© François-Louis Athénas.
Le loup dans la bergerie prendra le visage d'un jeune pseudo-fou de Dieu séduisant la belle gazelle sur un réseau social. Mais comme la vie est plus forte que la mort à l'œuvre - pur "pari" pascalien -, Facebook perdra in fine la face…
Ahmed Madani, dont le manifeste artistique s'articule, de création en création, autour du destin de la jeunesse des quartiers populaires (Cf. "F(l)ammes", présenté en 2016 à Avignon au Théâtre des Halles), creuse ici la problématique des rencontres Internet où des manipulateurs "divinement" séducteurs ensorcèlent des jeunes gens naïfs vibrant à l'appel des sens, confondu - à mauvais escient - avec celui du Dieu omnipotent.
Bien évidemment, quelles que soient leur complicité réelle et leur tendresse réciproque, la mère et la fille, fusionnelles autour du succulent fondant au chocolat qui scande chaque anniversaire, diffèrent sur certaines appréciations. Ainsi, quand la mère vante les mérites de l'appartement moderne acquis pour les mettre "à l'abri", l'adolescente n'y voit qu'un immeuble aux cloisons si fines qu'elles laissent tout filtrer, habité par des vieux surveillant les faits et gestes de chacun… lorsqu'ils n'ont pas oublié le code de sécurité pour rejoindre leur tour de contrôle.
C'est dans cet espace présenté avec humour que le drame (au sens théâtral) va se dérouler en faisant se rejoindre passé et présent. De même que le récit s'émaille de retours en arrière, le discours fera alterner dialogue et narration, les personnages faisant alors face au public pour commenter de manière distanciée l'histoire afin de la mettre en abyme. Ainsi le rythme impulsé par cette "architecture dramatique" est-il garant de l'intérêt toujours soutenu.
Ahmed Madani, dont le manifeste artistique s'articule, de création en création, autour du destin de la jeunesse des quartiers populaires (Cf. "F(l)ammes", présenté en 2016 à Avignon au Théâtre des Halles), creuse ici la problématique des rencontres Internet où des manipulateurs "divinement" séducteurs ensorcèlent des jeunes gens naïfs vibrant à l'appel des sens, confondu - à mauvais escient - avec celui du Dieu omnipotent.
Bien évidemment, quelles que soient leur complicité réelle et leur tendresse réciproque, la mère et la fille, fusionnelles autour du succulent fondant au chocolat qui scande chaque anniversaire, diffèrent sur certaines appréciations. Ainsi, quand la mère vante les mérites de l'appartement moderne acquis pour les mettre "à l'abri", l'adolescente n'y voit qu'un immeuble aux cloisons si fines qu'elles laissent tout filtrer, habité par des vieux surveillant les faits et gestes de chacun… lorsqu'ils n'ont pas oublié le code de sécurité pour rejoindre leur tour de contrôle.
C'est dans cet espace présenté avec humour que le drame (au sens théâtral) va se dérouler en faisant se rejoindre passé et présent. De même que le récit s'émaille de retours en arrière, le discours fera alterner dialogue et narration, les personnages faisant alors face au public pour commenter de manière distanciée l'histoire afin de la mettre en abyme. Ainsi le rythme impulsé par cette "architecture dramatique" est-il garant de l'intérêt toujours soutenu.
© François-Louis Athénas.
Le premier flash-back est "édifiant". La mère, musulmane non pratiquante émancipée, ex-épouse d'un Français, revenant du village maghrébin où vient d'avoir lieu l'enterrement de sa mère, confie à sa fille l'interdiction qui lui était adressée en tant que femme d'être présente au cimetière, et comment elle s'était alors imposée en haussant le ton. Suite à quoi, sa fille désapprouvant ouvertement ce comportement mécréant voit apparaître sa grand-mère qui lui dit que si sa mère continue à manger du saucisson, elle n'ira pas au paradis…
Le conflit rôde très vite autour des diktats de la religion, ressentis par la mère comme une source d'oppression insupportable, par la fille comme la voi(e)x à suivre pour mériter le royaume d'Allah. Au rythme de la radicalisation de la jeune fille subjuguée par les déclarations amoureuses du beau jeune homme barbu qui lui parle par le truchement de Skype, les tensions vont s'accentuer.
Alors que la mère crie son besoin d'aimer - un homme, une femme, peu importe - pour échapper à sa solitude, sa fille est outrée par ses penchants impies et moque ironiquement son compagnon précédent qu'elle a réussi à chasser de leur vie. Elle oppose à ces "offenses", le discours "vertueux" prôné par le Coran sur "la" femme pieuse et respectueuse de l'époux, seigneur et maître. D'ailleurs, elle refusera désormais les cours de violon, la musique étant considérée comme un péché capital.
Entrecoupée par des scènes de liesse qui les unissaient autrefois, la tension présente n'en est que plus palpable… l'humour étant toujours là cependant pour apporter le souffle de fraîcheur nécessaire à la respiration. Ainsi, lorsque la jeune fille évoque que pour faire sortir d'elle les djinns malveillants, son beau gourou lui a conseillé un livre (à 19 €…), elle précise "naturellement" à sa mère qu'il ne s'agit là pas de pantalons ; de même pour le discours grandguignolesque du prédicateur, projeté en direct sur grand écran, se vantant d'avoir abattu à la kalachnikov six mécréants la veille, ponctué par la proposition d'une balade en luxueux 4x4 américain dans un désert de rêve…
Mais la légèreté n'occulte aucunement le tragique à imputer aux fous de Dieu qui, en utilisant des informations fallacieuses - "infox" en français, mot valise formé à partir des mots "information" et "intoxication" -, intoxiquent les jeunes proies candides pour en faire des kamikazes exaltés au service de leur cause criminelle. Sauf que là encore, le prédicateur recruteur se fera "démasquer" dans une chute, digne de celle de "Comme il vous plaira" de William Shakespeare où on apprendra que le héros du désert n'est pas exactement celui que l'on pensait. "Le monde entier est un théâtre et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Notre vie durant nous jouons plusieurs rôles".
