© Louise-Marie Hubert.
Mais entre désespoirs et lueurs d'optimisme, c'est surtout l'espèce humaine que l'ermite tente de dépeindre : celle qui est cruelle, celle qui est perdue, celle qui est belle, celle qui pourrait se retrouver. Celle qui serait peut-être bien de laisser derrière la frénésie du monde pour aller élever des chèvres en Corrèze.
Dimitri Lepage est un auteur et comédien de 29 ans originaire de la province de Liège et est issu de la troisième promotion du Cours Florent Bruxelles. Très intéressé par le monde de l'image, du cinéma et par le travail de la voix, il joue dans de nombreux courts-métrages et aussi dans une série, "Moloch" (2020), diffusée sur Arte.
Mais c'est surtout sa passion pour l'écriture qui lui réclame beaucoup d'énergie et à laquelle il consacre beaucoup de son temps en tant que comédien, mais surtout auteur, scénariste, relecteur, conseil et aide à la dramaturgie. En 2021, il fonde avec deux autres auteurs et comédiens l'Asbl "Les Chevals de Troie". C'est en 2022 que son premier spectacle, à la fois en tant qu'auteur et comédien seul en scène, voit le jour : "Des Chèvres en Corrèze".
Et en Corrèze, nous y sommes dans ce spectacle ! Projetés dès les premiers instants dans une grotte verdoyante, c'est une immense confession intimiste qui nous est ensuite livrée. Certes, pas de divan ni de cabinet de psy mais, sur le plateau, un fauteuil d'époque sur lequel de la mousse a poussé, symbole d'une civilisation déplacée ou totalement obsolète. Quelques bûches et troncs d'arbres aussi et de nombreux cadavres de bouteilles d'alcool… Ça fait désordre dans cette nature, non ? Mais où sont les chèvres ?
Dimitri Lepage est un auteur et comédien de 29 ans originaire de la province de Liège et est issu de la troisième promotion du Cours Florent Bruxelles. Très intéressé par le monde de l'image, du cinéma et par le travail de la voix, il joue dans de nombreux courts-métrages et aussi dans une série, "Moloch" (2020), diffusée sur Arte.
Mais c'est surtout sa passion pour l'écriture qui lui réclame beaucoup d'énergie et à laquelle il consacre beaucoup de son temps en tant que comédien, mais surtout auteur, scénariste, relecteur, conseil et aide à la dramaturgie. En 2021, il fonde avec deux autres auteurs et comédiens l'Asbl "Les Chevals de Troie". C'est en 2022 que son premier spectacle, à la fois en tant qu'auteur et comédien seul en scène, voit le jour : "Des Chèvres en Corrèze".
Et en Corrèze, nous y sommes dans ce spectacle ! Projetés dès les premiers instants dans une grotte verdoyante, c'est une immense confession intimiste qui nous est ensuite livrée. Certes, pas de divan ni de cabinet de psy mais, sur le plateau, un fauteuil d'époque sur lequel de la mousse a poussé, symbole d'une civilisation déplacée ou totalement obsolète. Quelques bûches et troncs d'arbres aussi et de nombreux cadavres de bouteilles d'alcool… Ça fait désordre dans cette nature, non ? Mais où sont les chèvres ?
© Louise-Marie Hubert.
Puis une voix surgit dont on ne sait où, grave et posée, qui emporte très vite le public, jusqu'au moment où le comédien apparaît, l'embarquant comme par magie dans un bien joli flot d'images fortes et évocatrices : "Puisque nous sommes tous ensemble, puisque vous êtes avec moi, je vais vous raconter une histoire. Mais pour ça, on doit essayer de se faire confiance. On va se promettre que personne ne va casser la gueule à personne ni dire des conneries (…) . Comme ça, si tout le monde promet, on pourra se sentir un peu plus en sécurité ! L'impression d'être en sécurité. Mais on se fiche de savoir si c'est vrai ou pas, on se fiche du fait qu'une promesse n'engage jamais personne réellement. De toute manière, il paraît qu'aujourd'hui, c'est aussi important que la vérité. L'impression que les gens ont !" (extrait de la pièce).
