La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.
Théâtre

"Comme il vous plaira", une exploration de la relativité des apparences - 04/04/2018

Largement inspirée d'une nouvelle tirée des contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer, "As you like it" d'un certain William Shakespeare fait se rencontrer au sein d'une forêt reculée des proscrits fuyant un duc usurpateur. Dans cet état forcé de retour à la Nature, ces robins des bois vivent un véritable choc culturel, qui oppose un monde rustique, une Nature à l'état idéalisé et rêvé à la...  

Quand les héros du Far West incarnaient une violente mais souveraine liberté - 30/03/2018

Le diptyque "Calamity/Billy" est halé comme le Far West, son titre sonne comme un nom du Far West… et c'est bien le Far West… mais sans règlements de comptes à O.K. Corral, sans bagarres de saloon, même si les deux principaux protagonistes avaient la réputation de régler leurs problèmes ou leurs différents de manière expéditive, pour Billy the Kid, ou du moins musclée pour Calamity Jane. Une...  

Un Victor Hugo politique et loufoque qui jette une parole actuelle sur la société de l'argent - 27/03/2018

Le vertueux Victor Hugo jette dans cette pièce de jolis jets d'acide et d'impertinence pour décrire une société dans laquelle l'argent est devenu pouvoir absolu. Difficile de ne pas faire le parallèle avec notre époque qui, plus d'un siècle et demi plus tard, a parfaitement consommé le poison qui lentement fait crever une démocratie de plus en plus impuissante. Sur scène : un homme d'affaires qui...  

"Bourrasque"… Juste ce qu'il faut d'étrangeté pour que le réalisme soit porté aux franges du fantastique - 26/03/2018

Dans "Bourrasques", inspirée par l'œuvre de John Millington Synge, Nathalie Bécue emporte le spectateur dans un tourbillon de théâtre. Un théâtre mû par une langue concrète, drue, simple, maniée par des vagabonds des mots, des enjôleurs, des charmeurs, beaux parleurs qui magnifient cette terre d' Irlande, herbeuse et moutonneuse et tourbeuse, cette terre de l'Ouest, ces îles d'Aran les bien...  

"Notre Innocence"… Plateau nu et dix-neuf comédiens pour clamer une parole qui tourne à vide - 23/03/2018

Les dix-huit jeunes comédiens, pour la plupart issus d'écoles supérieures de formation artistique, psalmodient à l'unisson un long échantillonnage de revendications, et des perditions, des influences qu'ils subissent. Ils sont comme une mécanique à trois demi-douzaines de bouches, bizarrement...  

"Notre innocence"… Tous coupables ? - 23/03/2018

Le dramaturge et metteur en scène Wajdi Mouawad, directeur du théâtre national de La Colline, immisce, dans "Notre innocence", son théâtre dans les méandres d'une violence sociale, psychologique et physique. Il contextualise son œuvre à partir des attentats de Paris de novembre 2015 et, de façon plus personnelle, dans un drame qu'il a vécu dans une troupe. "Des viandes dans des blocs de béton"…...  

Manger ou être mangé, le monde du travail tel un règne animal ! - 21/03/2018

En 1993, le film Jurassic Park sort au cinéma et connaît un énorme succès. Son monstre phare, le Tyrannosaurus Rex, renommé le T-Rex, va hanter les nuits de beaucoup de ses spectateurs. Alexandre nous raconte comment, vingt ans après, la peur du dinosaure réapparaît. L'open space, la machine à café, les fournitures de bureau bien rangées…, tout y est pour représenter le cadre du travail...  

"Plus qu'un jour" avant "La corde"… où comment s'émanciper du joug obsolète de la famille - 20/03/2018

Traiter de la relation à double sens père-fils dans une forme démonstrative de leurs incompréhensions, de leurs impossibilités à échanger, de leurs incapacités à la transmission, tel est le choix de Jean-Yves Ruf dans la création d'un judicieux diptyque unissant "Plus qu'un jour" de Conrad et "La corde" d'O'Neill. La proposition est intéressante mais aurait gagné à être plus ancrée dans...  

"Un mois à la campagne"… Sentir le parfum des regrets, des souvenirs… Comme une romance… - 19/03/2018

Durant ce mois de villégiature, ce "mois à la campagne" (que décrit Yvan Tourgueniev et que met en scène Alain Françon), tous les protagonistes rêvent de mœurs policées et de conversations romanesques… Une illusion de marivaudage qu'ils vivent dans un forme de torpeur qui rejoint l'ennui pendant que le riche propriétaire du domaine (Guillaume Levêque) s'occupe d'un chantier, de digue et de maison...  

"Pour trois sœurs"… L'expérience de l'être cher effacé qui aurait voulu se raconter à deux voix - 16/03/2018

Une ancienne professeure de théâtre, que j'avais eue en cours à la faculté, nous a un jour expliqué que ce qui permettait de distinguer physiquement un personnage d'un autre, c'était tout d'abord sa démarche. Le premier élément de costume qu'il fallait penser était donc les chaussures. Pour cette mise en scène, ces dernières sont effectivement l'accessoire, puis le déguisement de départ. Trois...  
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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024