La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.
Théâtre

"Les Fâcheux" La comédie-ballet, invention de Molière, reinventée aux Nocturnes de Grignan - 30/06/2022

Avec "Les Fâcheux", Molière invente. La pièce, commandée juste avant sa disgrâce par Nicolas Fouquet (surintendant des finances) pour une grande fête offerte au "Roi-Soleil" dans son château de Vaux-le-Vicomte, la pièce fait partie des magnificences dévoilées aux yeux du jeune monarque de 23 ans. Tous les métiers d'art et de plaisir de l'époque ont été employés par Fouquet : l'architecture de...  

"Avant la France, Rien" Une vie d'exils… plongée intimiste à résonances universelles - 28/06/2022

En novembre 2019, Anne-Cécile Paredes présentait dans "Asile" l'itinéraire d'une exilée à la révolte enracinée. Un parcours - le sien - ayant conduit la petite Péruvienne de cinq ans en France, "terre d'accueil". Elle reprend ici sa proposition dans un dispositif simplifié, décapant le vernis "spectaculaire" pour mieux libérer le vibrato de ce récit "exemplaire". Sans rien rabattre de la force de...  

"Vernon Subutex 1"… Pièce rock d'un roman cru ! - 24/06/2022

Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier reprend le premier volet d'une trilogie romanesque de Virginie Despentes. Dans une atmosphère où la dérive sociale et le sexe sont des éléments importants de dramaturgie, la poésie de l'écrivaine en sort avec éclat dans une mise en scène qui allie le sombre des états d'âme et la vivacité de la musique avec les pulsions des personnages. Un...  

"Keine Menschenseele" par le groupe Laokoon, un purgatoire des voix et d'êtres automates "fabriqués en Autriche" - 23/06/2022

Les morts parlent librement et les voix sont libérées du corps pour mettre en question le sens de l'humanité dans "Keine Menschenseele" ("pas une âme") signé par le groupe Laokoon (Cosima Terrasse, Moritz Riesewieck, Hans Block). Au cœur du purgatoire des voix, Ella (Caroline Baas), Peter (Philipp Hauss), Walter (Hans Dieter Knebel) et Luziwuzi (Lukas Watzl) sont émetteurs et réceptacles de...  

"L'Étang"… Comme une plongée dans le monde intérieur des enfants tourmentés - 15/06/2022

La chorégraphe et artiste franco-autrichienne Gisèle Vienne fait de "L'Étang" de Robert Walser un moyen d'exploration des sphères intimes des enfants tourmentés par des figures d'autorité. Les actrices Adèle Haenel et Henrietta Wallberg mènent le spectacle dans des décors stériles dans lesquels la musique de Stephen O' Malley intensifie des perceptions temporelles et sensorielles. "L'Étang" (Der...  

"L'éloge des araignées" Louise Bourgeois et son double… ou le passé recomposé - 07/06/2022

Une très vieille dame et une très jeune fille se rencontrent "accidentellement" dans l'atelier de l'artiste. La première, Louise, est en panne de création et la seconde, Julie, porte le chagrin d'une mère absente. Entre ces deux êtres vulnérables de par leur âge, le grand et le petit, va se (dé)nouer une complicité sans concessions voguant au gré d'un passé revisité. Au cœur de ce voyage...  

"Alles, was der Fall ist" Dead Centre démontre la création d'un meurtrier et la nature du théâtre avec Wittgenstein en filigrane - 06/06/2022

Le duo irlandais Dead Centre utilise une phrase de Ludwig Wittgenstein, "Alles, was der Fall ist" (Tout ce qui est le cas), comme point de départ de la réflexion sur le mystère de la nature humaine, avec comme modèle le chauffeur fou qui a tué trois personnes dans le centre-ville de Graz en 2015 et la création du théâtre. Philipp Hauss mène le spectacle, incarnant tantôt Wittgenstein, tantôt...  

Festival de La Ruche #2 Épisode 2 Immersion in situ dans les créations à venir, une invitation à un work in progress transgressif - 01/06/2022

Après les quatre premières (belles) découvertes de l'épisode 1 ("Motel", "A quel type de drogue je corresponds ?", "Pop-Corn Protocole", et "Horace"), en voici trois autres à l'originalité tout autant affirmée et qui, chacune dans leur domaine, sont porteuses d'un souffle prometteur. Ainsi ce festival de La Ruche initié par le TnBA, en présentant à leur suite trois jours de théâtre "en train de...  

"Madama Butterfly" vue par Satoko Ichihara Humour décomplexée comme critique socioculturelle du culte de l'Occident - 26/05/2022

C'était en regardant les "chasseuses d'étrangers" à Roppongi que Satoko Ichihara s'est rendu compte du culte de l'Occident profondément ancré dans la culture japonaise. "Madama Butterfly" de Puccini, représentation du fantasme orientaliste par excellence, est, pour Ichihara, à la fois lpoint de départ et matière de base pour sa critique socioculturelle. Le spectacle, débuté en septembre 2021 à...  

"Gloucester Time, Matériau Shakespeare, Richard III"… Humain trop humain ! - 24/05/2022

Vingt-sept ans après les premières représentations au festival d'Avignon, Marcial Di Fonzo Bo et Frédérique Loliée, deux comédiens ayant joué dans celles-ci, reprennent la mise en scène surprenante qu'avait faite en 1995 Matthias Langhoff qui avait réécrit scéniquement "Richard III". Dans un décor très original, la tragédie historique du génie anglais est vue sous le regard très libre du metteur...  
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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024