Au fil des mots et du jeu magistralement maîtrisés par le comédien, les chèvres n'apparaissent pourtant toujours pas, mais c'est une brebis égarée que nous découvrons qui témoigne de son grand désarroi généré par un monde qui va mal : crises financières, attentats, confinements, pandémies, inondations, incendies, guerres. Sans compter la culture qui ne va pas bien mieux. "Même si tu choisis de manger bio, les nappes phréatiques sont, de toute façon, saturées de glyphosate".
Dimitri Lepage interprète à merveille cet homme en souffrance qui fait entrer à grandes enjambées le spectateur dans son univers intérieur et, comme une sorte de miroir, nous retrouvons dans sa logorrhée virevoltante, non dénuée d'un certain humour, un peu de nous-mêmes à plusieurs reprises. Dans sa grotte, il hurle à pleins poumons et à pleine gorge ce que beaucoup d'entre nous ressentent, mais c'est pourtant à un moment de grande poésie théâtrale que nous assistons !
C'est sans doute là l'immense magie du théâtre et de ses pouvoirs, surtout quand ce dernier est éprouvé et transmis avec autant de force émotionnelle. Charles s'essouffle face aux dégâts de la société et reste finalement ce petit garçon solitaire qui soulève une grosse pierre sous laquelle il découvre des tas d'insectes grouillants qui le répugnent. Le petit garçon est devenu un homme, mais il est resté fragile, très fragile.
Au fil des mots et du jeu magistralement maîtrisés par le comédien, les chèvres n'apparaissent pourtant toujours pas, mais c'est une brebis égarée que nous découvrons qui témoigne de son grand désarroi généré par un monde qui va mal : crises financières, attentats, confinements, pandémies, inondations, incendies, guerres. Sans compter la culture qui ne va pas bien mieux. "Même si tu choisis de manger bio, les nappes phréatiques sont, de toute façon, saturées de glyphosate".
Dimitri Lepage interprète à merveille cet homme en souffrance qui fait entrer à grandes enjambées le spectateur dans son univers intérieur et, comme une sorte de miroir, nous retrouvons dans sa logorrhée virevoltante, non dénuée d'un certain humour, un peu de nous-mêmes à plusieurs reprises. Dans sa grotte, il hurle à pleins poumons et à pleine gorge ce que beaucoup d'entre nous ressentent, mais c'est pourtant à un moment de grande poésie théâtrale que nous assistons !
C'est sans doute là l'immense magie du théâtre et de ses pouvoirs, surtout quand ce dernier est éprouvé et transmis avec autant de force émotionnelle. Charles s'essouffle face aux dégâts de la société et reste finalement ce petit garçon solitaire qui soulève une grosse pierre sous laquelle il découvre des tas d'insectes grouillants qui le répugnent. Le petit garçon est devenu un homme, mais il est resté fragile, très fragile.
© Louise-Marie Hubert.
Le conte triste et hautement philosophique que Charles (Dimitri) nous raconte ici, c'est le nôtre, empreint d'une grande humanité et d'un humanisme à la fois inquiétant et optimiste. Paradoxe s'il en est, mais n'est-ce pas là le propre de l'Homme ! Coincé dans des crises d'angoisse qui passent aux yeux des autres pour de la paresse, Charles est la désespérance incarnée et, semblable à un Rabelais, il nous livre sa vision bien sombre de l'humanité et indirectement de la modernité qui n'a pas tenu ses promesses en tant qu'émancipation sociale. Certes, il y a eu les progrès infinis de la science et de la technique.
Mais l'homme ? Charles, encore une fois, est celui qui hurle qu'il serait bon de restaurer l'Homme dans sa dignité, de repenser l'action et surtout ses représentations intrinsèques et de respecter un tant soit peu les aspirations spirituelles de chacun et chacune.
Ici, à Avignon, Dimitri Lepage est à sa manière le "Alain Bauer" belge, mais lui, il écrit librement et magnifiquement sur des choses sérieuses et transmet avec brio, tel un conteur des temps modernes, les tourments d'un monde qui vacille.
