Dans sa mise en scène, Julie Duclos prend le parti de ne pas s'appuyer sur le texte pour bâtir l'enchaînement du jeu et, se concentrant sur les situations, suit le déroulement des scènes en les rationalisant. Ce faisant, elle banalise le récit tout en accentuant sa fragmentation. Le spectacle avance avec les éléments scéniques du temps : la vidéo et les boîtes superposées. Propre et dans l'air du temps, la mise en scène n'approfondit pas les scènes et leurs articulations. Ce théâtre contemporain se contente de visualiser les recoins d'une maison de poupées sans s'interroger sur l'aspect symbolique que peuvent revêtir certains détails, notamment la chevelure de Mélisande et le sens des événements que ce détail enclenche. Elle déroule une apparence d'histoire familiale.
Le spectateur, lui, a faim d'action, d'une action qui ne vient pas et qui n'est pas montrée mais qui existe pourtant. Une action qui est ailleurs. Elle est dans ce qui n'est pas dit et n'est pas exprimé. Dans les silences d'une jeune fille du nom de Mélisande éperdue dans une forêt profonde aux longs cheveux et aux yeux immenses qui jette sa couronne de princesse à l'étang. Les silences d'un chasseur, Golaud, égaré, ému mais homme de colère. Les silences d'une contrée humide aux rivages embrumés, à l'eau croupissante. Les silences autour des rumeurs de disettes, de guerre. Les silences autour d'une succession à assurer, d'un enfant à naître, d'une maladie lancinante.
Le spectateur, lui, a faim d'action, d'une action qui ne vient pas et qui n'est pas montrée mais qui existe pourtant. Une action qui est ailleurs. Elle est dans ce qui n'est pas dit et n'est pas exprimé. Dans les silences d'une jeune fille du nom de Mélisande éperdue dans une forêt profonde aux longs cheveux et aux yeux immenses qui jette sa couronne de princesse à l'étang. Les silences d'un chasseur, Golaud, égaré, ému mais homme de colère. Les silences d'une contrée humide aux rivages embrumés, à l'eau croupissante. Les silences autour des rumeurs de disettes, de guerre. Les silences autour d'une succession à assurer, d'un enfant à naître, d'une maladie lancinante.
© Simon Gosselin.
Ces silences qui font que Mélisande ne peut être heureuse. Mélisande est sans mélodie, elle n'est pas Ondine ni Mélusine ni Ophélie.
Le texte est attentif aux détails concrets qui environnent les personnages. Ce sont ces annotations d'apparence anodine qui signalent la présence des pulsations d'émotion d'autant plus exacerbées qu'elles sont pointées par la sur-présence de signes typographiques, la redondance des mots et les ruptures qu'elles entraînent. Comme des didascalies inversées, le texte délivre des symptômes, ceux de la gêne de la présence (la tension, l'attirance, la répulsion, les aimantations) ; il décrit une perception du monde indicible. Le récit invisible de la peur qui n'a pas de délivrance, un conte qui l'anéantirait.
Le choix du nom des personnages eux-mêmes - Pelléas, Arken, Golaud, Yniold, Mélisande - sont, dans leurs consonances et leur graphie, comme une approximation de contes sans lien entre eux. Grecs, celtiques, germaniques : on ne sait. Mais leur rapprochement dans une même histoire appelle des parcelles de mémoire, des réminiscences mais aussi, dans leur approximation, des hésitations, des manques, des manques aux contes. Des manques à l'intime rendus tangibles par la sensation de la présence, la vibration qu'exerce sur soi l'autre, le saisissement.
Le texte est attentif aux détails concrets qui environnent les personnages. Ce sont ces annotations d'apparence anodine qui signalent la présence des pulsations d'émotion d'autant plus exacerbées qu'elles sont pointées par la sur-présence de signes typographiques, la redondance des mots et les ruptures qu'elles entraînent. Comme des didascalies inversées, le texte délivre des symptômes, ceux de la gêne de la présence (la tension, l'attirance, la répulsion, les aimantations) ; il décrit une perception du monde indicible. Le récit invisible de la peur qui n'a pas de délivrance, un conte qui l'anéantirait.
