Lauwers, Lobke Leirens, Andrew Van Ostade, Anne-Laure Vandeputte.
Musique : Mostafa Taleb (composition, kamânche).
Harmonia Sacra : Jérôme Bertier (orgue).
Chant : Florent Baffi, Capucine Meens, Stéphanie Revillion.
Scénographie : Oscar van der Put.
Costumes : Katarzyna Milczarek.
Durée : 1 h 50.
"Bruegel" a été représenté du 23 juin au 25 juin 2022 à la Grande Halle de La Villette, Espace Charlie Parker, Paris 19e.
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