© DR.
Pierre Thilloy organise le chaos, légifère dans le désastre : ce fut la création le 13 septembre d'"Exil", sa dixième symphonie en un terrible écho avec l'actualité. Dans la salle fameuse encore hantée par les rites sauvages du "Sacre du Printemps", le public a vécu une expérience rare avec cette fresque puissante, hallucinée, hallucinatoire. Une vraie commotion - soulignée par un silence suspendu après que le jeune chef Ayyub Guliyev a baissé sa baguette.
L'Orchestre Lamoureux et ses cent dix musiciens, littéralement soulevés par le souffle d'une épopée diabolique, rencontraient ce soir-là deux autres mondes : celui de cinq solistes venus d'Azerbaïdjan et celui issu de la technologie de KORDS mixant en direct sons et images. La proverbiale plasticité des Lamoureux leur fut d'un grand secours : ce fut un véritable exploit d'exécution. Le grand drame en trois mouvements liés pouvait déployer les prestiges d'une texture sonore traversée par les vagues convulsives des cordes, le train d'enfer des percussions (dont un tamtam et des tambours survoltés), l'orage des cuivres et des vents, le lyrisme pathétique des voix solistes (un piano, deux violons, un tar et un kamantcha instruments traditionnels du Caucase). Une riche instrumentation (dont les sirènes, les voix aériennes du célesta, du glockenspiel, les interventions de deux solos de flûte, l'étrangeté des sons électroniques) et des images hypnotiques dessinant un climat de fin du monde ou d'envoûtante élégie.
L'Orchestre Lamoureux et ses cent dix musiciens, littéralement soulevés par le souffle d'une épopée diabolique, rencontraient ce soir-là deux autres mondes : celui de cinq solistes venus d'Azerbaïdjan et celui issu de la technologie de KORDS mixant en direct sons et images. La proverbiale plasticité des Lamoureux leur fut d'un grand secours : ce fut un véritable exploit d'exécution. Le grand drame en trois mouvements liés pouvait déployer les prestiges d'une texture sonore traversée par les vagues convulsives des cordes, le train d'enfer des percussions (dont un tamtam et des tambours survoltés), l'orage des cuivres et des vents, le lyrisme pathétique des voix solistes (un piano, deux violons, un tar et un kamantcha instruments traditionnels du Caucase). Une riche instrumentation (dont les sirènes, les voix aériennes du célesta, du glockenspiel, les interventions de deux solos de flûte, l'étrangeté des sons électroniques) et des images hypnotiques dessinant un climat de fin du monde ou d'envoûtante élégie.
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Nous avons rencontré le compositeur quelques jours avant ce concert d'un nouveau genre.
Christine Ducq - Comment envisagez-vous votre fonction de directeur artistique de l'Orchestre Lamoureux ?
Pierre Thilloy - Mon statut est unique puisque je suis non seulement directeur artistique mais aussi compositeur en résidence. Pour la direction, mon rôle est de retrouver avec les Lamoureux l'identité forte qui est attachée à leur histoire. Cet orchestre a un passé fameux de création de chefs-d'œuvre (Debussy, Wagner, Dutilleux) et de chefs légendaires comme Paray ou Markevitch. J'ai donc imaginé une programmation qui permette de les identifier à coup sûr - que j'ai appelée "Voyages fantastiques".
Il me semble qu'en ce moment, nous avons besoin de voyager, d'être émerveillés, de nous laisser surprendre. D'abolir les frontières. Et pour cela je ne pouvais rêver mieux que d'être nommé à la tête de cette merveilleuse phalange formée de musiciens d'un si grand talent.
Vous êtes un compositeur du monde comme on dit qu'il existe une musique du monde ?
Pierre Thilloy - Oui. J'ai la chance de beaucoup voyager, j'ai donc écrit de nombreuses œuvres ouvertes aux musiques issues de cultures très différentes et d'horizons divers. L'ouverture de la saison de l'Orchestre Lamoureux est d'ailleurs placée sous le signe du dépaysement avec l'Azerbaïdjan. J'y ai été en résidence pendant trois ans (à l'Ambassade de France entre 2003 et 2008, NDLR) et j'y ai lié beaucoup d'amitiés. J'ai appris à connaître sa culture et sa musique. Le 13 septembre, le public fera la connaissance de quelques fleurons de son répertoire classique.
Christine Ducq - Comment envisagez-vous votre fonction de directeur artistique de l'Orchestre Lamoureux ?