Objet théâtral mixant plusieurs degrés d'écritures et plusieurs tons, "J'ai rencontré Dieu sur Facebook" est sans conteste une forme aboutie… et ouverte au questionnement. Qui sont ces exaltés de Dieu rencontrés sur Internet ? Si on tirait sur leur barbe, que découvrirait-on de frustrations enfouies et de souffrances personnelles cristallisées dans une revendication asservie à un Dieu tout-puissant ? Les trois acteurs, excellents (sic), nous convainquent que si le monde entier est un théâtre, le monde, alors, a beaucoup à gagner à s'y rendre.
Le conflit rôde très vite autour des diktats de la religion, ressentis par la mère comme une source d'oppression insupportable, par la fille comme la voi(e)x à suivre pour mériter le royaume d'Allah. Au rythme de la radicalisation de la jeune fille subjuguée par les déclarations amoureuses du beau jeune homme barbu qui lui parle par le truchement de Skype, les tensions vont s'accentuer.
Alors que la mère crie son besoin d'aimer - un homme, une femme, peu importe - pour échapper à sa solitude, sa fille est outrée par ses penchants impies et moque ironiquement son compagnon précédent qu'elle a réussi à chasser de leur vie. Elle oppose à ces "offenses", le discours "vertueux" prôné par le Coran sur "la" femme pieuse et respectueuse de l'époux, seigneur et maître. D'ailleurs, elle refusera désormais les cours de violon, la musique étant considérée comme un péché capital.
Entrecoupée par des scènes de liesse qui les unissaient autrefois, la tension présente n'en est que plus palpable… l'humour étant toujours là cependant pour apporter le souffle de fraîcheur nécessaire à la respiration. Ainsi, lorsque la jeune fille évoque que pour faire sortir d'elle les djinns malveillants, son beau gourou lui a conseillé un livre (à 19 €…), elle précise "naturellement" à sa mère qu'il ne s'agit là pas de pantalons ; de même pour le discours grandguignolesque du prédicateur, projeté en direct sur grand écran, se vantant d'avoir abattu à la kalachnikov six mécréants la veille, ponctué par la proposition d'une balade en luxueux 4x4 américain dans un désert de rêve…
Mais la légèreté n'occulte aucunement le tragique à imputer aux fous de Dieu qui, en utilisant des informations fallacieuses - "infox" en français, mot valise formé à partir des mots "information" et "intoxication" -, intoxiquent les jeunes proies candides pour en faire des kamikazes exaltés au service de leur cause criminelle. Sauf que là encore, le prédicateur recruteur se fera "démasquer" dans une chute, digne de celle de "Comme il vous plaira" de William Shakespeare où on apprendra que le héros du désert n'est pas exactement celui que l'on pensait. "Le monde entier est un théâtre et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Notre vie durant nous jouons plusieurs rôles".
Objet théâtral mixant plusieurs degrés d'écritures et plusieurs tons, "J'ai rencontré Dieu sur Facebook" est sans conteste une forme aboutie… et ouverte au questionnement. Qui sont ces exaltés de Dieu rencontrés sur Internet ? Si on tirait sur leur barbe, que découvrirait-on de frustrations enfouies et de souffrances personnelles cristallisées dans une revendication asservie à un Dieu tout-puissant ? Les trois acteurs, excellents (sic), nous convainquent que si le monde entier est un théâtre, le monde, alors, a beaucoup à gagner à s'y rendre.
"J'ai rencontré Dieu sur Facebook"
© François-Louis Athénas.
Texte : Ahmed Madani (publié aux éditions Actes Sud-Papiers).
Mise en scène : Ahmed Madani, assisté de Valentin Madani.
Avec : Mounira Barbouch, Louise Legendre, Valentin Madani.
Création sonore : Christophe Séchet.
Création lumière et régie générale : Damien Klein.
Costumes : Pascale Barré.
Madani Compagnie.
Durée : 1 h 30.
À partir de 13 ans.
•Avignon Off 2019•
Du 5 au 26 juillet 2019.
Tous les jours à 11 h 50, relâche le mercredi.
11 • Gilgamesh Belleville, Salle 1
11 bd Raspail.
Réservations : 04 90 89 82 63.
>> 11avignon.com
Mise en scène : Ahmed Madani, assisté de Valentin Madani.
Avec : Mounira Barbouch, Louise Legendre, Valentin Madani.
Création sonore : Christophe Séchet.
Création lumière et régie générale : Damien Klein.
Costumes : Pascale Barré.
Madani Compagnie.
Durée : 1 h 30.
À partir de 13 ans.
•Avignon Off 2019•
Du 5 au 26 juillet 2019.
Tous les jours à 11 h 50, relâche le mercredi.
11 • Gilgamesh Belleville, Salle 1
11 bd Raspail.
Réservations : 04 90 89 82 63.
>> 11avignon.com