© F. Desmesure.
Ce "monument" élevé au "rêve de l'amour", comme l'appelait Wagner lui-même dans une lettre à Franz Liszt, nécessitant un orchestre abondant, c'est à l'Auditorium (et sa grande fosse) que ce "Tristan" est donné. Ce qui complique éminemment la tâche du metteur en scène. C'est à Giuseppe Frigeni, l'ancien chorégraphe et collaborateur de Bob Wilson, que revient le mérite de nous proposer une mise en scène stylisée, poétique et intelligente, exploitant toutes les ressources d'un espace à priori peu propice à ce drame nocturne et enivrant. Les personnages parfois (sauf Tristan et Isolde prisonniers de leur passion et de la scène) et le chœur de marins chanteront ainsi des premier et deuxième étages.
Sculptant l'espace avec ses très belles lumières changeantes et instables (comme la partition et son continuum orchestral), plongeant souvent la scène dans ces "rafraichissantes ténèbres" qu'appelait aussi Baudelaire de ses vœux, Frigeni nous rappelle heureusement que cet opéra est avant tout un théâtre mental avec ses climats extatiques et son esprit océanique. Un plan incliné passant du bleu au mauve au rose et ainsi de suite surplombe une scène sobre avec son plancher et ses sept hublots disposés en U autour d'un couloir-sas. D'un acte à l'autre seront glissés divers éléments : une sorte d'autel pour la scène du philtre, une forêt symbolique au II, un lit-tombeau au III. Intérêt puissant de ces choix : nous nous concentrons sur les chanteurs et la musique - ce qui devrait toujours s'imposer pour le "Tristan".
Sculptant l'espace avec ses très belles lumières changeantes et instables (comme la partition et son continuum orchestral), plongeant souvent la scène dans ces "rafraichissantes ténèbres" qu'appelait aussi Baudelaire de ses vœux, Frigeni nous rappelle heureusement que cet opéra est avant tout un théâtre mental avec ses climats extatiques et son esprit océanique. Un plan incliné passant du bleu au mauve au rose et ainsi de suite surplombe une scène sobre avec son plancher et ses sept hublots disposés en U autour d'un couloir-sas. D'un acte à l'autre seront glissés divers éléments : une sorte d'autel pour la scène du philtre, une forêt symbolique au II, un lit-tombeau au III. Intérêt puissant de ces choix : nous nous concentrons sur les chanteurs et la musique - ce qui devrait toujours s'imposer pour le "Tristan".
© F. Desmesure.
Mise en scène atemporelle donc et dans laquelle Giuseppe Frigeni ne renonce pas à s'emparer du mythe avec les poses des personnages venues des temps de la féodalité, certains détails des costumes, les robes d'Isolde et de Brangäne et ce curieux et beau manteau du Roi Marc tout droit sorti d'un Klimt.
Sur le plateau, la distribution est somptueuse. On retrouve la soprano vraiment wagnérienne Alwyn Mellor et sa voix d'airain (trop diront certains). Son incarnation vocale du rôle toute de métal sombre fait d'Isolde une sœur de Brünnhilde - rôle dans laquelle nous l'avons entendue à Paris en 2013. La puissance de ses moyens oblitère quelque peu, c'est vrai, la sensibilité du personnage. Mais elle demeure une Isolde de haut vol. La mezzo Janina Baechle est une Brangäne de luxe à la vocalité là encore solide et éclatante qui sait nous émouvoir "Solitaire je reste, dans la nuit où je veille…".
Le baryton canadien Brett Polegato est un Kurwenal raffiné. La très belle basse Nicolas Courjal impressionne en chantant un König Marke subtil et nuancé dont la déploration à la fin de l'acte II nous restera longtemps en mémoire. La révélation, c'est le ténor américain Erin Caves - remplaçant presque au pied levé Christian Voigt souffrant. Il fait magnifiquement ses débuts à Bordeaux en créant un Tristan déchiré et déchirant. Sa voix suave, son sens élégant du phrasé et de la nuance nous transportent aux confins du bonheur, tant dans le duo d'amour du II que dans le redoutable acte III. Emportements, accablements, élans lyriques et souffrances de la blessure, tout est très beau, tout semble bien issu du "Royaume de l'universelle Nuit" wagnérienne.
