Pierre Rigal © Carmen Legros.
Avec Pierre Rigal, l'originalité et la surprise sont toujours frères créateurs dans ses spectacles. Face à un piano automatique qui joue de lui-même quelques œuvres de Bach (1685-1750), le défi artistique d'habiter un vide, un rien, une absence ou plutôt une présence, celle d'un musicien qui ne fait pas de musique, n'est pas de tout repos. Le lien entre instrument et interprète se pose et c'est dans ce rapport inversé où le premier est, ici, maître du second que les relations entre l'un et l'autre s'établissent et évoluent en prenant une tournure où le pianiste se doit d'exister en dehors de son outil artistique. C'est par ce contexte décalé que le spectacle débute.
Un descriptif succinct de la vie du protagoniste et de ce qui se joue sur scène est surtitré, à quelques moments, en arrière-scène. C'est l'artiste qui s'exprime par ce biais, la parole étant remplacée par le silence et la danse. Les expressions faciales sont aussi un élément des plus importants où le visage devient le repère initial où toutes les émotions, interrogations défilent au travers de regards perdus, de moues de bouche, de fronts plissés et de sourcils relevés. Puis au fil de la représentation, c'est le corps qui prend le relais. Les attitudes deviennent des plus expressives où celui-là prend de plus en plus de volume et ses aises alors que le visage était porte-parole, au démarrage du spectacle, de surprises, de gêne et de contrariété.
Un descriptif succinct de la vie du protagoniste et de ce qui se joue sur scène est surtitré, à quelques moments, en arrière-scène. C'est l'artiste qui s'exprime par ce biais, la parole étant remplacée par le silence et la danse. Les expressions faciales sont aussi un élément des plus importants où le visage devient le repère initial où toutes les émotions, interrogations défilent au travers de regards perdus, de moues de bouche, de fronts plissés et de sourcils relevés. Puis au fil de la représentation, c'est le corps qui prend le relais. Les attitudes deviennent des plus expressives où celui-là prend de plus en plus de volume et ses aises alors que le visage était porte-parole, au démarrage du spectacle, de surprises, de gêne et de contrariété.
© Carmen Legros.
Nous retrouvons Pierre Rigal dans un terrain de jeu qu'il avait déjà pratiqué dans "Même" avec, un moment, un bout de scène de quelques secondes qui revient plusieurs fois pour rejouer la même chose, de façon rapide et répétée. Nous basculons ainsi dans un univers qui rappelle le mime, comme dans ces anciens films muets où la répétition fait le comique de situation.
Le chorégraphe comble la distance autant physique que symbolique qui existe entre lui et son outil artistique de manière corporelle pour la distance physique. Les bras, les jambes entrent en jeu dans des proportions des plus mesurées pour ensuite s'étendre de plus en plus durant la représentation. D'une position assise, elle devient debout et parfois diagonal, alternant par intermittence entre équilibres et déséquilibres. Les déplacements sont aussi de la partie où, côtés cour et jardin, l'interprète s'aide d'entrées et sorties pour incarner un questionnement, une mise en situation énigmatique, et aussi amener d'autres éléments.
Pour la distance symbolique qui incarne l'absence de relation musicale entre le pianiste et son instrument, le chorégraphe danseur utilise une gestuelle où les accessoires, tel le banc de piano, sont utilisés. Celui-ci devient un accessoire de gymnastique. La veste queue-de-pie est aussi déviée de sa source pour devenir un costume loufoque dans lequel se découvre un tee-shirt de motard. Tout est détourné dans un contexte où rien n'est dans un état de normalité. Pierre Rigal n'accompagne pas cette absurdité de situation. Il l'exploite pour aller dans les retranchements presque ubuesques de celle-ci.
Le chorégraphe comble la distance autant physique que symbolique qui existe entre lui et son outil artistique de manière corporelle pour la distance physique. Les bras, les jambes entrent en jeu dans des proportions des plus mesurées pour ensuite s'étendre de plus en plus durant la représentation. D'une position assise, elle devient debout et parfois diagonal, alternant par intermittence entre équilibres et déséquilibres. Les déplacements sont aussi de la partie où, côtés cour et jardin, l'interprète s'aide d'entrées et sorties pour incarner un questionnement, une mise en situation énigmatique, et aussi amener d'autres éléments.
Pour la distance symbolique qui incarne l'absence de relation musicale entre le pianiste et son instrument, le chorégraphe danseur utilise une gestuelle où les accessoires, tel le banc de piano, sont utilisés. Celui-ci devient un accessoire de gymnastique. La veste queue-de-pie est aussi déviée de sa source pour devenir un costume loufoque dans lequel se découvre un tee-shirt de motard. Tout est détourné dans un contexte où rien n'est dans un état de normalité. Pierre Rigal n'accompagne pas cette absurdité de situation. Il l'exploite pour aller dans les retranchements presque ubuesques de celle-ci.
