© Hubert Amiel.
Jouant sur tous les tableaux, ils sont concomitamment les personnages, les comédiens qui auront à endosser leurs rôles (rôles restant à définir, à la même enseigne que l'intrigue) et, éventuellement, eux-mêmes. Jonglant en permanence sur ces niveaux de réalité et de fiction dédoublés pour ne pas dire détriplés, on est pris dans un mouvement hallucinatoire faisant vaciller tous repères. D'autant plus que, facétieux comme pas deux, ils feignent eux-mêmes ne plus savoir parfois si leur partenaire à qui il s'adresse est l'acteur ou le personnage ou la personne, créant des quiproquos garantis.
Tout commence par un exercice d'échauffement collectif, une expérience immersive à but intégratif visant à créer une seule communauté, fondant salle et plateau dans la même unité de recherche… Un choux-fleur présenté sur un piédestal devient par la grâce de l'imaginaire un cerveau humain, apte très vite à parler par imitation des sons entendus, mais prenant plus de temps pour acquérir la capacité d'écrire… C'est donc difficile d'écrire un spectacle à écrire, en conclut la comédienne, l'air penaud, d'où la participation bienvenue du public impliqué dans l'écriture de cette œuvre titanesque.
Chacun se sentant désormais embarqué dans la même galère - sauf le décor et les machineries acheminés en avance par voie maritime -, il va falloir ramer dur pour que le spectacle, dont des fragments vont être présentés ce soir, soit au rendez-vous du Festival Contemporain International du Québec. Des papiers et crayons sont distribués pour permettre aux participants associés de noter leurs questions à poser ensuite autour du bar. Dernière précision : une interview avec Radio Canada est prévue en direct d'ici trois quarts d'heure une heure, c'est gênant, on sait, mais le créneau a été imposé…
Tout commence par un exercice d'échauffement collectif, une expérience immersive à but intégratif visant à créer une seule communauté, fondant salle et plateau dans la même unité de recherche… Un choux-fleur présenté sur un piédestal devient par la grâce de l'imaginaire un cerveau humain, apte très vite à parler par imitation des sons entendus, mais prenant plus de temps pour acquérir la capacité d'écrire… C'est donc difficile d'écrire un spectacle à écrire, en conclut la comédienne, l'air penaud, d'où la participation bienvenue du public impliqué dans l'écriture de cette œuvre titanesque.
Chacun se sentant désormais embarqué dans la même galère - sauf le décor et les machineries acheminés en avance par voie maritime -, il va falloir ramer dur pour que le spectacle, dont des fragments vont être présentés ce soir, soit au rendez-vous du Festival Contemporain International du Québec. Des papiers et crayons sont distribués pour permettre aux participants associés de noter leurs questions à poser ensuite autour du bar. Dernière précision : une interview avec Radio Canada est prévue en direct d'ici trois quarts d'heure une heure, c'est gênant, on sait, mais le créneau a été imposé…
© Hubert Amiel.
Au moment où les deux premières scènes s'apprêtent à être jouées, première interruption. Lui coupe net sa partenaire, conscient de ne pas avoir présenté les personnages ni la situation… C'est la nuit. Un auteur insomniaque qui n'écrit pas. C'est un auteur qui attend d'écrire. Elle le contredit. C'est pas ça. Ça serait mieux de commencer avant. Le régisseur intervient de son pupitre en haut des gradins pour mettre un terme à la discussion en lançant le noir du plateau. Courte scène, la femme venue du ciel est attirée par le désir de cet homme pour arriver dans son imagination. Lumières aveuglantes. Noir.
Débriefing. Lui, commente. L'homme serait assis dans un fauteuil rouge. Et découvrant qu'il est lui-même assis dans un fauteuil… rouge, il ajoute… Ce type pourrait bien être moi. Et même si ça se trouve, c'est peut-être quelqu'un qui écrit ce que je dis ! L'acteur soupçonnant le personnage auteur insomniaque qu'il incarne de lui piquer son texte… Du Raymond Devos pur jus jouant avec des dimensions parallèles à rendre fou… C'est-à-dire jouer avec "l'illusion comique" du théâtre, lieu par excellence des représentations.
