Ludovic Coquin et Jeff Esperansa © Claire Besse
Si parfois on a pu s’interroger sur la qualité de certaines pièces jouées au Théâtre du Nord-Ouest, il est rare que le travail de Nicole Gros ne soit pas applaudi. Cette comédienne et metteuse en scène, permanente au Nord-Ouest, y monte un à deux spectacles par an. Après un Labiche, la saison dernière, elle a cette fois choisi un sujet beaucoup plus grave : observer l’ostracisme sous sa forme la plus ordinaire qui soit, à savoir l’homosexualité. Identifier le racisme à travers le rejet d’un peuple ou d’une religion est aujourd’hui chose acquise et même devenu un poncif auquel plus grand monde n’ose se frotter. Cependant, considérer toute forme d’exclusion, – y compris l’homosexualité – comme un acte "raciste", n’est pas encore une idée tout à fait acquise.
Pourtant, lorsque Martin Sperr écrit cette pièce, qu'il situe deux ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la comparaison est nette. Abram (le prénom n’est pas sans rappeler celui du premier patriarche biblique) jeune mécanicien de vingt ans, revient chez sa mère qui habite un village de Bavière. Elle rejette son fils et le chasse de chez elle, parce qu’elle ne peut supporter l’idée qu’il soit homosexuel. Il est obligé d’aller habiter chez une voisine du village, qui accepte de le loger. Mais bientôt les commérages (colportés en partie par sa propre mère) empoisonnent l’atmosphère : on dit qu’Abram a été en prison à cause de ses penchants sexuels. Les persécutions commencent par des quolibets et des remarques perfides, jusqu’au jour où on le surprend avec l’idiot du village, dans un moment de tendresse. Quand Abram veut fuir, il est déjà trop tard. Commence alors une chasse à l’homme.
La grande qualité de cette mise en scène est d’avoir pensé la scénographie de manière aussi réaliste que l’aurait fait un Fassbinder (la lenteur en moins). Il faut dire que la grande salle du sous-sol du Nord-Ouest (sorte de cave voûtée et un peu poussiéreuse) plonge déjà le spectateur dans une atmosphère propice à la pièce. Sans trop se forcer, on y respire la poussière du village et ses cancans à la sortie de l’église le dimanche, ainsi que les effluves bien grasses d’une boucherie en pleine préparation de sa tripaille. Très vite, le ton est donné. Ce sera celui d’un tableau naturaliste saisissant. L’émotion ne nous quittera plus jusqu’à la fin de la pièce.
Nicole Gros n’a donc ni besoin de décor ni de beaucoup d’accessoires pour nous enfermer dans cette ambiance ouatée et parfois quasi étouffante. Beaucoup de talent et une pointe d’imagination suffiront. À commencer par l’utilisation pleine de l’espace scénique : des entrées et sorties à plusieurs endroits du plateau, la multiplication d’un jeu hors scène (les rires et les commérages que l’on entend mais que l’on ne voit pas). Puis, le beau travail réalisé sur la lumière, notamment au moment le plus angoissant de la pièce : la chasse à l’homme, orchestrée par les villageois, pendant la nuit. Plongés dans un noir total, on peut y entendre le souffle haletant d’Abram passer derrière nous, entrapercevoir la faible lumière des lampes tempêtes, qui se balancent de droite à gauche au rythme infernal de la traque. Enfin, le soin apporté au décor sonore (les cloches de l’église par exemple) permet de plonger rapidement le spectateur dans l’atmosphère du village. On se croirait revenu dans ces bourgades d’après guerre, qui portent les stigmates de la délation sur le front de ses villageois. Nous ne sommes pas non plus si éloignés du film de Peter Fleischmann, tourné peu après la sortie du livre de Martin Sperr.
Parmi les comédiens, figure Marie-Véronique Raban (qu’on avait moins aimé dans le rôle de Norine dans L’Affaire de la rue de Lourcine, la saison dernière) et qui, cette fois, est remarquable dans son interprétation de la mère d’Abram. Sa souffrance à n’avoir pas engendré un fils dit "normal", la violence de ses propos, l’impossibilité à souffrir les cancans, ainsi que l’émotion qu’elle dégage, forcent presque l’empathie du spectateur. L’autre réussite est le personnage de Rovo (Ludovic Coquin), le fou du village : l’œil hagard, les mains et les pieds crispés, recroquevillé sur lui-même, et l’esprit perdu dans des hauteurs inatteignables, le rendent particulièrement attachants.