Il s'agit de quoi après tout ? De lever le couvercle d'une apparence trompeuse d'un homme dont on sait, entre autres et grâce aux surtitres, qu'il ne sait pas jouer du piano. S'enchaînent de façon automatique prélude, fugue, chaconne et autres compositions de Bach face à un pianiste qui n'en est pas un. Est-ce le signe d'une révolte ou de l'indépendance musicale déclarée d'un instrument face à un manque de compétence de son interprète ? Le spectacle va vers une autre direction. Est construit tout un ensemble de tableaux où, entre autres, le pianiste devient motard, transforme sa veste queue-de-pie en costume loufoque, joue du banc de piano pour faire quelques figures d'équilibriste.
Présence énigmatique, un bouc vient aussi sur scène pour bêler, lâcher quelques crottins et bousculer, presque en les mangeant, quelques partitions. Sur ces différents terrains, le piano, qui était l'élément central du spectacle, finit par donner une place à part entière à l'interprète qui devient le clou du spectacle. Il réussit à exister en dehors de son instrument comme ce dernier l'avait fait initialement avec lui. Le rapport devient inversé.
Présence énigmatique, un bouc vient aussi sur scène pour bêler, lâcher quelques crottins et bousculer, presque en les mangeant, quelques partitions. Sur ces différents terrains, le piano, qui était l'élément central du spectacle, finit par donner une place à part entière à l'interprète qui devient le clou du spectacle. Il réussit à exister en dehors de son instrument comme ce dernier l'avait fait initialement avec lui. Le rapport devient inversé.
© Carmen Legros.
Ce qui se joue est un condensé de ce qu'est un être humain qui déconstruit autant physiquement, un contexte dont il ne maîtrise pas les tenants, que socialement, une représentation que le monde, à savoir le public, pouvait avoir de lui. Les faux-semblants sont ainsi biffés d'un geste. De l'image policée et timide qui apparaissait au début, c'est un homme au visage enfariné avec une perruque bouffante grise et habillé d'un tee-shirt Yamaha sans manche qui clôt le spectacle.
Le caché devient visible. Ce qui n'était pas osé montrer le devient faisant de ce lieu, non plus une scène de musique classique, mais un endroit où le bouc et l'artiste prennent leurs aises en prenant le pouvoir sur Bach. Presque une analyse psychanalytique où la partie consciente laisse émerger le désir et son inconscient. Dans un dernier joli tableau, le chorégraphe danseur s'immisce entre le meuble, la table d'harmonie et le couvercle pour s'allonger dans une lumière tamisée, comme dans un lit.
Ce spectacle s'est joué du 15 au 17 mai 2023.
Le caché devient visible. Ce qui n'était pas osé montrer le devient faisant de ce lieu, non plus une scène de musique classique, mais un endroit où le bouc et l'artiste prennent leurs aises en prenant le pouvoir sur Bach. Presque une analyse psychanalytique où la partie consciente laisse émerger le désir et son inconscient. Dans un dernier joli tableau, le chorégraphe danseur s'immisce entre le meuble, la table d'harmonie et le couvercle pour s'allonger dans une lumière tamisée, comme dans un lit.
Ce spectacle s'est joué du 15 au 17 mai 2023.
"Suites absentes"
© Carmen Legros.
Danse, conception : Pierre Rigal
Musique de Johann Sebastian Bach jouée en direct par un piano automatique.
Durée : 1 h.
Programme musical
Johann Sebastian Bach : Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo BWV 992,
Suite Anglaise n°3 en sol mineur BWV 808.
Johann Sebastian Bach, Franz Liszt : Prélude & Fugue BWV 543.
Johann Sebastian Bach : Praeludium & Fuga VIII* en mi bémol mineur (BWV 853).
Johann Sebastian Bach, Ferruccio Busoni : Chaconne en ré mineur BWV 1004.
>> Philharmonie de Paris
Musique de Johann Sebastian Bach jouée en direct par un piano automatique.
Durée : 1 h.
Programme musical
Johann Sebastian Bach : Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo BWV 992,
Suite Anglaise n°3 en sol mineur BWV 808.
Johann Sebastian Bach, Franz Liszt : Prélude & Fugue BWV 543.
Johann Sebastian Bach : Praeludium & Fuga VIII* en mi bémol mineur (BWV 853).
Johann Sebastian Bach, Ferruccio Busoni : Chaconne en ré mineur BWV 1004.
>> Philharmonie de Paris