© Frédéric Desmesure.
"Ouvre le Chien", nom choisi par Renaud Cojo pour qualifier sa compagnie, se revendiquant comme une "structure dont la vocation est à trouver du côté du recyclage in vivo d'utopies contrariées", s'est taillé une réputation liée à un appétit musical sans frontières et à des options hors carcans. Et, au vu de la déflagration causée par cette performance, on peut affirmer qu'il n'y a pas là tromperie sur la marchandise… marchandise échappant justement aux recettes susceptibles de "se faire acheter" par les programmateurs soucieux de ne point trop choquer leurs financeurs.
"Imagine" de John Lennon (1971), sorti en pleine guerre du Vietnam, apparaît comme une bluette aux yeux de cette génération du mitan des années soixante-dix confrontée au désœuvrement, à la drogue et à l'alcool, succédanés utilisés à l'envi pour "éponger" les désarrois d'un monde sans horizon d'attente. Dieu est (définitivement) mort et les idéologies porteuses d'espoir ont vécu, seule la dérision portée à son incandescence semble pouvoir accueillir le mal de vivre de ces jeunes gens.
"Imagine" de John Lennon (1971), sorti en pleine guerre du Vietnam, apparaît comme une bluette aux yeux de cette génération du mitan des années soixante-dix confrontée au désœuvrement, à la drogue et à l'alcool, succédanés utilisés à l'envi pour "éponger" les désarrois d'un monde sans horizon d'attente. Dieu est (définitivement) mort et les idéologies porteuses d'espoir ont vécu, seule la dérision portée à son incandescence semble pouvoir accueillir le mal de vivre de ces jeunes gens.
© Frédéric Desmesure.
Imaginez un plateau déjà destroy avant que tout ne commence… Canettes de bière défoncées, poches de chips et de pop-corn éventrées, jonchant le sol. Canapé fatigué recueillant le corps imbibé de Lester Bangs, ce rock-critic iconoclaste aux yeux dissimulés par d'épaisses lunettes noires et arborant une corpulente moustache. Ainsi apparaît, sortie des limbes où elle végétait, l'icône du garage rock qui, après avoir popularisé le nom de "punk", décéda prématurément à l'âge du Christ victime, elle, de sa foi en l'alcool et les drogues.
Si l'on ajoute une basse électrique, une batterie, un clavier et une trompette trônant sous des projecteurs éclairant un décor digne d'une friche industrielle, le cadre est planté. Action… Bruits cacophoniques stridents émanant du synthé, de la trompette et autres instruments "donnant de la voix" pour accompagner celle du critique égrenant entre deux magistraux rots son CV intranquille. Pour les distraits, l'adresse est sans équivoque : on est là pour "parler" de l'histoire du punk, vingt ans de l'histoire du rock. Le punk est une attitude et, d'emblée, on est mis au parfum par celui-là même qui va nous le conter, au travers de son objectif, ô combien haut en couleur.
Alors, au rythme du crépitement déréglé des touches de la machine à écrire sur laquelle le critique tapait ses longs articles à haute valeur littéraire, deux bras, dans une symétrie parfaite, soulèvent lentement les couvercles des deux malles juxtaposées qui les contiennent… pour tirer avec application une dernière taffe avant de jeter leur mégot… et de trinquer joyeusement, canettes de bière en mains. Deux jambes et deux corps en tout point symétriques, expurgés de leur contenant, se fracassant sur le sol. Les deux performeurs hors normes et hors-sol de Jan Fabre donneront alors divinement "à entendre" l'essence du punk, leurs corps électrisés par les musiques en live faisant écho à celles des Ramones, de MC5 (Motor City Five), Iggy Pop & The Stooges, ou encore des Sex Pistols ; New York, Détroit et Londres confondus dans le même chaos sonore et les mêmes lumières stroboscopiques sculptant l'espace.
Incarnant à s'y tromper le jeu sauvage et impressionnant d'Iggy Pop, torses nus et étoiles non genrées sur les tétons, les deux performeurs extatiques vont - dans de violentes chorégraphies acrobatiques orchestrées au millimètre - s'ingénier à le faire revivre. Ainsi des plans séquences où, tournant le dos au public, ils vont consciencieusement (faire semblant d') uriner sur des chaises avant de se délecter de leur jus vivant à grande lampée, ou encore essuyer méthodiquement leur fessier avec les portraits, l'un de Jimmy Carter, l'autre de Margaret Thatcher dite La Dame… de Fer.
