Théâtre

Quand le rire est médecin... donner aux enfants hospitalisés un demain pour chacun...

"Hors-Piste", Maison des Métallos, Paris

Dans "Hors-piste" sont présentées, comme un nez rouge au milieu de la figure, des histoires tirées du quotidien d’un hôpital pour enfants que des clowns en naïfs actifs ont entrepris d’humaniser. Ces histoires sont lumineuses. Les comédiens jouent les clowns mais aussi les enfants et les parents. Mais aussi, théâtre dans le théâtre, les comédiens qui jouent les clowns, leurs soucis, leur vie quotidienne...



© Philippe Cybille.
Le jeu est apparemment simple, direct. Sans pathos (ni cathéter), il suit une ligne claire et propose dans sa fluidité et son rythme soutenu un regard plein d’humour. Dans "Hors-piste", le spectateur découvre les heurs, bonheurs et contrariétés d’une vie de clown à l’hôpital… Où comment le clown prend toute sa valeur : à la fois nécessaire et désiré.

Les clowns ont le nez rouge franc. Les clowns jouent avec des instruments de musique, plaisantent, rusent, font semblant de s’esquiver, reviennent pleins des remords de l’abandon.

Les clowns sont aux couleurs d’une enfance cocasse entrant dans un monde machinisé morcelé dans ses tisaneries, salles de réunion, couloirs et chambres. Celui de "l'Insti tu tion hos pi ta lière". Bruyants, les clowns dans cet univers ? Non, tonitruants et à pas feutrés…Jamais en caricature, jamais en compassion. Toujours à la parade. Conscients et agissant dans leur métier, les clowns créent du lien, ils sont le lien. Les couleurs du spectacle sont en à plat ni franchement primaires, ni acides, ni criardes. Joyeuses, elles s’accordent à un fond d’opale apaisant.

© Philippe Cybille.
Ce spectacle proposé par Patrick Dordoigne, reposant sur une expérience acquise durant vingt ans par l’association "Le rire médecin"*, synthétise un style de jeu original calé sur une capacité d’improvisations et de patiences attentives. Le spectateur peut être surpris, voire dérouté par la simplicité, la légèreté, la réalité des différents personnages qu’il lui est proposé d’observer et de partager. Dans son sens de l’esquive du drame, le jeu est d’une richesse en poésie incroyable. Il donne à percevoir un extrait de réalité qui a pour centre l’enfance de l’Homme.

C’est que les clowns immergés dans les protocoles médicaux, en tiers inclus, par l'incongruité même de leur présence et action, imposent leur présence, dissolvent leur environnement, démontrent combien les enfants, fussent-ils malades, sont des enfants qui crient, rient, sont gentils, charmeurs, boudeurs, moqueurs… brefs, sont insupportables, que les adultes sont stressés, ne comprennent rien ou comprennent trop bien, que les soignants débordés se réjouissent du réconfort, des soins qui leur sont aussi apportés.

© Philippe Cybille.
Le spectateur découvre à travers ces personnages, l’étonnant tâtonnement des rapports au jeu et à l’humain qui fait qu’une certaine inclination, par l’inclinaison de la tête, un sourire de biais, un clin d’œil, une dispute, un anachronisme face à ces être très rationnels et expérimentateurs que sont les enfants, produit une déclinaison étrange, celle du rire commun. Apprentissage du monde et de ses relations. Compréhension du jeu. Le spectateur rit de bon cœur.

Avec ces "histoires de clowns à l’hôpital", le rire est médecin. Dans la ligne claire qui est proposée, les comédiens donnent à voir qu’il y a, à l’évidence, dans la qualité de ce théâtre, un demain pour chacun. Une vie de gagnée.

* Dans la vraie vie l’association le rire médecin regroupe une centaine de comédiens "clowns" à l’hôpital. Les clowns ne sont pas achetés par l’hôpital mais demandés par les chefs de service et les équipes soignantes. L’activité des clowns est de gratuité bienveillante et gracieuse.
Elle est portée par des subventions publiques et des mécènes privés.
C’est peut être, au-delà de la collaboration au secteur hospitalier, une leçon essentielle d’utilité publique au sein du monde du travail.

>> leriremedecin.asso.fr

"Hors-Piste"

© Philippe Cybille.
Histoires de clowns à l'hôpital.
Direction atelier d’écriture, écriture et mise en scène : Patrick Dordoigne.
Dramaturge consultant : Alain Gautré.
Conseillère artistique : Caroline Simonds.
Scénographe : Valérie Jung.
Comédiens-auteurs : Margot Mc Laughlin, Stéphanie Liesenfeld, Doriane Moretus, Vincent Pensuet, Bruno Gare.
Costumes : Fabienne Desfleches.
Musique et univers sonore : Michel Benita.
Création lumière : Julien Barbazin-Douzenel.
Spectacle tous publics à partir de 7 ans.
Durée : 1 h 30.

Du 4 au 22 décembre 2012.
Du mardi au vendredi à 20 h, samedi à 19 h, dimanche à 16 h.
Vendredi 7 et mercredi 12 décembre, séances supplémentaires à 14 h 30
Maison des métallos, Paris 11e, 01 48 05 88 27.
>> maisondesmetallos.org

Jean Grapin
Mardi 4 Décembre 2012
Dans la même rubrique :