À l'instar de l'humoriste belge, lui aussi se met à prendre la voix d'un spectateur irrité pour questionner véhémentement le concept même de leur spectacle… Mais oui Monsieur, c'est qui cette femme venue de nulle part ? Et les autres personnages qui sont-ils ? C'est tout de même pas à nous de vous le dire !!! Lui, sourire débonnaire accroché à ses lèvres, confie… Je sais pas où je vais. La nuit j'arrive pas à dormir. Je me demande où elle peut bien être. J'essaie de voir les étoiles. J'étais sur ma terrasse. Je mets un sucre dans mon café… Et là glissement vers un délire abracadabrantesque autour de l'impact d'un sucre dans une tasse de café créant une réaction en chaîne propre à dissocier l'ordre des molécules… et à provoquer l'élément déclencheur de l'action dramatique… Elle a dû décoller au moment du sucre dans la tasse… Plongée au cœur même du noyau cellulaire nucléaire de la création artistique.
Débriefing. Lui, commente. L'homme serait assis dans un fauteuil rouge. Et découvrant qu'il est lui-même assis dans un fauteuil… rouge, il ajoute… Ce type pourrait bien être moi. Et même si ça se trouve, c'est peut-être quelqu'un qui écrit ce que je dis ! L'acteur soupçonnant le personnage auteur insomniaque qu'il incarne de lui piquer son texte… Du Raymond Devos pur jus jouant avec des dimensions parallèles à rendre fou… C'est-à-dire jouer avec "l'illusion comique" du théâtre, lieu par excellence des représentations.
À l'instar de l'humoriste belge, lui aussi se met à prendre la voix d'un spectateur irrité pour questionner véhémentement le concept même de leur spectacle… Mais oui Monsieur, c'est qui cette femme venue de nulle part ? Et les autres personnages qui sont-ils ? C'est tout de même pas à nous de vous le dire !!! Lui, sourire débonnaire accroché à ses lèvres, confie… Je sais pas où je vais. La nuit j'arrive pas à dormir. Je me demande où elle peut bien être. J'essaie de voir les étoiles. J'étais sur ma terrasse. Je mets un sucre dans mon café… Et là glissement vers un délire abracadabrantesque autour de l'impact d'un sucre dans une tasse de café créant une réaction en chaîne propre à dissocier l'ordre des molécules… et à provoquer l'élément déclencheur de l'action dramatique… Elle a dû décoller au moment du sucre dans la tasse… Plongée au cœur même du noyau cellulaire nucléaire de la création artistique.
© Hubert Amiel.
Clap, on tourne. Elle descend lentement de la grande échelle (le ciel, c'est très haut), nimbée dans un nuage de fumée, séductrice, pour venir le surprendre, lui, allongé dans son fauteuil rouge… Et là vous me regardez, dit-elle à l'acteur, et vous me dites quoi ? Et les comédiens inventent ensemble le dialogue entre leurs personnages dans un jeu de séduction impliquant aussi leurs personnes. Le théâtre dans le théâtre dans le théâtre… Le régisseur criera qu'il est un peu perdu par ces changements incessants qui perturbent les techniciens.
Autre moment fort parmi d'autres encore, celui où elle croit s'adresser à lui, son partenaire, alors que lui, joue déjà l'auteur insomniaque… Ça se voit pas quand je suis l'auteur ? Ça m'inquiète si on ne voit pas quand c'est moi, et quand c'est pas moi… Il appelle son chien (qui est assurément quelqu'un, comme celui de Devos) et joue avec lui une nouvelle séquence hallucinatoire où nous, comme lui, savons pertinemment que de chien, il n'y en a pas sur le plateau, mais, où d'un pacte tacite, nous le voyons exister.