Pierre Thilloy - Mon statut est unique puisque je suis non seulement directeur artistique mais aussi compositeur en résidence. Pour la direction, mon rôle est de retrouver avec les Lamoureux l'identité forte qui est attachée à leur histoire. Cet orchestre a un passé fameux de création de chefs-d'œuvre (Debussy, Wagner, Dutilleux) et de chefs légendaires comme Paray ou Markevitch. J'ai donc imaginé une programmation qui permette de les identifier à coup sûr - que j'ai appelée "Voyages fantastiques".
Il me semble qu'en ce moment, nous avons besoin de voyager, d'être émerveillés, de nous laisser surprendre. D'abolir les frontières. Et pour cela je ne pouvais rêver mieux que d'être nommé à la tête de cette merveilleuse phalange formée de musiciens d'un si grand talent.
Vous êtes un compositeur du monde comme on dit qu'il existe une musique du monde ?
Pierre Thilloy - Oui. J'ai la chance de beaucoup voyager, j'ai donc écrit de nombreuses œuvres ouvertes aux musiques issues de cultures très différentes et d'horizons divers. L'ouverture de la saison de l'Orchestre Lamoureux est d'ailleurs placée sous le signe du dépaysement avec l'Azerbaïdjan. J'y ai été en résidence pendant trois ans (à l'Ambassade de France entre 2003 et 2008, NDLR) et j'y ai lié beaucoup d'amitiés. J'ai appris à connaître sa culture et sa musique. Le 13 septembre, le public fera la connaissance de quelques fleurons de son répertoire classique.
Pierre Thilloy © Raphaël Creton (2009).
Et l'Orchestre Lamoureux créera votre Symphonie n° 10 "Exil"…
Pierre Thilloy - C'est une commande qui représente beaucoup : elle sera créée par l'orchestre, cinq solistes azéris et avec les arts numériques du collectif KORDS que j'ai fondé il y a quatre ans avec deux frères de grand talent Vincent et François Guilliou. KORDS, ce sont les cordes de la musique classique mais à l'ère numérique. Il s'agit pour nous de passer de la lutherie de Crémone à celle d'aujourd'hui. Vincent Guilliou s'est occupé de créer l'univers visuel que je voulais pour ma symphonie. Et François Guilliou en a sculpté le son numérique. C'est donc une double création et notre premier concert en France ensemble.
Pour moi, il faut revoir la vision que nous avons du concert classique, un peu figé. Ainsi, avec cette œuvre, nous plongeons la salle et la scène dans le noir. La projection des images se fait sur un écran derrière l'orchestre. Avec des images et des sons électroniques mixés en temps réel qui réagiront (à l'aide de capteurs) à la partie musicale écrite pour l'orchestre. La musique doit surgir des images qui lui donnent une autre dimension.
À qui pensiez-vous en écrivant "Exil" ?
Pierre Thilloy - Notre démarche doit être intuitive étant donné l'actualité ! J'ai pensé à toutes les victimes forcées de fuir leur pays mais aussi à l'Azerbaïdjan. C'est un petit pays de neuf millions d'habitants, en guerre larvée avec l'Arménie, et qui a un million de personnes déplacées (1). Je ne veux cependant pas faire de politique et mon propos est artistique. En tant que compositeur, je considère que ma mission est d'alerter sur les problèmes de notre époque et de réunir les peuples dans l'amour de la musique. Un langage universel qui ne peut blesser personne contrairement aux mots.
Pierre Thilloy - C'est une commande qui représente beaucoup : elle sera créée par l'orchestre, cinq solistes azéris et avec les arts numériques du collectif KORDS que j'ai fondé il y a quatre ans avec deux frères de grand talent Vincent et François Guilliou. KORDS, ce sont les cordes de la musique classique mais à l'ère numérique. Il s'agit pour nous de passer de la lutherie de Crémone à celle d'aujourd'hui. Vincent Guilliou s'est occupé de créer l'univers visuel que je voulais pour ma symphonie. Et François Guilliou en a sculpté le son numérique. C'est donc une double création et notre premier concert en France ensemble.
Pour moi, il faut revoir la vision que nous avons du concert classique, un peu figé. Ainsi, avec cette œuvre, nous plongeons la salle et la scène dans le noir. La projection des images se fait sur un écran derrière l'orchestre. Avec des images et des sons électroniques mixés en temps réel qui réagiront (à l'aide de capteurs) à la partie musicale écrite pour l'orchestre. La musique doit surgir des images qui lui donnent une autre dimension.
À qui pensiez-vous en écrivant "Exil" ?
