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"Traverse !", une fenêtre grande ouverte sur les arts de la parole

Voici la deuxième édition du festival "Traverse !" qui vient de succéder à 20 ans de "Contes en Chemin". Une édition qui voit le jour in extremis puisqu'elle devait initialement avoir lieu début juin, annulée pour cause d'épidémie pour être finalement repoussée en cette fin d'été.



Nicolas Bonneau et Fannytastic © Michel Hartman.
Nicolas Bonneau, directeur artistique, et sa compagnie la Volige ont guerroyé contre les événements et louvoyé entre les différentes directives de santé publique pour qu'ait lieu cette édition : l'autorisation préfectorale n'est tombée que 3 jours avant le début des festivités ! Il a fallu faire preuve d'une sacrée dose d'optimisme et d'une volonté enthousiaste à toute l'équipe de professionnels et de bénévoles (plus de 60 bénévoles participent à cet événement) pour mettre sur pied cette nouvelle édition des arts de la parole.

Pour se plier aux normes, la programmation et l'organisation même du festival ont dû être revues en grande partie : moins de gros spectacles, plus d'itinérance dans les communes, des spectacles en plein air et une souplesse démultipliée pour les installations provisoires qu'il faut chaque jour déménager d'un lieu à l'autre, aller de ville en ville, de village en village, comme troubadours ou théâtre de tréteaux.

Une programmation dont la colonne vertébrale est le théâtre-récit et le conte, mais qui ne s'empêche pas des escapades dans la musique, la chanson ou l'improvisation. Chaque jour propose différents événements qui débutent le midi avec un "déjeuner chez l'habitant" précédé par l'intervention d'un ou deux artistes pour une présentation des spectacles, des lectures, des extraits. Puis, chaque soir à 19 h 30, les Transversales présentent un plateau de conteurs avant le spectacle de fin de soirée.

"Ma famille" © Michel Hartman.
Nicolas Bonneau n'a pas été choisi par hasard pour prendre la tête de ce festival et le redynamiser. Porteur d'un véritable projet de renouveau avec sa compagnie la Volige, il travaille depuis le début de sa carrière dans le domaine du conte et du récit. Il est, le plus souvent, auteur de ses propres textes et interprète. Des spectacles couramment inspirés par notre époque et les combats sociaux qui la traversent, à commencer par "Sortie d'usine", "Village toxique", "Qui va garder les enfants ?". Un travail très personnel sur l'art du conte qui s'habille de théâtralité et s'affranchit du répertoire pour transformer notre monde en histoires et donner ainsi du sens à la réalité en la transcendant.

C'est un ancien lavoir qui accueille le spectacle de la troisième soirée du festival : "Juste une trace", de et avec Amélie Armao. Éclairages à la bougie, clapotis d'eau et aboiements de chiens dans la nuit alentour nous plongent immédiatement dans l'ambiance du siècle dernier, des siècles derniers, quand les femmes venaient rincer le linge ici, loin du village et où la parole faisait courir les histoires étranges et les contes merveilleux.

Le public, au jeu de cette écoute réactive provoquée par Amélie Armao, semble retomber dans les peurs enjouées de l'enfance et écoute, réagit, ouvre de grands yeux sur de grandes bouches (que l'on devine sous les masques). La conteuse a recueilli dans les jours précédents des récits tombés des mémoires des anciens pour greffer son conte au lieu qui l'accueille. C'est un jeu de dialogue qui s'installe, entre patois et coutumes. Un spectacle qui reste dans un classicisme du conte traditionnel, chaleureux par son implantation dans ce décor qui répond au décor de l'histoire et naît d'une narration fragile dans la fraicheur de son adaptation au lieu.

Le spectacle du quatrième soir, qui a dû se réfugier dans la salle communale pour cause d'averses, tend davantage vers le théâtre-récit, voire la marionnette : "ma famille" de l'Uruguayen Carlos Liscano par la compagnie KF est un petit diamant aux crêtes acérées. Camille Kerdellant et Rozenn Fournier incarnent à elles deux tous les personnages de la pièce dans un dispositif à la fois simple et ingénieux : une simple table derrière laquelle elles prennent place et deux lampes de bureau qu'elles manipulent elles-mêmes tout au long de l'histoire, créant chaque fois les lieux du récit.

"Juste une trace" © Michel Hartman.
Un récit totalement porté par une création physique des personnages d'une précision extraordinaire. Toutes les gestuelles sont comme des mécaniques de précision, automates humains dont l'art s'approche du théâtre de marionnettes. Ce travail parfaitement adapté au fantastique du texte démultiplie ses aspects monstrueux et barbares tout en lui apportant la distance nécessaire pour déclencher les rires et la fascination.

Et tout au long du festival, chaque soir avant le spectacle à l'affiche, Les Transversales offrent au public attablé devant un verre ou un foué, un plateau de conteurs et les interventions musicales étincelantes de l'extraordinaire Fannytastic - sa voix au registre sans limite, relayée, démultipliée et mise en chœur à l'infini et en délicatesse par son séquenceur, soutenue par les notes modernes de son accordéon.

"Juste une trace", récit et jeu d'Amélie Armao, avec le soutien du département des Vosges et le FEADER.

"Ma Famille", texte de Carlos Liscano, interprétation de Camille Kerdellant et Rozenn Fournier.

"Les Transversales", avec Fannytastic, Amélie Armao, Nicolas Bonneau, Camille Dujour.
Michèle Bouhet et Jean-Jacques Epron lisent "Paroles de villages en Nouvelle Aquitaine", Geste Éditions.

Soutiens : Le Haut Val de Sèvre, La Nouvelle Aquitaine, La communauté de communes Haut Val de Sèvre.
>> festival-traverse.fr
La troisième édition de Traverse ! aura lieu début juin 2021.

Traverse !, Festival itinérant des arts de la parole en Haut Val de Sèvre (79).
A eu lieu du 24 août au 29 août 2020.

Voir aussi >> Traverse ! Deuxième édition maintenue en version adaptée et itinérante

Bruno Fougniès
Mardi 1 Septembre 2020
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