Et puis il y aura en dernière minute l'inénarrable interview du speaker de Radio Canada suscitant les réponses d'une "Fabrique imaginaire" n'en manquant pas pour botter en touche. De cette heure et demie menée tambour battant par deux comédiens irradiant de plaisir de jouer, on ressort comme d'un bain régénérant émergeant de l'offre pléthorique des spectacles du Off. Les coulisses d'une création, ses interrogations, ses flashs lumineux, le pacte secret entre l'acteur et son personnage, tout cela est une scène en soi, la partie immergée de l'iceberg Théâtre dont habituellement on ne perçoit qu'un petit dixième.
Quant à l'humour tout en finesse subtile de ces deux Belges, Dionysos, dieu du théâtre (c'est tout de même une référence dans le domaine des Arts et Lettres), clame de sa voix de stentor - et ce, depuis le 7 juillet, date de la première à Avignon - qu'il vaut le Détour(s). Alors si le vieux le dit…
Autre moment fort parmi d'autres encore, celui où elle croit s'adresser à lui, son partenaire, alors que lui, joue déjà l'auteur insomniaque… Ça se voit pas quand je suis l'auteur ? Ça m'inquiète si on ne voit pas quand c'est moi, et quand c'est pas moi… Il appelle son chien (qui est assurément quelqu'un, comme celui de Devos) et joue avec lui une nouvelle séquence hallucinatoire où nous, comme lui, savons pertinemment que de chien, il n'y en a pas sur le plateau, mais, où d'un pacte tacite, nous le voyons exister.
Et puis il y aura en dernière minute l'inénarrable interview du speaker de Radio Canada suscitant les réponses d'une "Fabrique imaginaire" n'en manquant pas pour botter en touche. De cette heure et demie menée tambour battant par deux comédiens irradiant de plaisir de jouer, on ressort comme d'un bain régénérant émergeant de l'offre pléthorique des spectacles du Off. Les coulisses d'une création, ses interrogations, ses flashs lumineux, le pacte secret entre l'acteur et son personnage, tout cela est une scène en soi, la partie immergée de l'iceberg Théâtre dont habituellement on ne perçoit qu'un petit dixième.
Quant à l'humour tout en finesse subtile de ces deux Belges, Dionysos, dieu du théâtre (c'est tout de même une référence dans le domaine des Arts et Lettres), clame de sa voix de stentor - et ce, depuis le 7 juillet, date de la première à Avignon - qu'il vaut le Détour(s). Alors si le vieux le dit…
"Détours et autres digressions"
© Hubert Amiel.
Conception, écriture : Ève Bonfanti, Yves Hunstad.
Mise en scène : Ève Bonfanti, Yves Hunstad.
Avec : Ève Bonfanti, Yves Hunstad.
Création lumière et son : Léonard Clarys.
Direction d'acteur : Monique Cappeau.
Musique originale : "Queen of Jupiter" de Lola Bonfanti.
Voix de l'enfant : Moïno Bonfanti.
Régie : Gaétan van der Berg ou Baptiste Leclere.
Par la Cie La Fabrique Imaginaire.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h 30.
•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Tous les jours à 20 h, relâche le mercredi.
La Fabrik Théâtre, 10, route de Lyon, impasse Favot, Avignon.
Réservations : 04 90 86 47 81.
>> fabriktheatre.fr
Mise en scène : Ève Bonfanti, Yves Hunstad.
Avec : Ève Bonfanti, Yves Hunstad.
Création lumière et son : Léonard Clarys.
Direction d'acteur : Monique Cappeau.
Musique originale : "Queen of Jupiter" de Lola Bonfanti.
Voix de l'enfant : Moïno Bonfanti.
Régie : Gaétan van der Berg ou Baptiste Leclere.
Par la Cie La Fabrique Imaginaire.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h 30.
•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Tous les jours à 20 h, relâche le mercredi.
La Fabrik Théâtre, 10, route de Lyon, impasse Favot, Avignon.
Réservations : 04 90 86 47 81.
>> fabriktheatre.fr