La naissance d'un nouvel opéra… © Natalie Elodie Agomeri.
Notre voyage lyrique nous emmène d'abord au Foyer Montserrat Caballé où le baryton suisse Richard Rittelmann donne un récital consacré aux "Prologues et Épilogues dans l'Opéra" (1). Accompagné par le talentueux pianiste Sébastien Driant, le chanteur nous propose d'entrer dans la psyché (entre comédie et drame) de personnages issus d'univers très variés, de Poulenc à Massenet en passant par ceux de Donizetti et Leoncavallo - entre autres.
Le tempérament singulièrement expressif du baryton peut donner toute sa mesure dans l'air du Directeur de troupe des "Mamelles de Tirésias" (Poulenc) comme dans celui du mystérieux Narrateur de "The Turn of Screw" (Britten). Timbre solaire et souplesse de son instrument lui permettent de remporter un beau succès tant dans l'air du brigadier Morales au début de "Carmen" ("Attention, chut, taisons-nous, voici venir le vieil époux", hélas la plupart du temps coupé à la scène) que dans le "Bella siccome un angelo" (de "Don Pasquale") en campant un Malatesta matois à l'abattage réjouissant.
Inquiétant et retors Conseiller Lindorf dans l'acte un des "Contes d'Hoffmann" (Offenbach), Richard Rittelmann donne au Tonio du prologue de "I Pagliacci" (Leoncavallo) toute la profondeur torturée du bouffon "Si puo, Signore, Signori". Sensible et rêveur Quichotte (dans M. de Falla), le baryton excelle aussi à camper un Sancho Pança émouvant prompt à défendre avec noblesse et héroïsme son maître outragé ("Don Quichotte" de Massenet).
Le tempérament singulièrement expressif du baryton peut donner toute sa mesure dans l'air du Directeur de troupe des "Mamelles de Tirésias" (Poulenc) comme dans celui du mystérieux Narrateur de "The Turn of Screw" (Britten). Timbre solaire et souplesse de son instrument lui permettent de remporter un beau succès tant dans l'air du brigadier Morales au début de "Carmen" ("Attention, chut, taisons-nous, voici venir le vieil époux", hélas la plupart du temps coupé à la scène) que dans le "Bella siccome un angelo" (de "Don Pasquale") en campant un Malatesta matois à l'abattage réjouissant.
Inquiétant et retors Conseiller Lindorf dans l'acte un des "Contes d'Hoffmann" (Offenbach), Richard Rittelmann donne au Tonio du prologue de "I Pagliacci" (Leoncavallo) toute la profondeur torturée du bouffon "Si puo, Signore, Signori". Sensible et rêveur Quichotte (dans M. de Falla), le baryton excelle aussi à camper un Sancho Pança émouvant prompt à défendre avec noblesse et héroïsme son maître outragé ("Don Quichotte" de Massenet).
Sébastien Driant et Richard Rittelmann © Natalie Elodie Agomeri.
Impossible de ne pas être touché par son air "Vous commettez tous un acte épouvantable", servi par un engagement et une ligne vocale sans faille. Le sourire revient avec le célébrissime air de Figaro du "Barbier de Séville" vraiment "di qualità" et un "Granada" - extrait de l'opérette "La Caravelle d'Or" - aux couleurs lumineuses.
Après le concert, le baryton se fait cicerone et nous emmène à l'Espace Diakosmie (l'annexe de l'opéra) où se font les premières répétitions du "Barbier de Séville" - que dirigera finalement Guillermo Garcia Calvo en remplacement du chef Giampaolo Bisanti. Il s'agit de répéter ce jour-là le début de l'opéra qui voit Fiorello (incarné par Richard Rittelmann ; écoutez ci-dessous ses impressions) organiser, avec moult difficultés, la sérénade du Comte Almaviva (Daniele Zanfardino) avec ses mercenaires. C'est l'occasion d'interroger le metteur en scène Federico Grazzini sur sa lecture de l'opéra.
Christine Ducq - Quelle est votre vision de l'opéra ?
Federico Grazzini - Le "Barbier de Séville" est pour moi un chef-d'œuvre parce que Rossini a réussi à intégrer l'élément comique non seulement dans l'action mais aussi dans la musique. C'est aussi un défi puisqu'il requiert de très bons chanteurs au réel talent d'acteur. Musique et action sont en constant dialogue et demandent beaucoup de précision y compris pour la mise en scène - puisque de nombreuses péripéties s'enchaînent à un rythme effréné.