Sur le plateau, la distribution est somptueuse. On retrouve la soprano vraiment wagnérienne Alwyn Mellor et sa voix d'airain (trop diront certains). Son incarnation vocale du rôle toute de métal sombre fait d'Isolde une sœur de Brünnhilde - rôle dans laquelle nous l'avons entendue à Paris en 2013. La puissance de ses moyens oblitère quelque peu, c'est vrai, la sensibilité du personnage. Mais elle demeure une Isolde de haut vol. La mezzo Janina Baechle est une Brangäne de luxe à la vocalité là encore solide et éclatante qui sait nous émouvoir "Solitaire je reste, dans la nuit où je veille…".
Le baryton canadien Brett Polegato est un Kurwenal raffiné. La très belle basse Nicolas Courjal impressionne en chantant un König Marke subtil et nuancé dont la déploration à la fin de l'acte II nous restera longtemps en mémoire. La révélation, c'est le ténor américain Erin Caves - remplaçant presque au pied levé Christian Voigt souffrant. Il fait magnifiquement ses débuts à Bordeaux en créant un Tristan déchiré et déchirant. Sa voix suave, son sens élégant du phrasé et de la nuance nous transportent aux confins du bonheur, tant dans le duo d'amour du II que dans le redoutable acte III. Emportements, accablements, élans lyriques et souffrances de la blessure, tout est très beau, tout semble bien issu du "Royaume de l'universelle Nuit" wagnérienne.
© F. Desmesure.
Enfin, Paul Daniel et l'Orchestre national Bordeaux-Aquitaine servent magistralement le chef-d'œuvre en lui rendant sa noirceur, son caractère vénéneux, sa tension érotique et spirituelle. Une interprétation parfaitement réussie où tous les pupitres et solos excellent. Ils permettent de nous laisser aller à "ce sentiment étrange de planer" dont parlait Adorno à propos du drame wagnérien. Quatre heures trop courtes - si ce n'était un public un peu trop agité (du moins autour de moi) qui n'avait pas l'air de comprendre ce soir de première qu'on se trouvait dans un lieu de culte !
Spectacle vu le 26 mars 2015.
Prochaines dates : dimanche 29 mars à 15 h, mercredi 1er, samedi 4, mardi 7 avril à 19 h.
Auditorium de Bordeaux, 05 56 00 85 95.
9-13, cours Clémenceau, Bordeaux (33).
>> opera-bordeaux.com
Spectacle vu le 26 mars 2015.
Prochaines dates : dimanche 29 mars à 15 h, mercredi 1er, samedi 4, mardi 7 avril à 19 h.
Auditorium de Bordeaux, 05 56 00 85 95.
9-13, cours Clémenceau, Bordeaux (33).
>> opera-bordeaux.com
© F. Desmesure.
"Tristan und Isolde" (1865).
Drame musical en trois actes.
Livret et musique de Richard Wagner (1813-1883).
En langue allemande surtitrée français.
Durée : 4 h 50 (avec entractes).
Paul Daniel, direction musicale.
Giuseppe Frigeni, mise en scène, scénographie, lumières.
Lili Kendaka, costumes.
Clovis Bonnaud, assistant à la mise en scène.
Erin Caves, Tristan.
Nicolas Courjal, König Marke.
Alwyn Mellor, Isolde.
Brett Polegato, Kurwenal.
Drame musical en trois actes.
Livret et musique de Richard Wagner (1813-1883).
En langue allemande surtitrée français.
Durée : 4 h 50 (avec entractes).
Paul Daniel, direction musicale.
Giuseppe Frigeni, mise en scène, scénographie, lumières.
Lili Kendaka, costumes.
Clovis Bonnaud, assistant à la mise en scène.
Erin Caves, Tristan.
Nicolas Courjal, König Marke.
Alwyn Mellor, Isolde.
Brett Polegato, Kurwenal.
© F. Desmesure.
Guillaume Antoine, Melot.
Janina Baechle, Brangäne.
Simon Bode, Ein Hirt, Eines Jungen Seemans.
Jean-Marc Bonicel, Ein Steuermann.
Orchestre national Bordeaux-Aquitaine.
Chœur d'Hommes de l'Opéra national de Bordeaux.
Salvatore Caputo, Chef de chœur.
Janina Baechle, Brangäne.
Simon Bode, Ein Hirt, Eines Jungen Seemans.
Jean-Marc Bonicel, Ein Steuermann.
Orchestre national Bordeaux-Aquitaine.
Chœur d'Hommes de l'Opéra national de Bordeaux.
Salvatore Caputo, Chef de chœur.