L'auteur laisse dériver le personnage dans un après-guerre* rempli de veuves et d'orphelines. Lui fait prendre les différentes postures d'un revenant improbable, porté par la rumeur de son passé, l'enfonce dans un silence de neige et un oubli lourd d'avenir. De 1918 à 1935. Fin de cavale.
Dans une alternance de saynètes brèves, l'œuvre en trois actes circule avec souplesse entre sarcasme et ironie. C'est une comédie noire, un drame drolatique peuplé de trente-cinq personnages féminins bien réels qui vivent de rêves et de fantômes. La pièce est retorse pour la mise en scène.
Le choix de Guy Pierre Couleau qui met en scène est radical, d'une grande simplicité. Pour cette traversée de l'Allemagne de plus en plus cauchemardesque, le spectacle avance par un choix appuyé et discret de théâtralité. Au lointain, des rideaux de scènes. En velours rouge choisi pour sa chaleur, puis en lamé or pour sa vitalité d'artifice, enfin totalement blanc pour le retour des fantômes.
Sur scène, devant ces rideaux, les comédiens évoluent par des changements à vue.
Autant d'occasions, de tremplins pour lancer les dynamiques, les fondre et les enchaîner. Les rôles féminins sont tenus par deux comédiennes seulement : l'une blonde (Carolina Pecheny), l'autre brune (Jessica Vedel), l'une à cheveux longs, l'autre à cheveux courts. C'est un coup de maître. Toutes deux de concert dévorent la scène dans la conquête de Don Juan.
Dans une alternance de saynètes brèves, l'œuvre en trois actes circule avec souplesse entre sarcasme et ironie. C'est une comédie noire, un drame drolatique peuplé de trente-cinq personnages féminins bien réels qui vivent de rêves et de fantômes. La pièce est retorse pour la mise en scène.
Le choix de Guy Pierre Couleau qui met en scène est radical, d'une grande simplicité. Pour cette traversée de l'Allemagne de plus en plus cauchemardesque, le spectacle avance par un choix appuyé et discret de théâtralité. Au lointain, des rideaux de scènes. En velours rouge choisi pour sa chaleur, puis en lamé or pour sa vitalité d'artifice, enfin totalement blanc pour le retour des fantômes.
Sur scène, devant ces rideaux, les comédiens évoluent par des changements à vue.
Autant d'occasions, de tremplins pour lancer les dynamiques, les fondre et les enchaîner. Les rôles féminins sont tenus par deux comédiennes seulement : l'une blonde (Carolina Pecheny), l'autre brune (Jessica Vedel), l'une à cheveux longs, l'autre à cheveux courts. C'est un coup de maître. Toutes deux de concert dévorent la scène dans la conquête de Don Juan.
Il faut voir avec quelle voracité, quelle "gouleyance", ces deux- là endossent tous les rôles. Et avec quel dynamisme. Comment elles composent des duos qui deviennent des duels, révélant l'éternel féminin dans sa diversité et ses métamorphoses. La maman et la putain. Les deux amantes. La grand-mère et sa petite fille. La marâtre et l'orpheline. Dans le rire et les larmes, la joie et la peine. La chaleur et le froid. De fusions en effusions, l'amour et la vengeance.
Pour le comédien, qui interprète le rôle-titre, c'est un défi. Il lui faut être, en situation, un personnage qui, dans ses faiblesses et son caractère, se montre victime consentante du mythe donjuanesque et de ses archétypes. À la fois apparaissant et apparu. Apparu et disparaissant. Et même dans l'absence, être toujours une présence sous le regard. Assurément Nils Ohlund est ce Don Juan qui s'efface. Ce Don Juan qui, revenant de guerre, atteint un stade de pétrification de l'être avant sa dissolution.
Les comédiens de Guy Pierre Couleau font ainsi les gammes d'une tragédie commune et rendent sensibles, de manière bien lisible, les tourments supportés dans la reconstruction d'une apparence, les désirs de prestances assaillies de doutes, les ombres en quête d'une ombre complice. Dans ce spectacle, il est question d'une rumeur qui cesse de courir, d'un monde perdu, d'un passé révolu, du passage de la légende qui fait rêver au mythe qui glace. Sans retour.
Du rêve inabouti d'une main tendue et tenue.
"La cidarem la mano, la… ma, no".
Le spectateur est captivé.
Note :
* La pièce est écrite à Vienne en 1935. Le personnage est bien trop réel, il est honni pour cela par les nazis. En 1933, Horváth est interdit. Il choisit de s'exiler en France à la suite de l'anschluss.
Vu en avant-première à Colmar.
Pour le comédien, qui interprète le rôle-titre, c'est un défi. Il lui faut être, en situation, un personnage qui, dans ses faiblesses et son caractère, se montre victime consentante du mythe donjuanesque et de ses archétypes. À la fois apparaissant et apparu. Apparu et disparaissant. Et même dans l'absence, être toujours une présence sous le regard. Assurément Nils Ohlund est ce Don Juan qui s'efface. Ce Don Juan qui, revenant de guerre, atteint un stade de pétrification de l'être avant sa dissolution.
Les comédiens de Guy Pierre Couleau font ainsi les gammes d'une tragédie commune et rendent sensibles, de manière bien lisible, les tourments supportés dans la reconstruction d'une apparence, les désirs de prestances assaillies de doutes, les ombres en quête d'une ombre complice. Dans ce spectacle, il est question d'une rumeur qui cesse de courir, d'un monde perdu, d'un passé révolu, du passage de la légende qui fait rêver au mythe qui glace. Sans retour.
Du rêve inabouti d'une main tendue et tenue.
"La cidarem la mano, la… ma, no".
Le spectateur est captivé.
Note :
* La pièce est écrite à Vienne en 1935. Le personnage est bien trop réel, il est honni pour cela par les nazis. En 1933, Horváth est interdit. Il choisit de s'exiler en France à la suite de l'anschluss.
Vu en avant-première à Colmar.
"Don Juan revient de la guerre"
Texte : Ödön von Horváth.
Mise en scène et scénographie : Guy Pierre Couleau.
Assistant à la mise en scène : Bruno Journée.
Avec : Nils Öhlund Carolina Pecheny Jessica Vedel.
Création lumière : Laurent Schneegans.
Traduction : Hélène Mauler et René Zahnd. L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté.
Avignon Off Du 4 au 26 juillet 2015.
Tous les jours à 20 h, relâches les 7, 14 et 21.
Théâtre des Halles, Chapiteau, rue du Roi René, Avignon, 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com
Tournée 2015-2016
1er au 4 décembre 2015 : TAPS Scala, Strasbourg (67).
11 au 23 décembre 2015 (relâche le 17) : Théâtre de l'Atalante, Paris 18e.
Mise en scène et scénographie : Guy Pierre Couleau.
Assistant à la mise en scène : Bruno Journée.
Avec : Nils Öhlund Carolina Pecheny Jessica Vedel.
Création lumière : Laurent Schneegans.
Traduction : Hélène Mauler et René Zahnd. L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté.
Avignon Off Du 4 au 26 juillet 2015.
Tous les jours à 20 h, relâches les 7, 14 et 21.
Théâtre des Halles, Chapiteau, rue du Roi René, Avignon, 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com
Tournée 2015-2016
1er au 4 décembre 2015 : TAPS Scala, Strasbourg (67).
11 au 23 décembre 2015 (relâche le 17) : Théâtre de l'Atalante, Paris 18e.