© Samuel Rubio.
Sur scène, c'est un amoncellement de vaisselles brisées, disposées autour d'étagères habillées de quelques livres et de disques vinyles éparpillés au sol. Entre Ludwig Wittgenstein (Laurent Papot), portant difficilement une échelle sur le dos. Ce peut être un résumé de la pièce où les personnages sont debout mais prêt à tomber à tout instant. Wittgenstein est entourée de ses deux sœurs, Dene (Séverine Chavrier) et Ritter (Marie Bos) après son retour de l'asile.
L'atmosphère, nourrie de voix, de bruits, de vidéos, de musique, de photos, est appréhendée comme un personnage. Elle rend aussi compte, avec ses débarras et une vaisselle brisée en mille morceaux, d'une époque, pas tout à fait encore sortie de ses chamboulements de la Seconde Guerre mondiale, marquée par un passé nazi encore trop présent et que Thomas Bernhard (1931-1989), très critique à l'égard de son pays, l'Autriche, dénonçait. Kurt Waldheim* ne l'aurait pas démenti.
La scénographie, très chargée, est appuyée par un film vidéo et une caméra qui, pour le premier, montre les personnages dans différents endroits et, pour la deuxième, donne un aperçu de ce qui se passe sur scène sous différents angles.
Ludwig Wittgenstein a écrit, dans son célèbre "Tractatus logico-philosophicus" (1921), une réflexion sur le langage, ses limitations et la logique, avec ses contradictions inhérentes à ces propos. En préambule de l'ouvrage, et pour mettre en exergue l'indicibilité du langage, il reprend une phrase de l'écrivain autrichien Kürnberger (1821-1879) qui disait que "… tout ce que l'on sait, que l'on n'a pas seulement entendu comme un bruissement ou un grondement, se laisse dire en trois mots". Et du grondement et des bruissements, la pièce en regorge.
L'atmosphère, nourrie de voix, de bruits, de vidéos, de musique, de photos, est appréhendée comme un personnage. Elle rend aussi compte, avec ses débarras et une vaisselle brisée en mille morceaux, d'une époque, pas tout à fait encore sortie de ses chamboulements de la Seconde Guerre mondiale, marquée par un passé nazi encore trop présent et que Thomas Bernhard (1931-1989), très critique à l'égard de son pays, l'Autriche, dénonçait. Kurt Waldheim* ne l'aurait pas démenti.
La scénographie, très chargée, est appuyée par un film vidéo et une caméra qui, pour le premier, montre les personnages dans différents endroits et, pour la deuxième, donne un aperçu de ce qui se passe sur scène sous différents angles.
Ludwig Wittgenstein a écrit, dans son célèbre "Tractatus logico-philosophicus" (1921), une réflexion sur le langage, ses limitations et la logique, avec ses contradictions inhérentes à ces propos. En préambule de l'ouvrage, et pour mettre en exergue l'indicibilité du langage, il reprend une phrase de l'écrivain autrichien Kürnberger (1821-1879) qui disait que "… tout ce que l'on sait, que l'on n'a pas seulement entendu comme un bruissement ou un grondement, se laisse dire en trois mots". Et du grondement et des bruissements, la pièce en regorge.
© Samuel Rubio.
Ça crie, ça hurle, ça parle avec des cassures de rythmes et de tempo dans les voix. C'est intime, familier, rude et tendre à la fois. On mange sereinement puis on finit avec des profiteroles en plein visage, le tout ponctué par des engueulades ou des discussions intéressantes, anodines ou absurdes. La mise en table est aussi un cérémonial. C'est tout cet univers déjanté d'une famille autour de la figure du philosophe qui est mise en scène par Séverine Chavrier dans des situations créées par des personnages aux comportements passablement déjantés, foncièrement décalés, névrosés au bas mot. Leurs rapports alternent violence et tendresse sous des propos mâtinés d'une réelle franchise et d'une brusquerie dite sous les meilleurs auspices. Bref, quand la violence n'est pas dans le geste, elle est dans le mot.
Le jeu des acteurs est particulièrement réussi avec pour Laurent Papot, une incarnation remarquable de Wittgenstein qui le fait exister dans ses folies et ses déraisons. Son jeu consiste à traduire tous les excès et attitudes du philosophe par le biais de gesticulations soutenues par l'intensité du regard, par un corps presque en déséquilibre permanent et par l'oscillation d'une voix entre différentes tonalités.