Si l'on ajoute une basse électrique, une batterie, un clavier et une trompette trônant sous des projecteurs éclairant un décor digne d'une friche industrielle, le cadre est planté. Action… Bruits cacophoniques stridents émanant du synthé, de la trompette et autres instruments "donnant de la voix" pour accompagner celle du critique égrenant entre deux magistraux rots son CV intranquille. Pour les distraits, l'adresse est sans équivoque : on est là pour "parler" de l'histoire du punk, vingt ans de l'histoire du rock. Le punk est une attitude et, d'emblée, on est mis au parfum par celui-là même qui va nous le conter, au travers de son objectif, ô combien haut en couleur.
Alors, au rythme du crépitement déréglé des touches de la machine à écrire sur laquelle le critique tapait ses longs articles à haute valeur littéraire, deux bras, dans une symétrie parfaite, soulèvent lentement les couvercles des deux malles juxtaposées qui les contiennent… pour tirer avec application une dernière taffe avant de jeter leur mégot… et de trinquer joyeusement, canettes de bière en mains. Deux jambes et deux corps en tout point symétriques, expurgés de leur contenant, se fracassant sur le sol. Les deux performeurs hors normes et hors-sol de Jan Fabre donneront alors divinement "à entendre" l'essence du punk, leurs corps électrisés par les musiques en live faisant écho à celles des Ramones, de MC5 (Motor City Five), Iggy Pop & The Stooges, ou encore des Sex Pistols ; New York, Détroit et Londres confondus dans le même chaos sonore et les mêmes lumières stroboscopiques sculptant l'espace.
Incarnant à s'y tromper le jeu sauvage et impressionnant d'Iggy Pop, torses nus et étoiles non genrées sur les tétons, les deux performeurs extatiques vont - dans de violentes chorégraphies acrobatiques orchestrées au millimètre - s'ingénier à le faire revivre. Ainsi des plans séquences où, tournant le dos au public, ils vont consciencieusement (faire semblant d') uriner sur des chaises avant de se délecter de leur jus vivant à grande lampée, ou encore essuyer méthodiquement leur fessier avec les portraits, l'un de Jimmy Carter, l'autre de Margaret Thatcher dite La Dame… de Fer.
© Frédéric Desmesure.
La provocation permanente érigée comme art de vivre trouve son pendant dans les flux musicaux à décibels non contrôlés et dans l'exubérance verbale qui l'accompagne faisant la nique à toute poétisation jugée, elle, vulgaire. Au micro, les pratiques sexuelles et "asociales" des punks sont disséquées pour être élevées au rang de mantras libertaires. Si Patti Smith trouve alors grâce aux yeux du critique, le trop lisse David Bowie est moqué avec humour. Les comprimés RORER 714, à effet de drogues récréatives, se précipitent dans les vidéos projetées en fond de scène, libérant leur puissance psychotrope jusque dans la salle.
Ainsi, en totale complicité avec le narrateur qu'il s'est choisi au travers du prisme du rock-critic Lester Bangs, revendiquant haut et fort la subjectivité déliée de toute entrave comme instrument seul susceptible de pouvoir capter l'effervescence d'un phénomène musical et socio-politique rebelle à tout "encrage", Renaud Cojo convoque superbement l'esprit du mouvement punk. De Détroit, mis à mal par la ruine industrielle, au Londres de Margaret Thatcher, c'est le souffle libertaire déferlant comme une déflagration sur le monde fini qui envahit le plateau, éclaboussant le public captif.
Ainsi, en totale complicité avec le narrateur qu'il s'est choisi au travers du prisme du rock-critic Lester Bangs, revendiquant haut et fort la subjectivité déliée de toute entrave comme instrument seul susceptible de pouvoir capter l'effervescence d'un phénomène musical et socio-politique rebelle à tout "encrage", Renaud Cojo convoque superbement l'esprit du mouvement punk. De Détroit, mis à mal par la ruine industrielle, au Londres de Margaret Thatcher, c'est le souffle libertaire déferlant comme une déflagration sur le monde fini qui envahit le plateau, éclaboussant le public captif.
