© Severin Albert.
Cartes brouillées pour le public, mais aussi jeu de rôles périlleux pour les deux sœurs qui s'égratignent l'une l'autre, jusqu'à se griffer le cœur, prises au jeu libérateur qu'elles mettent en œuvre. Mais Genet n'use pas de ce stratagème uniquement dans un but dramatique. En changeant de rôle, en changeant de nom, les deux bonnes ne sont plus alors que des fonctions, comme Madame que l'on n'appelle jamais que sous ce titre. Bonnes, elles sont, des servantes aux ordres, asservies, interchangeables et anonymes pour les bourgeois, comme des machines - d'ailleurs Madame ne cesse pas de les confondre l'une et l'autre.
Genet trace ainsi les résurgences de la colère née de l'humiliation, de la négation de ces deux sœurs. Sœurs déjà, elles sont depuis leurs naissances le miroir l'une de l'autre, bonnes, elles ne se définissent que par rapport à leur maîtresse. Une colère qui se transforme en haine, qui murit en désir de révolte et qui se développe en haine, en meurtre. Pourtant, les deux caractères sont complémentaires, mais très différents. L'une, la plus jeune, est plus provocatrice, extrémiste, elle domine sa sœur qui semble plus concrète, plus réaliste et plus sensible.
Genet trace ainsi les résurgences de la colère née de l'humiliation, de la négation de ces deux sœurs. Sœurs déjà, elles sont depuis leurs naissances le miroir l'une de l'autre, bonnes, elles ne se définissent que par rapport à leur maîtresse. Une colère qui se transforme en haine, qui murit en désir de révolte et qui se développe en haine, en meurtre. Pourtant, les deux caractères sont complémentaires, mais très différents. L'une, la plus jeune, est plus provocatrice, extrémiste, elle domine sa sœur qui semble plus concrète, plus réaliste et plus sensible.
© Severin Albert.
Tout est symbole, image, projection dans la pièce de Genet. On s'en rend immédiatement compte dans la mise en scène déviée du réel de Bea Gerzsenyi. C'est de jeu de pouvoir, de soumission, de réaction, de violence et d'intérêt qui se décline sur tout le fil dramatique de la pièce. Et c'est surtout le temps présent qui tend toute l'attention. Le spectateur, dès les premières minutes, est plongé dans une scène qui a commencé bien avant, et tous les enchaînements se feront sur ce mode imprévisible. Il n'y a pas de suspens, pas de scénario dont on attend la suite avec curiosité, impatience ou peur. C'est un moment présent qui ne cesse de s'enfanter lui-même à chaque minute, à chaque scène.
En cela, Claire et Solange sont enfermées dans un système qu'elles créent et qui les recrache perpétuellement. Car elles sont finalement des êtres sans identité propre, elles en changent d'ailleurs sans cesse, l'une devenant l'autre ou Madame, leur maîtresse. Maîtresse dans tous les sens du terme : celle qui domine ou celle qui nous possède et que l'on possède en retour. Des êtres qui n'ont pas leur place propre non plus dans cette machine qu'est la société. Elles sont une fonction, des bonnes, mais elles n'existent que parce que Madame existe, elles ne font que ce que Madame exige d'elles.
La mise en scène de Bea Gerzsenyi propulse Claire et Solange, les deux bonnes, dans un monde à l'opposé de tout réalisme. L'univers de l'appartement est symbolisé par une moquette bleu roi, des meubles rendus presque organiques à cause de leurs matières couleur de chair et un immense miroir sans tain, coupant comme la lame d'une guillotine (image de la menace de la justice, mais aussi de l'extase dans le sacrifice). Les deux interprètes évoluent dans cet espace comme des jouteurs dans l'arène.
Même lorsqu'elles sont à distance l'une de l'autre, même séparée par les reflets juxtaposés de leurs visages dans le miroir sans tain, c'est à un corps-à-corps auquel elles nous convient : Sabrina Bus, Solange, forte d'une androgyne autorité, est d'une justesse, d'une âpreté presque palpable, ses phrases, comme ses étreintes aussi brulantes que la glace, Grace Lynn Mendes, Claire, est l'autre face de sa sœur, féminine, écorchée, tremblante, elle est la sensible part de victime de ce couple qui, assemblé, donne une idée du monstre qui se cache en l'humain. Et cette danse dangereuse est magnifiée par la superbe langue de Genet.
En cela, Claire et Solange sont enfermées dans un système qu'elles créent et qui les recrache perpétuellement. Car elles sont finalement des êtres sans identité propre, elles en changent d'ailleurs sans cesse, l'une devenant l'autre ou Madame, leur maîtresse. Maîtresse dans tous les sens du terme : celle qui domine ou celle qui nous possède et que l'on possède en retour. Des êtres qui n'ont pas leur place propre non plus dans cette machine qu'est la société. Elles sont une fonction, des bonnes, mais elles n'existent que parce que Madame existe, elles ne font que ce que Madame exige d'elles.
La mise en scène de Bea Gerzsenyi propulse Claire et Solange, les deux bonnes, dans un monde à l'opposé de tout réalisme. L'univers de l'appartement est symbolisé par une moquette bleu roi, des meubles rendus presque organiques à cause de leurs matières couleur de chair et un immense miroir sans tain, coupant comme la lame d'une guillotine (image de la menace de la justice, mais aussi de l'extase dans le sacrifice). Les deux interprètes évoluent dans cet espace comme des jouteurs dans l'arène.
Même lorsqu'elles sont à distance l'une de l'autre, même séparée par les reflets juxtaposés de leurs visages dans le miroir sans tain, c'est à un corps-à-corps auquel elles nous convient : Sabrina Bus, Solange, forte d'une androgyne autorité, est d'une justesse, d'une âpreté presque palpable, ses phrases, comme ses étreintes aussi brulantes que la glace, Grace Lynn Mendes, Claire, est l'autre face de sa sœur, féminine, écorchée, tremblante, elle est la sensible part de victime de ce couple qui, assemblé, donne une idée du monstre qui se cache en l'humain. Et cette danse dangereuse est magnifiée par la superbe langue de Genet.
"Les Bonnes"
© Severin Albert.
Texte : Jean Genet.
Mise en scène : Bea Gerzsenyi.
Avec : Sabrina Bus, Grace Lynn Mendes.
Scénographie : Pierre Lepretre sur une idée de Bea Gerzsenyi.
Costumière : Kata Őry.
Compositeur : Damien Domenget.
Création lumière : Antoine Longère.
Prodution La Caucasienne.
Coprod : La Compagnie Véhicule.
Durée : 1 h.
À partir de 11 ans.
•Avignon Off 2022•
Du 6 au 28 juillet 2022.
Tous les jours à 14 h 35, relâche le mardi.
Espace Alya, Salle D, 31 bis, rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 90 27 38 23.
>> alyatheatre.com
Mise en scène : Bea Gerzsenyi.
Avec : Sabrina Bus, Grace Lynn Mendes.
Scénographie : Pierre Lepretre sur une idée de Bea Gerzsenyi.
Costumière : Kata Őry.
Compositeur : Damien Domenget.
Création lumière : Antoine Longère.
Prodution La Caucasienne.
Coprod : La Compagnie Véhicule.
Durée : 1 h.
À partir de 11 ans.
•Avignon Off 2022•
Du 6 au 28 juillet 2022.
Tous les jours à 14 h 35, relâche le mardi.
Espace Alya, Salle D, 31 bis, rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 90 27 38 23.
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