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Théâtre

"Augustin Mal n'est pas un assassin" Chronique d'un salaud ordinaire empreinte d'une pointe de monstruosité

L'art de la dénégation… Formuler ses désirs, ses pensées, ses sentiments jusqu'ici refoulés, édifiant les multiples frustrations… et continuer à s'en défendre en niant que ceux-ci peuvent nous appartenir. Explorer ce fossé qui sépare ce qu'on dit et ce qu'on fait. Porter un regard sur cette subjectivité qui, dans le texte de Julie Douard, est poussée jusque dans ses derniers retranchements et qui peut conduire aux pires extrêmes. Mais ici pas d'affect, ni de jugement, l'analyse a la rigueur et la puissance du travail de l'entomologiste. Metteur en scène et comédien s'évertue à retranscrire cet examen quasi chirurgical d'une partie sombre de l'âme humaine… Avec succès !



© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Nouvelle collaboration avec l'auteur Julie Douard pour Olivier Lopez, metteur en scène et directeur de La Cité Théâtre à Caen. Celle-là même qui nous fit le découvrir en 2001 avec sa pièce "Ferdinand l'impossible". Olivier Lopez exécute à nouveau ici la partition du seul en scène et offre à François Bureloup - un comédien doté d'un jeu au large spectre émotionnel et aux riches et étonnantes subtilités interprétatives - un rôle aux ambiguïtés et paradoxes peu communs, opposant l'apparente normalité de l'anonyme lambda, le monsieur tout le monde, notre voisin, et le potentiel désordre intérieur de cet individu quelconque pouvant le conduire à une forme de folie dévastatrice et à des actes monstrueux.

La force du texte de Julie Douard, intelligemment mis en scène par Olivier Lopez, est de balader le spectateur entre dégoût et empathie, entre rejet et compassion pour cet homme ordinaire à qui on pourrait parfois ressembler, du moins dans le déclaratif et la potentielle capacité, dans des circonstances de grande frustration, de peur, de colère ou de douleur, à passer du "côté obscur de la force".

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Augustin se raconte, parle de sa solitude, de ses habitudes, de ses relations au travail, de sa propreté maniaque, de la nécessité de maitriser sa denture car révélatrice de la personnalité, revendiquant une perfection surannée, habillée en pull sans manches gris. Mais cet homme qui paraît ordinaire l'est-il vraiment ? C'est dans cette banalité commune que se construisent les petites horreurs indicibles naissant d'un être en proie aux manques affectifs, cherchant à comprendre la morale et les règles tacites qui régissent les rapports humains et la société.

Voix claire, diction parfaite, sans tension durant toute la représentation, François Bureloup capte l'attention en assénant avec une conviction déconcertante tant ses préceptes sortis tout droit de son vade-mecum personnel que le récit des situations vécues et des actes commis. La narration portée par le comédien est quelquefois blanche, sans affect, donnant une dimension supplémentaire à l'horreur qui peut poindre, notamment lors de la séquestration et du viol de Gigi qu'il rencontre aux réunions d'un groupe de parole.

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
L'association artistique Douard, Lopez et Bureloup produit un seul en scène dense, maîtrisée, fluide. Porté par une écriture précise, développant à certains moments détails et précisions, ces dernières étant parfois dotées d'une forme d'humour, d'une dérision dont le personnage n'a pas conscience. Le récit ne laisse pas indifférent, malgré l'apparente insignifiance des propos assénés, prenant parfois des allures conférencières, dans une démonstration se voulant anodine, mais laissant se dessiner des anfractuosités inquiétantes d'où naissent ces petites monstruosités ordinaires.

Ce monologue théâtral nous emmène dans les méandres de la pensée intime et personnelle d'un être qui aurait pu être simplement intelligent, drôle, charmeur, ouvert et tolérant, mais dont la part d'ombre révèle un lâche harceleur, kidnappeur et violeur… La proposition d'Olivier Lopez est une traversée réussie dans les désordres intérieurs et les souffrances accumulées qui "nous interroge sur la solitude de notre société et sur sa capacité à générer des monstres."

"Augustin Mal n'est pas un assassin"

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Texte : Julie Douard (P.O.L. éditeur, 2020).
Mise en scène : Olivier Lopez.
Avec : François Bureloup.
Création lumière : Louis Sady.
Régie lumière : Nikita Haluch.
Costumes : Laëtitia Guiral.
Tout public à partir de 14 ans.
Durée : 1 h 15.
Production La Cité Théâtre.
>> lacitetheatre.org

Création le 5 mars 2022 au Théâtre des Halles - Scène d'Avignon.
Olivier Lopez est artiste associé au Théâtre des Halles - Scène d'Avignon.

A été représenté tous les jeudis et vendredis du 10 mars au 1er avril 2022 (sauf le 18) à La Cité Théâtre, Caen (14).

Tournée
29 avril 2022 : Saison culturelle, Merville-Franceville (14).
Du 7 au 30 juillet 2022 : Festival OFF, Théâtre des Halles - Scène d'Avignon, Avignon (84).
Du 7 au 11 novembre 2022 : Le Volcan - Scène nationale, Le Havre (76).
Du 9 au 12 mai 2023 : L'Archipel - Scène conventionnée, Granville (50).

Gil Chauveau
Lundi 18 Avril 2022


1.Posté par bureloup le 19/04/2022 21:57
très touché par votre critique qui a, je crois, tout compris ! Bien à Vous. François Bureloup

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© Ève Pinel.
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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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