La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.
Théâtre

"Britannicus" L'émancipation par le crime - 08/08/2019

C'était à Paris, pendant l'effervescence d'Avignon, dans la salle de l'Artistic… Un travail de théâtre comme on l'aime. Dans une mise en scène de Christine Joly, Philippe Lebas endosse tous les rôles de la tragédie romaine de Jean Racine, "Britannicus". Britannicus… ce jeune prétendant au trône déchu, qui rêvait d'amour simple, assassiné. Mais aussi dans cette pièce Agrippine, cette femme de la...  

Kean… Perdre son être dans le paraître… - 14/07/2019

De la pièce de Dumas, Sartre avait ajouté le thème de l'identification dans laquelle Kean perd son identité en incarnant ses personnages jusqu'en dehors de la scène. La mise en scène d'Alain Sachs plonge dans les abîmes psychiques de caractères qui n'existent que par la lumière des projecteurs ou celle d'un statut social. C'est un double hommage, celui d'Alexandre Dumas (1802-1870), célèbre pour...  

Le château de Grignan s'espagnolise avec le Victor Hugo politique… et son Ruy Blas - 05/07/2019

Avec "Ruy Blas", Hugo s'ingénie à tresser le cercle vicieux du pouvoir. Il met en place un système qui fait ressembler tous les personnages à des poupées matriochka. Ôter une apparence, c'est un autre visage qui apparaît. Ainsi, chaque personnage important de ce réquisitoire contre la corruption n'est que l'instrument de quelqu'un d'autre ou de quelque chose, à l'intérieur de lui-même,...  

Un théâtre d'adolescents "déchainés" par Sylvain Creuzevault - 27/06/2019

La classe des quatorze "apprentis comédiens" de l'école supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine, créée en 2007 dans la capitale girondine, présentait son projet de fin d'études triennales… et de "début de carrière". Sous l'impulsion de l'inclassable Sylvain Creuzevault, les jeunes comédiennes et comédiens animés par le désir fou d'en découdre ont été invités à s'emparer du roman-fleuve de Fédor...  

"Quartett" Le cruel objet du désir ou le vénéneux rapport des sexes - 17/06/2019

Le jeune metteur en scène Hugo Layan de la Compagnie Themroc nourrissait un très vieux rêve : mettre en jeu avec ses deux complices, Clémence Longy et Antoine Villard, la pièce sulfureuse du dramaturge allemand qui, en 1980, s'était emparé du chef-d'œuvre de Fréderic Choderlos de Laclos - "Les liaisons dangereuses", écrites quelque deux cents ans auparavant - pour délier à l'envi les liens viciés...  

"Maya", un parfum de Broadway, une manière d'Huckelbury Finn - 10/06/2019

Sur scène, quelques chaises, quelques patères, comme qui dirait un théâtre de bouts de ficelle servi par cinq comédiennes dans une kyrielle de personnages. Ceux qui ont croisé l'enfance de Marguerite Annie Johnson alias Maya Angelou. Maya Angelou poétesse, femme de conviction et combattante de la Liberté, qui aux côtés de Martin Luther King et Malcolm X sut dire non à la violence faite aux noirs,...  

À "Cataract Valley"… la forêt est morte, comme le rêve - 08/06/2019

Sur scène, de vrais arbres et arbustes qui sentent bon, un sol couvert d'aiguilles de pin, des troncs couchés et des billots épars, au lointain une vraie cataracte d'eau qui apparaît dans la nuit, Marie Rémond adapte de manière naturaliste une nouvelle de Jane Bowles "Camp Cataract" sous le titre "Cataract Valley"… Place au théâtre, ce jeu de cache-cache avec les artifices. Dans cette adaptation,...  

"Mademoiselle Julie" Une marche des passions vers l'échafaud - 05/06/2019

Comme un oiseau en cage qui, à l'ouverture de la porte, est sauvagement sacrifié. Ainsi du sort d'une jeune aristocrate qui, lors d'une fête de la Saint-Jean, croit pouvoir dominer son valet et sa cuisinière et jouir des effets de la liberté qu'elle découvre. Dans "Mademoiselle Julie", August Strindberg place deux personnages dans un huis clos étouffant. La jeune maitresse et le valet, tous deux...  

"Fauves"… Instinct des mots et des dits - 29/05/2019

Wajdi Mouawad signe une belle création où le rapport à l'autre et à soi est posée. C'est une mise en abyme d'échecs, d'oublis, de relations imbriquées et compliquées dans un effet de double hélice, comme le rappelle l'auteur, entre ce que les protagonistes sont et ce qu'ils auraient été. Cela débute par une scène qui se répète trois fois pour venir se juxtaposer avec les suivantes. Un démarrage...  

Le théâtre, lieu de l'émerveillement… lieu d'élaboration du rêve de la liberté - 28/05/2019

C'était le 15 décembre 2018, vingt-quatre jeunes femmes et jeunes hommes se sont lancés en purs amateurs dans une aventure théâtrale conduite par l'Odéon Théâtre de l'Europe. Vingt-quatre jeunes gens venant de tous les horizons, venant des communes proches ayant pour épicentre les ateliers Berthier. Cet espace de création théâtrale au centre d'un chaos urbain de Paris et de sa proche banlieue. Du...  
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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024