Théâtre

Mes prix littéraires... Une mise à nu de la vanité des vanités sous les comportements des cérémonieux

"Mes prix littéraires", Le Lucernaire, Paris

Dans "Mes prix littéraires", l'écrivain Thomas Bernhard lauréat et récipiendaire de prix littéraires se sent humilié d’être honoré par ceux qu’il méprise (et qui le méprisent). Tout à la fois sûr de lui et de son art. Dominateur et dévoré par des mesquineries. Il a l'égo blessé...



Claude Aufaure © Pascal Gely.
Et pour continuer de vivre de son art, Thomas Bernhard accepte la remise des prix littéraires de l’Autriche ou de la ville libre de Brême. Comme autant de couleuvres à avaler. Elles valent leur pesant de petitesses et d’humiliations intériorisées et fantasmées. Autant de déshonneurs infligés pour des louanges trop appuyées...

Multipliant les gammes et les variations sur les mêmes thèmes d'acrimonie provocante, il pointe les discordances des sentiments. À l’instar d’une musique sérielle authentiquement virtuose et viennoise qui ne saurait se détacher des exquisités des valses de Strauss, ou d’un morceau de papier collant sous la chaussure, l’auteur ressasse les aigreurs, déconstruit son récit, accumule les "je t’aime moi non plus" à l’infini. Thomas Bernhard dénonçant la vanité des institutions, étale la sienne propre...

Olivier Martinaud © Pascal Gely.
Avec sa lucidité non dénuée de naïveté, l’œuvre est étonnante. Mettant à nu la vanité des vanités sous les comportements des cérémonieux, elle est pain bénit pour la comédie et les comédiens s’en donnent à cœur joie. Le spectateur jubile. Pris à témoin, il perçoit par la personnalité des comédiens qui endossent chacun une proposition pour Thomas Bernhard combien l’ironie est à la recherche d’une harmonie improbable, d’un espace d’équilibre pour la sincérité.

Cela est follement drôle et inquiétant tant les traits sont ajustés. Les comédiens rigoureux taillent un bien beau costume à ce texte.

"Mes prix littéraires"

Claude Aufaure © Pascal Gely.
Auteur : Thomas Bernhard,
traduit de l'allemand par Daniel Mirsky.
Mise en scène : Olivier Martinaud.
Avec : Claude Aufaure (jusqu’au 31 mai), Laurent Sauvage (à partir du 3 juin) et Olivier Martinaud.
Lumières : Rémi Godfroy.
Durée : 1 h.

Du 7 mai au 5 juillet 2014.
Du mardi au samedi à 19 h.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Jean Grapin
Mercredi 11 Juin 2014
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