Le choix du nom des personnages eux-mêmes - Pelléas, Arken, Golaud, Yniold, Mélisande - sont, dans leurs consonances et leur graphie, comme une approximation de contes sans lien entre eux. Grecs, celtiques, germaniques : on ne sait. Mais leur rapprochement dans une même histoire appelle des parcelles de mémoire, des réminiscences mais aussi, dans leur approximation, des hésitations, des manques, des manques aux contes. Des manques à l'intime rendus tangibles par la sensation de la présence, la vibration qu'exerce sur soi l'autre, le saisissement.
Maurice Maeterlinck ne souligne-t-il pas dans son agenda de 1891 : "Exprimer surtout cette sensation d'emprisonnés, d'étouffés, de haletants en sueur qui veulent se séparer, s'en aller, s'écarter, fuir, ouvrir, et qui ne peuvent pas bouger. Et l'angoisse de cette destinée contre laquelle ils se heurtent la tête comme contre un mur et qui les serre de plus en plus étroitement l'un contre l'autre".
Par ce théâtre dit du symbolisme, le poète, dans le mouvement même de l'écriture, décrit une tension, une hésitation au noir. Dans cette tant triste histoire, Mélisande n'est pas Yseult et Pelléas n'est pas Tristan. D'un certain point de vue est donné à feuilleter un livre d'images de rêves lourds, celui de la légende de Gaulod l'inhospitalier.
À l'évidence, l'espace scénique et symbolique proposé par la mise en scène ne restitue pas les tensions entre les êtres, les épaisseurs du temps, la nervosité inquiète présentes dans l'œuvre de Maurice Maeterlinck. Et, de fait, évite la confrontation avec le caractère symboliste de la pièce.
Le spectateur déçu reste sur sa faim.
Par ce théâtre dit du symbolisme, le poète, dans le mouvement même de l'écriture, décrit une tension, une hésitation au noir. Dans cette tant triste histoire, Mélisande n'est pas Yseult et Pelléas n'est pas Tristan. D'un certain point de vue est donné à feuilleter un livre d'images de rêves lourds, celui de la légende de Gaulod l'inhospitalier.
À l'évidence, l'espace scénique et symbolique proposé par la mise en scène ne restitue pas les tensions entre les êtres, les épaisseurs du temps, la nervosité inquiète présentes dans l'œuvre de Maurice Maeterlinck. Et, de fait, évite la confrontation avec le caractère symboliste de la pièce.
Le spectateur déçu reste sur sa faim.
"Pelléas et Mélisande"
Texte : Maurice Maeterlinck.
Mise en scène : Julie Duclos.
Assistante à la mise en scène : Calypso Baquey.
Avec : Vincent Dissez, Philippe Duclos, Stéphanie Marc, Alix Riemer, Matthieu Sampeur, Émilien Tessier ; et Clément Baudouin, Sacha Huyghe, Eliott Le Mouël (les enfants en alternance).
Scénographie : Hélène Jourdan.
Lumière : Mathilde Chamoux.
Vidéo : Quentin Vigier.
Son Quentin Dumay
Costumes Caroline Tavernier
Collaboration artistique : Calypso Baquey
Coordination technique : Sébastien Mathé.
Production Compagnie L’'In-quarto.
Durée : 1 h 50.
Du 25 février au 21 mars 2020.
Du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 15 h.
Odéon Théâtre de l'Europe, Ateliers Berthier, Paris 17e, 01 44 85 40 40.
>> theatre-odeon.eu
Mise en scène : Julie Duclos.
Assistante à la mise en scène : Calypso Baquey.
Avec : Vincent Dissez, Philippe Duclos, Stéphanie Marc, Alix Riemer, Matthieu Sampeur, Émilien Tessier ; et Clément Baudouin, Sacha Huyghe, Eliott Le Mouël (les enfants en alternance).
Scénographie : Hélène Jourdan.
Lumière : Mathilde Chamoux.
Vidéo : Quentin Vigier.
Son Quentin Dumay
Costumes Caroline Tavernier
Collaboration artistique : Calypso Baquey
Coordination technique : Sébastien Mathé.
Production Compagnie L’'In-quarto.
Durée : 1 h 50.
Du 25 février au 21 mars 2020.
Du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 15 h.
Odéon Théâtre de l'Europe, Ateliers Berthier, Paris 17e, 01 44 85 40 40.
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© Simon Gosselin.