Après le concert, le baryton se fait cicerone et nous emmène à l'Espace Diakosmie (l'annexe de l'opéra) où se font les premières répétitions du "Barbier de Séville" - que dirigera finalement Guillermo Garcia Calvo en remplacement du chef Giampaolo Bisanti. Il s'agit de répéter ce jour-là le début de l'opéra qui voit Fiorello (incarné par Richard Rittelmann ; écoutez ci-dessous ses impressions) organiser, avec moult difficultés, la sérénade du Comte Almaviva (Daniele Zanfardino) avec ses mercenaires. C'est l'occasion d'interroger le metteur en scène Federico Grazzini sur sa lecture de l'opéra.
Christine Ducq - Quelle est votre vision de l'opéra ?
Federico Grazzini - Le "Barbier de Séville" est pour moi un chef-d'œuvre parce que Rossini a réussi à intégrer l'élément comique non seulement dans l'action mais aussi dans la musique. C'est aussi un défi puisqu'il requiert de très bons chanteurs au réel talent d'acteur. Musique et action sont en constant dialogue et demandent beaucoup de précision y compris pour la mise en scène - puisque de nombreuses péripéties s'enchaînent à un rythme effréné.
Federico Grazzini © DR.
Je trouve en outre intéressant l'élément irrationnel qui bouleverse la vie rangée et bourgeoise de Bartolo. Il est des forces au monde plus puissantes que l'avidité de Bartolo (qui désire uniquement la dot de Rosine en la soustrayant au monde). Fantaisie intense, coups de théâtre et absurde gouvernent cette histoire d'amour (entre le Comte et Rosine, NDLR).
Vous avez fait le choix de la transposition de l'intrigue dans l'Amérique des années cinquante. Pourquoi ?
Federico Grazzini - Nous avons situé l'intrigue dans une Séville de l'Ohio de l'après-guerre afin que cette histoire puisse parler au public d'aujourd'hui. Notre lecture du "Barbier" se développe sur deux niveaux, social et méta-théâtral. L'ancrage dans les années cinquante fournit une juste distance (géographique et historique) pour le spectateur qui pourra y reconnaître des types sociaux et en rire. Dans le monde égoïste et despotique de Bartolo, il est possible de trouver des similitudes avec les valeurs authentiquement bourgeoises du rêve américain : individualisme, matérialisme, cultes de l'argent et de l'apparence. J'utilise cependant ce contexte très librement en m'inspirant du patrimoine iconographique de cette période. Et ce, afin de rendre plus lisibles les dynamiques de l'œuvre - qui sinon pourrait apparaître vieillotte et vide de sens aujourd'hui.
Comment voyez-vous les personnages ?
Federico Grazzini - Nous avons fait de Figaro un barbier mais aussi un jardinier, un plombier, un mécanicien, un pharmacien… Bref, un véritable homme du peuple. Il fait tous les métiers - même s'il n'est pas toujours compétent. Cela participe de sa dimension comique. Pour moi il n'est pas un simple "factotum" mais un super factotum ! Un personnage qui doit tellement mettre la main à la pâte en tous lieux qu'il sort de la convention narrative. Il fait partie de la narration et joue avec elle.
Vous avez fait le choix de la transposition de l'intrigue dans l'Amérique des années cinquante. Pourquoi ?
Federico Grazzini - Nous avons situé l'intrigue dans une Séville de l'Ohio de l'après-guerre afin que cette histoire puisse parler au public d'aujourd'hui. Notre lecture du "Barbier" se développe sur deux niveaux, social et méta-théâtral. L'ancrage dans les années cinquante fournit une juste distance (géographique et historique) pour le spectateur qui pourra y reconnaître des types sociaux et en rire. Dans le monde égoïste et despotique de Bartolo, il est possible de trouver des similitudes avec les valeurs authentiquement bourgeoises du rêve américain : individualisme, matérialisme, cultes de l'argent et de l'apparence. J'utilise cependant ce contexte très librement en m'inspirant du patrimoine iconographique de cette période. Et ce, afin de rendre plus lisibles les dynamiques de l'œuvre - qui sinon pourrait apparaître vieillotte et vide de sens aujourd'hui.
Comment voyez-vous les personnages ?
