La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Une petit tour dans les coulisses pour découvrir "L'envers du décor"

"L'envers du décor à la Comédie Française et à l'Opéra de Paris au XIXe siècle", CNCS, Moulins

Après la superbe exposition "L'art du costume à la Comédie Française", le Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie de Moulins présente, pour la première fois, une exposition entièrement consacrée à la mise en scène théâtrale, aux décors et aux trucages. Intitulée "L’envers du décor", cette expo est l'occasion d'effectuer un voyage historique, ludique et interactif dans les coulisses de la Comédie Française et de l'Opéra de Paris au XIXe siècle.



Le Siège de Corinthe, 1826, Auguste Caron d’après Cicéri © BnF Bibliothèque - musée de l’Opéra de Paris.
Le Siège de Corinthe, 1826, Auguste Caron d’après Cicéri © BnF Bibliothèque - musée de l’Opéra de Paris.
En soulevant ainsi le rideau de scène, le visiteur pourra découvrir un monde qui, d’habitude, n'est réservé qu'aux professionnels du spectacle, celui des coulisses. Comprendre le fonctionnement de la machinerie d'un théâtre, le mouvement des décors (dont le changement de ceux placés sur une tournette), les trucages et les astuces permettant de faire apparaître ou surgir un décor, un accessoire ou un comédien, la technique du "fantôme", l'utilité des trappes, etc., sera ainsi possible grâce à un parcours de vitrines animées remarquablement scénographié par Alain Batifoulier et Simon de Tovar. Après "l'envers du décor", le "spectateur" terminera son voyage par une plongée dans les "dessous" du plateau où il sera alors prêt à monter sur scène ou à y disparaître… tel le fantôme de l’Opéra.

La réunion des œuvres majeures de cette exposition a été réalisée par Catherine Join-Diéterle, passée maître ès-décors pour cette riche et passionnante époque de l’histoire théâtrale qu’est le XIXe siècle. Par tradition familiale comme par amour de la recherche, après avoir consacré sa thèse à ces magiciens de l’illusion que furent Isabey, Cicéri, Séchan, Diéterle, elle a organisé sa sélection minutieusement pour conduire le visiteur dans ce monde enchanté de la scène et du hors scène.

L’atelier des décors de l’Opéra aux Menus-Plaisirs (rue Richer), vers 1840 © BnF Bibliothèque - musée de l’Opéra de Paris.
L’atelier des décors de l’Opéra aux Menus-Plaisirs (rue Richer), vers 1840 © BnF Bibliothèque - musée de l’Opéra de Paris.
Afin de rendre le parcours plus attractif et ludique, elle s'est attaché la collaboration d'Alain Batifoulier et de Simon de Tovar, scénographes, qui ont conçu huit vitrines mécanisées contenant chacune un célèbre décor reconstitué :
• L’incendie dans "Le Siège de Corinthe", tragédie lyrique d’Alexandre Soumet et Giuseppe-Luigi Balocchi ;
• Le cloître dans "Robert le Diable", opéra de Giacomo Meyerbeer ;
• Le fameux escalier du décor du dernier acte de "Chatterton", pièce d’Alfred de Vigny ;
• La forêt enchantée dans "La Sylphide", ballet de Filippo Taglioni ;
• Le temple de Vulcain dans "Aïda", opéra de Giuseppe Verdi ;
• L’écroulement du temple dans "Samson et Dalila", opéra de Camille Saint-Saëns ;
• La place de Constance dans "La Juive", opéra de Jacques Fromental Halévy ;
• Le tombeau de Charlemagne dans "Hernani", pièce de Victor Hugo.

En complément de ces reconstitutions de décors, des éléments de machinerie articulés et projetés expliquent mieux que tout discours le fonctionnement du théâtre. On peut, par exemple, découvrir ici les trappes anglaises et les cabestans, là les changements à vue et les effets lumineux… En plus de l'observation, des boîtes - réalisées par les services techniques de la Comédie-Française et de l’Opéra national de Bordeaux - permettent d'effectuer réellement la manipulation de la machinerie théâtrale.

