La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Écrire pour le théâtre" - Mieux comprendre l’activité d’auteur dramatique, favoriser l’écriture dramatique contemporaine

Deuxième partie faisant suite à la présentation début mai à la SACD de deux études initiées par cette dernière et par le Ministère de la Culture et de la Communication. Nous vous présentons ici la synthèse de "Écrire pour le théâtre", une étude menée et présentée par Antoine Doré, chercheur à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).



Antoine Doré © SACD.
Antoine Doré © SACD.
Qu’est‐ce qu’un auteur dramatique ? Comment écrire pour le théâtre aujourd’hui ?

C’est pour répondre à ces questions essentielles et nourrir la réflexion sur une politique en faveur des auteurs qu’une étude a été confiée en 2008 par le Ministère de la Culture et de la Communication et la SACD en partenariat avec la Direction générale de la création artistique (DGCA), à Antoine Doré, sociologue, chercheur à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).
Cette étude s’appuie sur une enquête auprès des auteurs eux‐mêmes et sur une comparaison européenne. Ainsi, une campagne d’entretiens a été effectuée auprès de 81 auteurs dramatiques résidant en France, sélectionnés pour la diversité de leurs profils, sur des critères comme l’âge, le lieu de résidence et le niveau de revenus en droits d’auteur. Ils ont été interrogés sur une série de thèmes ayant trait à leur biographie, à leur pratique d’écriture, à leurs autres activités, aux trajectoires de leurs textes et à leur pratique des politiques publiques. Une attention particulière a été donnée à leurs difficultés professionnelles et à leurs éventuelles revendications en matière de politiques culturelles. Ces rencontres ont été complétées par plus de 60 entretiens en France et à l’étranger auprès de "personnes ressource" (traducteurs, dramaturges, éditeurs, agents, universitaires, responsables de théâtres, d’organisations professionnelles d’auteurs, de comités de lecture, etc.) et par le traitement quantitatif de fichiers fournis par la SACD.

Qui sont ces auteurs ?

L’analyse des données de la SACD, portant sur la période 1997‐2008, révèle un doublement des effectifs d’auteurs dramatiques (2 400 en 1997, 4 800 en 2008), qui ne s’est pas accompagné d’un accroissement dans une telle proportion des perceptions de droits d’auteur. Si l’on tient compte des chiffres de l’inflation, le montant des droits perçus par an en moyenne par les auteurs dramatiques (ayant touché des droits) a diminué de plus de 15 %, pour s’établir à 5 133 euros brut en 2008. L’analyse quantitative révèle également que la moitié des auteurs dramatiques hexagonaux se concentrent à Paris ou en région parisienne et que les hommes représentent deux tiers des effectifs, malgré une croissance régulière de la proportion de femmes. Les revenus sont distribués de manière très inégalitaire entre les auteurs, puisque 10 % d’entre eux reçoivent 77 % des droits et que le revenu moyen des auteurs résidant à Paris est presque trois fois supérieur au revenu moyen des auteurs de province.

Une nécessaire pluriactivité pour survivre et pouvoir écrire

La pluriactivité est la norme de travail des auteurs dramatiques. C’est le premier enseignement de la campagne d’entretiens. Qu’ils occupent un emploi salarié, qu’ils aient le statut d’intermittent du spectacle ou qu’ils vivent essentiellement de l’écriture, quasiment tous les auteurs de théâtre exercent plusieurs activités. La diversification professionnelle prend, pour les uns, la forme d’une polyvalence théâtrale (cumul de plusieurs fonctions dans le processus théâtral), pour d’autres, de la polyactivité (exercice d’une activité hors du secteur du spectacle vivant). L’écriture s’accompagne également, dans de nombreux cas, d’un faisceau de tâches, comme la conduite d’ateliers d’écritures et l’intervention en milieu scolaire, social ou culturel. La gestion d’un "portefeuille d’activités" permet aux auteurs de pallier la faiblesse et l’incertitude des revenus d’écriture – les droits d’auteur ne représentant, pour la grande majorité, qu’une part résiduelle des ressources. Cependant, l’incertitude est telle que les "carrières d’auteur" sont discontinues et qu’elles sont souvent marquées par des changements de stratégie professionnelle et de régime social, et pour beaucoup d’auteurs par des périodes de chômage.

Un parcours du combattant

Plusieurs données se dégagent de la biographie des auteurs, malgré la multiplicité des parcours. L’initiation de l’écriture dramatique est assez tardive, en moyenne à l’âge de 26 ans pour les auteurs interrogés. La plupart ont suivi des études universitaires sanctionnées par un diplôme (le niveau d’étude médian de l’échantillon est de Bac+4), ainsi qu’une formation théâtrale. 47 % des auteurs interrogés ont même reçu une formation professionnalisante ou pré‐professionnalisante au métier de comédien. Ce chiffre traduit un autre phénomène, essentiel pour comprendre l’identité de ce groupe professionnel : la proximité avec la pratique scénique. La majorité des auteurs entretiennent des liens étroits avec la scène, par leur activité propre d’interprète ou/et de metteur en scène ou par leur inscription dans des réseaux.
Une carrière d’auteur se construit, comme pour les praticiens de la scène, par l’épreuve du plateau, mais elle est également balisée par la publication et par l’obtention de récompenses symboliques : sélections dans des comités de lecture, bourses publiques, prix d’écriture. Autant de modes de reconnaissance permettant aux auteurs d’exister dans un secteur où aucun critère de professionnalité ne s’impose.

La situation des auteurs dramatiques en Europe

L’enquête a également porté sur la situation des auteurs en Grande‐Bretagne, en Allemagne et en l’Italie. L’exercice de l’activité d’auteur y est analysé à la lumière du cadre politique, institutionnel et socio‐économique dans lequel elle s’insère.
• Le système britannique est structuré par l’action intense d’une quinzaine de théâtres subventionnés, spécialisés dans les nouvelles dramaturgies, qui dynamisent le secteur en passant de nombreuses commandes à des auteurs. Les agents littéraires jouent un rôle central dans la découverte des jeunes auteurs et dans la conception des projets artistiques.
• En Allemagne, plusieurs dizaines de théâtres publics, fortement subventionnés et à caractère généraliste, animent la production dramaturgique. Ils travaillent en étroite collaboration avec des agents‐éditeurs. L’Allemagne est, avec la France, le seul pays où les auteurs bénéficient d’un statut social spécifique.
• Le système italien n’est pas du tout conçu pour permettre à des auteurs dramatiques de vivre de l’écriture. En l’absence de la moindre volonté politique pour promouvoir un théâtre contemporain de textes, l’émergence de quelques auteurs est due à l’action d’un éditeur et à celle d’un petit théâtre qui organise un concours d’écriture biennal.

Quelles politiques mener ?

Enfin cette étude présente une analyse des politiques culturelles en France et soutient la conduite d’une politique structurée en faveur des auteurs et des écritures dramatiques contemporaines, répondant à quatre objectifs complémentaires :
• Stimuler la création et la diffusion des écritures dramatiques contemporaines ;
• Améliorer la situation des auteurs en agissant sur l’emploi, le statut d’auteur, la rémunération et l’accompagnement de carrière ;
• Soutenir activement l’insertion de nouveaux auteurs ;
• Élargir les publics des nouvelles dramaturgies par une politique de promotion et de transmission.

Site de la SACD.

Á lire également la première partie :
"Une diversité de carrières d’auteur de l’audiovisuel et du spectacle vivant. Les auteurs de la SACD de 1997 à 2008" réalisée par Marie Gouyon.

Gil Chauveau
Jeudi 19 Mai 2011

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024