Pierre Thilloy - Notre démarche doit être intuitive étant donné l'actualité ! J'ai pensé à toutes les victimes forcées de fuir leur pays mais aussi à l'Azerbaïdjan. C'est un petit pays de neuf millions d'habitants, en guerre larvée avec l'Arménie, et qui a un million de personnes déplacées (1). Je ne veux cependant pas faire de politique et mon propos est artistique. En tant que compositeur, je considère que ma mission est d'alerter sur les problèmes de notre époque et de réunir les peuples dans l'amour de la musique. Un langage universel qui ne peut blesser personne contrairement aux mots.
© DR.
Vous avez invité des solistes azéris puisque vous utilisez des instruments traditionnels dans votre symphonie.
Pierre Thilloy - Le tar et le kamantcha. Le tar est une sorte de oud et le kamantcha, un genre de violon de genou. Ces instruments ont un timbre qui me fait rêver. Dans la partition, beaucoup de départs de mélodies se font sur les modes du mugham (2). C'est un métissage que je recherche. Bien plus que d'une chapelle, ma musique se réclame du désir de toucher le public, le faire vibrer et voyager.
Les arts numériques participent de cette expérience ?
Pierre Thilloy - En effet. Les images épousent les pulsations de l'orchestre, variant selon le rythme et la mélodie. L'idée est que le public déconnecte du monde et investisse un territoire sacré. Et ce sera dans une des plus belles salles du monde, celle des Champs-Élysées (3).
Notes :
(1) Dans les montagnes du Haut-Karabakh, l'ancienne région autonome azérie est occupée par les troupes arméniennes depuis 1994, soit 13 % du territoire de l'ancienne république soviétique d'Azerbaïdjan (Source : "Le Monde diplomatique", décembre 2012).
(2) Le mugham est un genre musical traditionnel oriental propre aux régions du Caucase.
(3) L'Orchestre Lamoureux reprend ses quartiers au Théâtre des Champs-Élysées.
Entretien réalisé le 9 septembre 2015.
Pierre Thilloy - Le tar et le kamantcha. Le tar est une sorte de oud et le kamantcha, un genre de violon de genou. Ces instruments ont un timbre qui me fait rêver. Dans la partition, beaucoup de départs de mélodies se font sur les modes du mugham (2). C'est un métissage que je recherche. Bien plus que d'une chapelle, ma musique se réclame du désir de toucher le public, le faire vibrer et voyager.
Les arts numériques participent de cette expérience ?
Pierre Thilloy - En effet. Les images épousent les pulsations de l'orchestre, variant selon le rythme et la mélodie. L'idée est que le public déconnecte du monde et investisse un territoire sacré. Et ce sera dans une des plus belles salles du monde, celle des Champs-Élysées (3).
Notes :
(1) Dans les montagnes du Haut-Karabakh, l'ancienne région autonome azérie est occupée par les troupes arméniennes depuis 1994, soit 13 % du territoire de l'ancienne république soviétique d'Azerbaïdjan (Source : "Le Monde diplomatique", décembre 2012).
(2) Le mugham est un genre musical traditionnel oriental propre aux régions du Caucase.
(3) L'Orchestre Lamoureux reprend ses quartiers au Théâtre des Champs-Élysées.
Entretien réalisé le 9 septembre 2015.
Programmation complète :
>> orchestrelamoureux.com
Quelques repères :
Septembre 2015 : direction générale du Festival "De Soie et de Feu" à Mulhouse, du 16 au 19 septembre 2015.
Septembre 2015 : création de la Symphonie n° 10 opus 211 "Exil".
Février 2015 : création de l'opéra "Les Faux-Monnayeurs", sur un livret de Jean-Pierre Prévost, d'après André Gide.
2012 : création de "La Constellation de la baleine", sur un texte de Michel Onfray.
Mars 2011 : création de l'opéra "Hamlet ou le jour des meurtres", sur un livret d'après Bernard-Marie Koltès.
2009 : création de "Mosella", oratorio profane (pour trois cents musiciens).
>> pierrethilloy.com
>> orchestrelamoureux.com
Quelques repères :
Septembre 2015 : direction générale du Festival "De Soie et de Feu" à Mulhouse, du 16 au 19 septembre 2015.
Septembre 2015 : création de la Symphonie n° 10 opus 211 "Exil".
Février 2015 : création de l'opéra "Les Faux-Monnayeurs", sur un livret de Jean-Pierre Prévost, d'après André Gide.
2012 : création de "La Constellation de la baleine", sur un texte de Michel Onfray.
Mars 2011 : création de l'opéra "Hamlet ou le jour des meurtres", sur un livret d'après Bernard-Marie Koltès.
2009 : création de "Mosella", oratorio profane (pour trois cents musiciens).
>> pierrethilloy.com