La présence vocale est tout aussi prégnante chez Séverine Chavrier et surtout chez Marie Bos dont le timbre est particulièrement expressif. Leur jeu est beaucoup plus posé, presque calme, serein malgré le comportement de leur frère, le corps étant dans des attitudes plus "assises", comme acceptant un destin psychique familial autour du suicide de ses trois autres frères et la folie de Ludwig.Elles sont la raison d'une déraison, la trajectoire d'un chemin sinusoïdal qui pourrait nous mener vers la folie mais qui emprunte, grâce à elles, un détour vers un horizon où la musique devient le fil rouge du spectacle. Comme elle l'était pour Wittgenstein.
Et apparaît, dans quelques scènes, un brin d'humour autant dans les répliques que dans les gestuelles faisant de la pièce, une mosaïque de sentiments d'intensité à géométrie variable où une douce folie butine, sans être repue, avec l'absurde et le comique.
En trois mots… c'est superbe !
* Kurt Waldheim était secrétaire général des Nations Unies de 1972 à 1981 et président fédéral de la République d'Autriche de 1986 à 1992. Son passé nazi a été révélé le 3 mars 1986 par le journaliste Hubertus Czernin.
Le jeu des acteurs est particulièrement réussi avec pour Laurent Papot, une incarnation remarquable de Wittgenstein qui le fait exister dans ses folies et ses déraisons. Son jeu consiste à traduire tous les excès et attitudes du philosophe par le biais de gesticulations soutenues par l'intensité du regard, par un corps presque en déséquilibre permanent et par l'oscillation d'une voix entre différentes tonalités.
La présence vocale est tout aussi prégnante chez Séverine Chavrier et surtout chez Marie Bos dont le timbre est particulièrement expressif. Leur jeu est beaucoup plus posé, presque calme, serein malgré le comportement de leur frère, le corps étant dans des attitudes plus "assises", comme acceptant un destin psychique familial autour du suicide de ses trois autres frères et la folie de Ludwig.Elles sont la raison d'une déraison, la trajectoire d'un chemin sinusoïdal qui pourrait nous mener vers la folie mais qui emprunte, grâce à elles, un détour vers un horizon où la musique devient le fil rouge du spectacle. Comme elle l'était pour Wittgenstein.
Et apparaît, dans quelques scènes, un brin d'humour autant dans les répliques que dans les gestuelles faisant de la pièce, une mosaïque de sentiments d'intensité à géométrie variable où une douce folie butine, sans être repue, avec l'absurde et le comique.
En trois mots… c'est superbe !
* Kurt Waldheim était secrétaire général des Nations Unies de 1972 à 1981 et président fédéral de la République d'Autriche de 1986 à 1992. Son passé nazi a été révélé le 3 mars 1986 par le journaliste Hubertus Czernin.
"Nous sommes repus mais pas repentis (Déjeuner chez Wittgenstein)"
Texte : Thomas Bernhard.
Conception : Séverine Chavrier.
Scénographie : Benjamin Hautin.
Dramaturgie : Benjamin Chavrier.
Avec : Marie Bos (Ilse Ritter), Séverine Chavrier (Kirsten Dene), Laurent Papot (Gert Voss).
Lumière : Patrick Riou.
Son : Frédéric Morier.
Vidéo : Jérôme Vernez.
Et la participation en alternance des élèves du CRR - Conservatoire à Rayonnement Régional : Alma Bettencourt (piano), Maya Devane (violoncelle), Pierre Cornu-Deyme (flûte traversière), Juliette Benveniste (piano), Piermattia Severin (violon), Maïwen Levy (violoncelle), Isadora Hossenlop (piano), Zoé Moreau (violoncelle), Yan Maratka (clarinette).
Durée : 2 h 35, avec un entracte.
Du 13 au 29 mai 2016.
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 15 h
Théâtre de l'Odéon, Ateliers Berthier, Paris 17e, 01 44 85 40 40.
>> theatre-odeon.eu
Conception : Séverine Chavrier.
Scénographie : Benjamin Hautin.
Dramaturgie : Benjamin Chavrier.
Avec : Marie Bos (Ilse Ritter), Séverine Chavrier (Kirsten Dene), Laurent Papot (Gert Voss).
Lumière : Patrick Riou.
Son : Frédéric Morier.
Vidéo : Jérôme Vernez.
Et la participation en alternance des élèves du CRR - Conservatoire à Rayonnement Régional : Alma Bettencourt (piano), Maya Devane (violoncelle), Pierre Cornu-Deyme (flûte traversière), Juliette Benveniste (piano), Piermattia Severin (violon), Maïwen Levy (violoncelle), Isadora Hossenlop (piano), Zoé Moreau (violoncelle), Yan Maratka (clarinette).
Durée : 2 h 35, avec un entracte.
Du 13 au 29 mai 2016.
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 15 h
Théâtre de l'Odéon, Ateliers Berthier, Paris 17e, 01 44 85 40 40.
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