Un bémol cependant concernant la Tonca (Isabelle Desalos), qui, même si elle est dotée d’une très belle énergie, a une tendance désagréable à ne pas assez articuler ses phrases. Erreur de jeunesse, l’on suppose, dommageable au théâtre. Quand au rôle principal, Jeff Esperansa (Abram) était cette fois-là un peu inégal, le ton parfois trop haut ou trop bas au début, ne dégageant pas assez d’émotion et n’arrivant pas toujours à se placer correctement. Mais dans l’ensemble, (nous ne pouvons évidemment citer les quatorze comédiens en scène) figure une belle direction d’acteurs, mis en scène de manière remarquable par Nicole Gros.
Par avance, nous la remercions d’avoir choisi ce texte. Au-delà de son contexte historique, le sujet n’en demeure pas moins éminemment moderne. Cette pièce, peu adaptée, méritait d’être remise au goût du jour.
Pourtant, lorsque Martin Sperr écrit cette pièce, qu'il situe deux ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la comparaison est nette. Abram (le prénom n’est pas sans rappeler celui du premier patriarche biblique) jeune mécanicien de vingt ans, revient chez sa mère qui habite un village de Bavière. Elle rejette son fils et le chasse de chez elle, parce qu’elle ne peut supporter l’idée qu’il soit homosexuel. Il est obligé d’aller habiter chez une voisine du village, qui accepte de le loger. Mais bientôt les commérages (colportés en partie par sa propre mère) empoisonnent l’atmosphère : on dit qu’Abram a été en prison à cause de ses penchants sexuels. Les persécutions commencent par des quolibets et des remarques perfides, jusqu’au jour où on le surprend avec l’idiot du village, dans un moment de tendresse. Quand Abram veut fuir, il est déjà trop tard. Commence alors une chasse à l’homme.
La grande qualité de cette mise en scène est d’avoir pensé la scénographie de manière aussi réaliste que l’aurait fait un Fassbinder (la lenteur en moins). Il faut dire que la grande salle du sous-sol du Nord-Ouest (sorte de cave voûtée et un peu poussiéreuse) plonge déjà le spectateur dans une atmosphère propice à la pièce. Sans trop se forcer, on y respire la poussière du village et ses cancans à la sortie de l’église le dimanche, ainsi que les effluves bien grasses d’une boucherie en pleine préparation de sa tripaille. Très vite, le ton est donné. Ce sera celui d’un tableau naturaliste saisissant. L’émotion ne nous quittera plus jusqu’à la fin de la pièce.
Nicole Gros n’a donc ni besoin de décor ni de beaucoup d’accessoires pour nous enfermer dans cette ambiance ouatée et parfois quasi étouffante. Beaucoup de talent et une pointe d’imagination suffiront. À commencer par l’utilisation pleine de l’espace scénique : des entrées et sorties à plusieurs endroits du plateau, la multiplication d’un jeu hors scène (les rires et les commérages que l’on entend mais que l’on ne voit pas). Puis, le beau travail réalisé sur la lumière, notamment au moment le plus angoissant de la pièce : la chasse à l’homme, orchestrée par les villageois, pendant la nuit. Plongés dans un noir total, on peut y entendre le souffle haletant d’Abram passer derrière nous, entrapercevoir la faible lumière des lampes tempêtes, qui se balancent de droite à gauche au rythme infernal de la traque. Enfin, le soin apporté au décor sonore (les cloches de l’église par exemple) permet de plonger rapidement le spectateur dans l’atmosphère du village. On se croirait revenu dans ces bourgades d’après guerre, qui portent les stigmates de la délation sur le front de ses villageois. Nous ne sommes pas non plus si éloignés du film de Peter Fleischmann, tourné peu après la sortie du livre de Martin Sperr.
Parmi les comédiens, figure Marie-Véronique Raban (qu’on avait moins aimé dans le rôle de Norine dans L’Affaire de la rue de Lourcine, la saison dernière) et qui, cette fois, est remarquable dans son interprétation de la mère d’Abram. Sa souffrance à n’avoir pas engendré un fils dit "normal", la violence de ses propos, l’impossibilité à souffrir les cancans, ainsi que l’émotion qu’elle dégage, forcent presque l’empathie du spectateur. L’autre réussite est le personnage de Rovo (Ludovic Coquin), le fou du village : l’œil hagard, les mains et les pieds crispés, recroquevillé sur lui-même, et l’esprit perdu dans des hauteurs inatteignables, le rendent particulièrement attachants.
Un bémol cependant concernant la Tonca (Isabelle Desalos), qui, même si elle est dotée d’une très belle énergie, a une tendance désagréable à ne pas assez articuler ses phrases. Erreur de jeunesse, l’on suppose, dommageable au théâtre. Quand au rôle principal, Jeff Esperansa (Abram) était cette fois-là un peu inégal, le ton parfois trop haut ou trop bas au début, ne dégageant pas assez d’émotion et n’arrivant pas toujours à se placer correctement. Mais dans l’ensemble, (nous ne pouvons évidemment citer les quatorze comédiens en scène) figure une belle direction d’acteurs, mis en scène de manière remarquable par Nicole Gros.