C'est un conteur un peu griot, un peu aède qui, de toute évidence, n'a pas traversé qu'un long fleuve tranquille malgré son jeune âge. Tant mieux, pourrait-on dire, parce qu'il a puisé dans ce dernier la substantifique moelle pour un très très grand moment de théâtre.
Puisse ce comédien hors pair trouver sous le soleil accablant d'Avignon quelques lueurs d'espoir et admettre quand même que l'humanisme est bien au-delà de toutes les autres valeurs. Dans sa grotte, il cherche désespérément le dernier endroit où ce dernier est encore vivant et derrière une vision bien pessimiste en chante pourtant le los.
Foi en l'humanisme ! Foi dans le théâtre et ses pouvoirs démesurés ! Il y a tout ça dans ce spectacle remarquable à plusieurs niveaux. Devant l'Episcène où il se produit tous les jours, "Dimitri Charles" (ou peut-être Charles Dimitri), mais, après tout, on s'en fiche, nous confie que son texte est deux fois plus long, mais que pour le plus grand festival de théâtre du monde, il a fallu faire des choix…
Certes, choisir, c'est renoncer ! Nous aurions pourtant tellement aimé en entendre davantage et nous glisser encore un peu plus longtemps dans sa grotte et y rester longtemps, longtemps…
Mais l'homme ? Charles, encore une fois, est celui qui hurle qu'il serait bon de restaurer l'Homme dans sa dignité, de repenser l'action et surtout ses représentations intrinsèques et de respecter un tant soit peu les aspirations spirituelles de chacun et chacune.
Ici, à Avignon, Dimitri Lepage est à sa manière le "Alain Bauer" belge, mais lui, il écrit librement et magnifiquement sur des choses sérieuses et transmet avec brio, tel un conteur des temps modernes, les tourments d'un monde qui vacille.
C'est un conteur un peu griot, un peu aède qui, de toute évidence, n'a pas traversé qu'un long fleuve tranquille malgré son jeune âge. Tant mieux, pourrait-on dire, parce qu'il a puisé dans ce dernier la substantifique moelle pour un très très grand moment de théâtre.
Puisse ce comédien hors pair trouver sous le soleil accablant d'Avignon quelques lueurs d'espoir et admettre quand même que l'humanisme est bien au-delà de toutes les autres valeurs. Dans sa grotte, il cherche désespérément le dernier endroit où ce dernier est encore vivant et derrière une vision bien pessimiste en chante pourtant le los.
Foi en l'humanisme ! Foi dans le théâtre et ses pouvoirs démesurés ! Il y a tout ça dans ce spectacle remarquable à plusieurs niveaux. Devant l'Episcène où il se produit tous les jours, "Dimitri Charles" (ou peut-être Charles Dimitri), mais, après tout, on s'en fiche, nous confie que son texte est deux fois plus long, mais que pour le plus grand festival de théâtre du monde, il a fallu faire des choix…
Certes, choisir, c'est renoncer ! Nous aurions pourtant tellement aimé en entendre davantage et nous glisser encore un peu plus longtemps dans sa grotte et y rester longtemps, longtemps…
"Des chèvres en Corrèze"
Seul en scène entre conte et théâtre.
Texte : Dimitri Lepage.
Mise en scène : Jérôme Jacob-Paquay.
Avec : Dimitri Lepage.
Décor et costumes : Anne-Frédérique Bailly
Par la Compagnie Les Chevals de Troie.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h 15.
•Avignon Off 2023•
Du 6 au 29 Juillet 2023.
Tous les jours à 10h. Relâche le lundi.
Théâtre Episcène, 5, rue Ninon Vallin, Avignon.
Réservations : 04 90 01 90 54.
>> episcene.be
Texte : Dimitri Lepage.
Mise en scène : Jérôme Jacob-Paquay.
Avec : Dimitri Lepage.
Décor et costumes : Anne-Frédérique Bailly
Par la Compagnie Les Chevals de Troie.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h 15.
•Avignon Off 2023•
Du 6 au 29 Juillet 2023.
Tous les jours à 10h. Relâche le lundi.
Théâtre Episcène, 5, rue Ninon Vallin, Avignon.
Réservations : 04 90 01 90 54.
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