© Frédéric Desmesure.
La force de cette déflagration tient au fait qu'il ne s'agit aucunement là d'une "représentation" d'une histoire héroïsée figée dans la naphtaline - çà ce serait le job du libéralisme qui en recyclant dans la machine à laver du profit les expériences underground en présenterait une version muséifiée, déminée, à l'usage des bonnes âmes consommatrices de culture délicieusement sulfureuse - mais d'une immersion plain-pied dans une communauté ô combien "vivante".
Et, paradoxe ou aporie, ce sentiment de "dés-ordre" voulu obéit secrètement à une trame tissée de haute main par le metteur en jeu. En effet, la virtuosité musicale de l'Ensemble Un et le brio fabuleux des corps des trois performeurs invités au plateau ne doivent rien au hasard et sont partie intégrante de l'euphorisante énergie collective circulant en boucles dissonantes. "Recyclage in vivo d'utopies contrariées" ? On ne pourrait mieux dire.
Vu le jeudi 17 mars au TnBA, Salle Vauthier, à Bordeaux. Représenté du 15 au 19 mars 2022 (en partenariat avec l'Opéra National de Bordeaux).
Et, paradoxe ou aporie, ce sentiment de "dés-ordre" voulu obéit secrètement à une trame tissée de haute main par le metteur en jeu. En effet, la virtuosité musicale de l'Ensemble Un et le brio fabuleux des corps des trois performeurs invités au plateau ne doivent rien au hasard et sont partie intégrante de l'euphorisante énergie collective circulant en boucles dissonantes. "Recyclage in vivo d'utopies contrariées" ? On ne pourrait mieux dire.
Vu le jeudi 17 mars au TnBA, Salle Vauthier, à Bordeaux. Représenté du 15 au 19 mars 2022 (en partenariat avec l'Opéra National de Bordeaux).
"People Under No King (P.U.N.K.)"
© Frédéric Desmesure.
Conception et mise en scène : Renaud Cojo.
Assistante stagiaire à la mise en scène : Alexane Thomma.
Direction musicale : David Chiesa.
Chorégraphie : Annabelle Chambon et Cédric Charron.
Avec : Annabelle Chambon, Cédric Charron, Antoine Esmérian-Lesimple.
Musiciens : David Chiesa (basse électrique), Blanche Lafuente (batterie), Barbara Dang (clavier), Timothée Quost (trompette), Matthieu Werchowski (violon).
Scénographie : Éric Blosse, Florent Blanchon.
Lumières : Fabrice Barbotin, Florent Blanchon.
Images vidéo : Laurent Rojol.
Diffusion sonore et régie générale : Pierre-Olivier Boulant.
Production : Cie Ouvre le Chien, compagnie conventionnée par la DRAC Nouvelle-Aquitaine en coréalisation avec l'Ensemble UN.
Durée : 1 h 30.
Assistante stagiaire à la mise en scène : Alexane Thomma.
Direction musicale : David Chiesa.
Chorégraphie : Annabelle Chambon et Cédric Charron.
Avec : Annabelle Chambon, Cédric Charron, Antoine Esmérian-Lesimple.
Musiciens : David Chiesa (basse électrique), Blanche Lafuente (batterie), Barbara Dang (clavier), Timothée Quost (trompette), Matthieu Werchowski (violon).
Scénographie : Éric Blosse, Florent Blanchon.
Lumières : Fabrice Barbotin, Florent Blanchon.
Images vidéo : Laurent Rojol.
Diffusion sonore et régie générale : Pierre-Olivier Boulant.
Production : Cie Ouvre le Chien, compagnie conventionnée par la DRAC Nouvelle-Aquitaine en coréalisation avec l'Ensemble UN.
Durée : 1 h 30.
© Frédéric Desmesure.
Les textes de Lester Bangs sont traduits par Jean-Paul Mourlon et édités en France par Tristram. La performance est dédiée à Florent Blanchon, artiste créateur des lumières, décédé brutalement en janvier 2022.