Federico Grazzini - Nous avons fait de Figaro un barbier mais aussi un jardinier, un plombier, un mécanicien, un pharmacien… Bref, un véritable homme du peuple. Il fait tous les métiers - même s'il n'est pas toujours compétent. Cela participe de sa dimension comique. Pour moi il n'est pas un simple "factotum" mais un super factotum ! Un personnage qui doit tellement mettre la main à la pâte en tous lieux qu'il sort de la convention narrative. Il fait partie de la narration et joue avec elle.
Almaviva est le vrai protagoniste de l'opéra - et non Figaro. Nous lui avons restitué sa première place. Dans ma version, il devient le fils d'un puissant homme politique. Ce qui permet de justifier, dans cette relecture moderne, non seulement sa richesse et son arrogance mais aussi son influence sur les forces de l'ordre. Fiorello est un serviteur sournois, motivé comme tant d'autres dans l'opéra par l'amour du "metallo portentoso" - l'argent. Son aspect comique réside dans le fait qu'il s'acharne en vrai perfectionniste à organiser la sérénade. Le public s‘amuse évidemment de le voir rater son coup.
Rosine quant à elle est une jeune fille pleine d'astuces, prête à tout pour se libérer de l'emprise de Bartolo. C'est une adolescente rebelle dotée d'un vrai sens critique et capable de proposer des solutions à Almaviva et Figaro pour dénouer les problèmes. L'intelligence des femmes l'emporte sur celle des hommes dans ce récit.
Propos aimablement traduits de l'italien par Richard Rittelmann. Avec nos remerciements
(1) Reportage audio : Une journée à l'Opéra de Nice avec Richard Rittelmann (8 minutes) environ).
>> À écouter ci-dessous
Rosine quant à elle est une jeune fille pleine d'astuces, prête à tout pour se libérer de l'emprise de Bartolo. C'est une adolescente rebelle dotée d'un vrai sens critique et capable de proposer des solutions à Almaviva et Figaro pour dénouer les problèmes. L'intelligence des femmes l'emporte sur celle des hommes dans ce récit.
Propos aimablement traduits de l'italien par Richard Rittelmann. Avec nos remerciements
(1) Reportage audio : Une journée à l'Opéra de Nice avec Richard Rittelmann (8 minutes) environ).
>> À écouter ci-dessous
Répétition à l'Opéra de Nice © Christine Ducq.
Mercredi 24, vendredi 26 février 2016 à 20 h, dimanche 28 février 2016 à 15 h et mardi 1er mars 2016 à 20 h.
Opéra de Nice, 4-6 rue Saint-François de Paule, Nice (06).
Tél. : 04 92 17 40 00.
>> opera-nice.org
"Il Barbiere di Siviglia" (1816).
Opera buffa en deux actes.
Musique de Gioachino Rossini.
Livret de Cesare Sterbini.
En langue italienne surtitrée en français.
Durée : 3 heures avec entracte.
Guillermo Garcia Calvo, direction musicale.
Federico Grazzini, mise en scène.
Andrea Belli, décors.
Valeria Donata Bettella, costumes.
Bernard Barbero, lumières.
Daniele Zanfardino, Le Comte Almaviva.
Alfonso Antoniozzi, Bartolo.
Ketevan Kemoklidze, Rosine.
Mattia Olivieri, Figaro.
Marco Vinco, Basilio.
Sophie Fournier, Berta.
Richard Rittelmann, Fiorello.
Orchestre Philharmonique de Nice.
Chœur de l'Opéra de Nice.
Opéra de Nice, 4-6 rue Saint-François de Paule, Nice (06).
Tél. : 04 92 17 40 00.
>> opera-nice.org
"Il Barbiere di Siviglia" (1816).
Opera buffa en deux actes.
Musique de Gioachino Rossini.
Livret de Cesare Sterbini.
En langue italienne surtitrée en français.
Durée : 3 heures avec entracte.
Guillermo Garcia Calvo, direction musicale.
Federico Grazzini, mise en scène.
Andrea Belli, décors.
Valeria Donata Bettella, costumes.
Bernard Barbero, lumières.
Daniele Zanfardino, Le Comte Almaviva.
Alfonso Antoniozzi, Bartolo.
Ketevan Kemoklidze, Rosine.
Mattia Olivieri, Figaro.
Marco Vinco, Basilio.
Sophie Fournier, Berta.
Richard Rittelmann, Fiorello.
Orchestre Philharmonique de Nice.
Chœur de l'Opéra de Nice.