Par avance, nous la remercions d’avoir choisi ce texte. Au-delà de son contexte historique, le sujet n’en demeure pas moins éminemment moderne. Cette pièce, peu adaptée, méritait d’être remise au goût du jour.
"Scènes de Chasse en Bavière"
"Scènes de Chasse en Bavière" © Claire Besse
(Vu le 25 mai 2011)
Texte : Martin Sperr.
Traduction de Michel Dubois, chez L’Arche éditeur.
Mise en scène : Nicole Gros.
Avec : Muriel Adam, Laetitia Bertheuil, Guy Bourgeois, Gérard Cheylus, Jeanne Carre, Ludovic Coquin, Franck Delage, Isabelle Desalos, Jeff Esperansa, Jack Gallon, Julien Lifszyc, Jean Marzouk, Frédéric Morel, Marie-Véronique Raban, Stéphanie Truong.
Costumes : Frédéric MOREL
Lumière : Sylvain GIARDI
Conseiller musical : Philippe ARIOTTI
Actuellement, depuis le 27 avril 2011.
Spectacle : Durée 1 h 35.
Théâtre du Nord-Ouest, Paris 9e.
Métro : Grands Boulevards.
Tél. : 01 47 70 32 75, ou 01 42 23 71 57.
http://theatredunordouest.com/programme
Calendrier des représentations jusqu’à Juin 2011 :
Mercredi 27 avril à 20 h 45.
Mardi 3 mai à 19 h.
Vendredi 6 mai à 20 h 45.
Mardi 10 mai à 20 h 45.
Jeudi 12 mai à 20 h 45.
Samedi 14 mai à 21 h.
Dimanche 15 mai à 14 h 30.
Mercredi 18 mai à 20 h 45.
Jeudi 19 mai à 19 h.
Samedi 21 mai à 20 h 45.
Dimanche 22 mai à 14 h 30.
Mercredi 25 mai à 19 h.
Samedi 28 mai à 21 h.
Dimanche 29 mai à 17 h.
Jeudi 2 juin à 19 h.
Dimanche 5 juin à 17 h.
Mardi 7 juin à 20 h 45.
Mercredi 8 juin à 19 h.
Dimanche 12 juin à 14 h 30.
Mardi 14 juin à 19 h.
Mercredi 15 juin à 20 h 45.
Jeudi 16 mai à 20 h 45.
Dimanche 19 juin à 14 h 30.
Mardi 21 juin à 20 h 45.
Un 2ème calendrier de représentations (de fin août à fin décembre) sera disponible fin juin.
Texte : Martin Sperr.
Traduction de Michel Dubois, chez L’Arche éditeur.
Mise en scène : Nicole Gros.
Avec : Muriel Adam, Laetitia Bertheuil, Guy Bourgeois, Gérard Cheylus, Jeanne Carre, Ludovic Coquin, Franck Delage, Isabelle Desalos, Jeff Esperansa, Jack Gallon, Julien Lifszyc, Jean Marzouk, Frédéric Morel, Marie-Véronique Raban, Stéphanie Truong.
Costumes : Frédéric MOREL
Lumière : Sylvain GIARDI
Conseiller musical : Philippe ARIOTTI
Actuellement, depuis le 27 avril 2011.
Spectacle : Durée 1 h 35.
Théâtre du Nord-Ouest, Paris 9e.
Métro : Grands Boulevards.
Tél. : 01 47 70 32 75, ou 01 42 23 71 57.
http://theatredunordouest.com/programme
Calendrier des représentations jusqu’à Juin 2011 :
Mercredi 27 avril à 20 h 45.
Mardi 3 mai à 19 h.
Vendredi 6 mai à 20 h 45.
Mardi 10 mai à 20 h 45.
Jeudi 12 mai à 20 h 45.
Samedi 14 mai à 21 h.
Dimanche 15 mai à 14 h 30.
Mercredi 18 mai à 20 h 45.
Jeudi 19 mai à 19 h.
Samedi 21 mai à 20 h 45.
Dimanche 22 mai à 14 h 30.
Mercredi 25 mai à 19 h.
Samedi 28 mai à 21 h.
Dimanche 29 mai à 17 h.
Jeudi 2 juin à 19 h.
Dimanche 5 juin à 17 h.
Mardi 7 juin à 20 h 45.
Mercredi 8 juin à 19 h.
Dimanche 12 juin à 14 h 30.
Mardi 14 juin à 19 h.
Mercredi 15 juin à 20 h 45.
Jeudi 16 mai à 20 h 45.
Dimanche 19 juin à 14 h 30.
Mardi 21 juin à 20 h 45.
Un 2ème calendrier de représentations (de fin août à fin décembre) sera disponible fin juin.