© Stef Daurat.
Georges Pérec (l'auteur des "Choses" et de "La disparition") n'avait pas son pareil pour inventer une écriture mimétique collant au plus près aux thèmes qui l'obsédaient. De même que l'on parle de parole performative, l'écriture ici devient à elle seule "porte-parole" de la non-activité qui s'empare du personnage. En effet, déconnecté du monde environnant vu au travers d'une indifférence tranquille, il semble flotter dans une enveloppe déréalisée, repassant en boucle les mêmes litanies.
"Tu ne bouges pas. Tu fermes les yeux. Tu ne penses à rien…. Tu ne finiras pas ta licence". La femme debout, postée à la tête du lit de fortune qui avec d'autres pauvres objets constituent son cadre de vie, commente à la deuxième personne ce qui se passe dans la tête en friche du dormeur solitaire. Tout au long de cette immersion dans le huis clos de cette mansarde sous les toits, elle s'adressera à lui – et à nous – comme un double de lui-même pourrait le faire entendre.
"La vie te fait défaut. Tu restes ici sans manger, sans bouger, sans lire. Tu ne veux qu'attendre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien". Il a suffi de si peu de chose – un texte dont il avait perdu le fil – pour que le fil de sa vie se brise, pour que ses souvenirs estompent leurs couleurs vives et que les photographies qui en portaient traces virent au blanc. L'oubli et le manque de désir, non pas la tristesse, mais l'indifférence à tout. L'ataraxie des Grecs anciens.
"Tu ne bouges pas. Tu fermes les yeux. Tu ne penses à rien…. Tu ne finiras pas ta licence". La femme debout, postée à la tête du lit de fortune qui avec d'autres pauvres objets constituent son cadre de vie, commente à la deuxième personne ce qui se passe dans la tête en friche du dormeur solitaire. Tout au long de cette immersion dans le huis clos de cette mansarde sous les toits, elle s'adressera à lui – et à nous – comme un double de lui-même pourrait le faire entendre.
"La vie te fait défaut. Tu restes ici sans manger, sans bouger, sans lire. Tu ne veux qu'attendre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien". Il a suffi de si peu de chose – un texte dont il avait perdu le fil – pour que le fil de sa vie se brise, pour que ses souvenirs estompent leurs couleurs vives et que les photographies qui en portaient traces virent au blanc. L'oubli et le manque de désir, non pas la tristesse, mais l'indifférence à tout. L'ataraxie des Grecs anciens.
© Stef Daurat.
"Le temps passe, tu ne sais jamais l'heure. Attendre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre". La répétition du même, un temps suspendu qui bégaie jusque dans la reprise des mêmes mots. Et lorsque "l'homme qui dort", abandonnant la contemplation des fissures du plafond, s'aventure à franchir le seuil de son repaire, c'est pour marcher jusqu'à se perdre, dénombrer autant les églises que les pissotières, sortir la nuit venue pour se retrouver au comptoir d'un bar, seul devant un café, une bière, un verre de rouge ou alors, assis les jambes ballantes au-dessus de la Seine…
Aucune souffrance ou même amertume à côtoyer les bannis, parias, exclus errant comme lui dans une ville sans âme. Les vieilles à fourrure sifflant leur Marie Brizard, les solitaires qui parlent tout seuls, les milliers de monstres agglutinés aux feux rouges, rien ne semble pouvoir l'émouvoir.
Et le tic-tac des aiguilles couvert par la sonnerie qui retentit à nouveau… "Ton réveil sonne, et tu n'es pas mort. Tu n'as rien appris, sinon la solitude qui n'apprend rien". Le monde n'a pas changé, lui non plus. Un autre jour commence. Attendre Place Clichy que la pluie cesse de tomber pour… À suivre.
Aucune souffrance ou même amertume à côtoyer les bannis, parias, exclus errant comme lui dans une ville sans âme. Les vieilles à fourrure sifflant leur Marie Brizard, les solitaires qui parlent tout seuls, les milliers de monstres agglutinés aux feux rouges, rien ne semble pouvoir l'émouvoir.
Et le tic-tac des aiguilles couvert par la sonnerie qui retentit à nouveau… "Ton réveil sonne, et tu n'es pas mort. Tu n'as rien appris, sinon la solitude qui n'apprend rien". Le monde n'a pas changé, lui non plus. Un autre jour commence. Attendre Place Clichy que la pluie cesse de tomber pour… À suivre.
© Stef Daurat.
Dans ce décor pouvant renvoyer aux "Carnets du sous-sol" de Dostoïevski (sauf que là le protagoniste est dénué de toute velléité de révolte ou de haine envers ses semblables), la comédienne "incorpore" mimétiquement le flux psychique de son alter ego emmuré en lui-même afin de nous le donner à voir et à entendre. De même les dispositifs scénographique et dramaturgique ne font qu'un, convergeant avec bonheur pour distiller l'inquiétante étrangeté que cette dissociation du même ne manque pas de créer en nous. Littérature et théâtre, unis dans le même voyage au bout du silence… tonitruant.
◙ Yves Kafka
Vu le mercredi 3 juillet au Théâtre Transversal, scène d'Avignon.
◙ Yves Kafka
Vu le mercredi 3 juillet au Théâtre Transversal, scène d'Avignon.
"Un homme qui dort"
© Stef Daurat.
Texte : Georges Perec.
Mis en scène : Stéphane Daurat.
Conception et jeu : Richard Arselin & Véronique Boutonnet.
Scénographie : Richard Arselin.
Lumières : Mathias Bauret.
Compagnie Les Âmes Libres.
À partir de 15 ans.
Durée : 1 h 10.
•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 19 h 45. Relâche le mardi.
Théâtre Transversal, Salle 2, 10, rue d'Amphoux, Avignon.
Réservations : 04 90 86 17 12.
>> theatretransversal.com
Mis en scène : Stéphane Daurat.
Conception et jeu : Richard Arselin & Véronique Boutonnet.
Scénographie : Richard Arselin.
Lumières : Mathias Bauret.
Compagnie Les Âmes Libres.
À partir de 15 ans.
Durée : 1 h 10.
•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 19 h 45. Relâche le mardi.
Théâtre Transversal, Salle 2, 10, rue d'Amphoux, Avignon.
Réservations : 04 90 86 17 12.
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