Parallèlement à tous ces éléments, de magnifiques dessins, aquarelles, huiles, esquisses de décors (datant du XIXe siècle), accompagnées de théâtres miniatures et de quelques maquettes en trois dimensions sont exposés. On peut notamment admirer la maquette construite du "Vieux Paris" (tableau 2 de l’acte V) des "Huguenots", opéra de Meyerbeer, une des œuvres symboliques du "grand opéra" - ou opéra historique - qui naquit au XIXe siècle et triompha partout en Europe.

Un intérêt nouveau pour la scénographie au XIXe siècle

Trappe ascendante en étoile dite trappe anglaise © Illustration Georges Moynet, dans l’ouvrage "Trucs et décors".
Trappe ascendante en étoile dite trappe anglaise © Illustration Georges Moynet, dans l’ouvrage "Trucs et décors".
La réunion de ces divers éléments illustre l’importance prise par la scénographie au XIXe siècle à la Comédie-Française et à l’Opéra de Paris. Ces grands théâtres institutionnels ne craignirent plus alors d’adopter les trucages, souvent conçus pour les spectacles de fééries représentés sur les scènes qualifiées alors de secondaires, inventions à grands effets qui, au début du siècle, étaient jugées indignes des scènes prestigieuses. Ces scénographies nouvelles ont indéniablement été au service d’une révolution, celle de genres nouveaux : le drame, l’opéra historique, le ballet romantique. Ces derniers démodèrent la tragédie parlée et lyrique qui était en vogue jusque-là.

L’exposition met également en avant l’évolution de la sensibilité et l'importance que l'image va prendre dans le théâtre, préfigurant le statut de "l'image reine" dans les techniques nouvelles "révolutionnaires" qui vont naître : le cinéma puis la télévision. Ce développement visuel, technique, voire féérique et magique - George Méliès est déjà là avec son Théâtre Robert Houdin acquis en 1888 -, côtoie les noms des auteurs les plus célèbres de la littérature française, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alfred de Musset… ainsi que ceux d’Eugène Scribe et de Casimir Delavigne, grands artisans de la scène. Quant à ces illustres compositeurs, de Gioacchino Rossini à Giuseppe Verdi en passant par Giacomo Meyerbeer, Jacques-Fromental Halévy et Charles Gounod, ils ont fait du grand opéra français un genre apprécié dans toute l’Europe du XIXe siècle.

La centaine de magnifiques esquisses et maquettes exposées fait découvrir les peintres décorateurs, fondateurs de dynasties couvrant tout le siècle, et aussi réunis en ateliers, particularités qui furent à l’origine de la pérennité de leur style artistique. Cicéri, célèbre auteur de paysages romantiques, contribue avec Daguerre, passionné d’éclairage et futur inventeur de la photographie, à donner à la couleur locale une place importante. Cicéri règne sans partage jusqu’au début de la monarchie de Juillet, avant d’entrer en concurrence avec ses anciens élèves, tels Séchan et Cambon, spécialistes de la vraisemblance historique et des évocations d’architectures anciennes.

À partir de 1850, de nouveaux décorateurs comme Thierry, Lavastre, Carpezat, Chaperon, etc., innovent en donnant une vision plus réaliste du monde environnant. C'est aussi cela que nous montre et nous fait comprendre "L'envers du décor" : la naissance d'une scénographie moderne qui connaîtra un essor fulgurant, stimulé par l'apparition du cinématographe.

"L'envers du décor à la Comédie Française et à l'Opéra de Paris au XIXe siècle"

Détail de l'affiche de l'expo "L'envers du décor" © DR.
Détail de l'affiche de l'expo "L'envers du décor" © DR.
Commissaire : Catherine Join-Diéterle, Conservateur général honoraire des musées de la Ville de Paris.
Scénographes : Alain Batifoulier, Simon de Tovar.
Du 28 janvier au 20 mai 2012.
Ouvert du lundi au dimanche de 10 h à 18 h.
Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie.
Quartier Villars, Route de Montilly, Moulins (03), 04 70 20 76 20.
>> cncs.fr

Cette exposition a été réalisée grâce aux prêts de la Bibliothèque nationale de France (Bibliothèque - Musée de l’Opéra, Département des Arts du spectacle), de la Bibliothèque - Musée de la Comédie-Française, des Maisons Victor Hugo, de l’Opéra national de Bordeaux et de collectionneurs.

Gil Chauveau
Vendredi 27 Janvier 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024