© Anthony Magnier.
Le plateau - où se dessine un cercle nu se métamorphosant au gré des péripéties en pièces du château maudit ou encore en la fameuse forêt vivante de Birnam -, livré tour à tour au burlesque débridé et au tragique shakespearien, dissimule autant qu'il révèle derrière un rideau de chaînes métalliques un arrière-plan où aura lieu entre autres le meurtre du roi Duncan. Ce second plan figure ce qui ne peut advenir en pleine lumière tant il recèle de turpitudes inavouables.
A contrario, côté cour, un curieux musicien live, debout derrière son pupitre, ponctuera de manière fantasque le drame par ses notes fabriquées artisanalement à vue (fourchettes ferraillant entre elles pour faire entendre la férocité des combats, respiration haletante mimant le vent déferlant sur le champ de bataille) après qu'une sulfureuse maîtresse de cérémonie, incarnant les trois sorcières et gainée superbement dans une robe-fourreau fendue jusqu'aux cuisses, n'eut accueilli, clin d'œil coquin à l'appui, le public l'immergeant ainsi de plain-pied dans l'action. Complicité spectateurs-acteurs et mélange des genres restituant "à merveille" l'esprit du théâtre élisabéthain, beaucoup moins corseté dans ses codes que le théâtre actuel.
A contrario, côté cour, un curieux musicien live, debout derrière son pupitre, ponctuera de manière fantasque le drame par ses notes fabriquées artisanalement à vue (fourchettes ferraillant entre elles pour faire entendre la férocité des combats, respiration haletante mimant le vent déferlant sur le champ de bataille) après qu'une sulfureuse maîtresse de cérémonie, incarnant les trois sorcières et gainée superbement dans une robe-fourreau fendue jusqu'aux cuisses, n'eut accueilli, clin d'œil coquin à l'appui, le public l'immergeant ainsi de plain-pied dans l'action. Complicité spectateurs-acteurs et mélange des genres restituant "à merveille" l'esprit du théâtre élisabéthain, beaucoup moins corseté dans ses codes que le théâtre actuel.
© Anthony Magnier.
D'emblée, le ton "délirant" annoncé, le rythme ne faiblira pas faisant alterner - pour ne pas dire coïncider - le comique et le tragique. Ainsi l'annonce du traître, le thane de Cawdor, décapité par le général Macbeth exposant fièrement sur le rempart du château la tronche du félon, s'accompagne-t-elle des accents d'une comptine enfantine pleine d'entrain, "j'entends le loup et le renard chanter…".
Contrastant avec cette insoupçonnable légèreté de l'être, Macbeth resté seul en scène - troublant William Mesguich passant du registre du guerrier triomphant à celui de l'homme torturé déjà par le remords à venir du régicide annoncé - est livré aux affres du doute qui le mine de l'intérieur. Seuls l'ambition de sa Lady et l'amour qu'il lui porte le font se ressaisir… avant d'être l'objet d'hallucinations fantastiques : à qui est ce poignard qui flotte au-dessus de sa tête ? Ce même poignard, on le verra, de sa main tenue, trancher la gorge du Roi Duncan dormant innocemment derrière le rideau métallique.
Accablé, effondré, détruit par un crime plus grand que lui, Macbeth-Mesguich revient titubant sur l'avant-scène. Les yeux hagards, il se bat avec ses mains maculées du sang indélébile dont il ne peut se défaire. Il appelle la mort à la rescousse… Mais, comme l'indique alors la sublime machiavélique maîtresse de cérémonie, les Portes de l'Enfer sont encombrées par la file des loueurs de logements - on est en juillet, Festival d'Avignon oblige… - et sa demande ne peut donc être satisfaite. Du moins en l'instant.
Contrastant avec cette insoupçonnable légèreté de l'être, Macbeth resté seul en scène - troublant William Mesguich passant du registre du guerrier triomphant à celui de l'homme torturé déjà par le remords à venir du régicide annoncé - est livré aux affres du doute qui le mine de l'intérieur. Seuls l'ambition de sa Lady et l'amour qu'il lui porte le font se ressaisir… avant d'être l'objet d'hallucinations fantastiques : à qui est ce poignard qui flotte au-dessus de sa tête ? Ce même poignard, on le verra, de sa main tenue, trancher la gorge du Roi Duncan dormant innocemment derrière le rideau métallique.
Accablé, effondré, détruit par un crime plus grand que lui, Macbeth-Mesguich revient titubant sur l'avant-scène. Les yeux hagards, il se bat avec ses mains maculées du sang indélébile dont il ne peut se défaire. Il appelle la mort à la rescousse… Mais, comme l'indique alors la sublime machiavélique maîtresse de cérémonie, les Portes de l'Enfer sont encombrées par la file des loueurs de logements - on est en juillet, Festival d'Avignon oblige… - et sa demande ne peut donc être satisfaite. Du moins en l'instant.
© Anthony Magnier.
Les prophéties s'accompliront, "fatalement", les hommes si puissants soient-ils n'étant pas de force à leur opposer leur piètre volonté… Et Macbeth-Mesguich, faisant corps avec sa folie envahissante, de bondir soudain dans les travées pour saisir au col un spectateur, puis un autre, en qui il reconnaît le portrait "vivant" de Banquo. Pourtant son ancien frère d'armes n'a-t-il pas été assassiné sur ses ordres ? "Il fut un temps où l'homme mort était mort. Là, il ressuscite…", laisse-t-il, sidéré, échapper sous le regard goguenard de la facétieuse maîtresse de cérémonie commentant à notre intention : "Il va de mal en pis…".
Le combat ultime qu'il livrera, vêtu d'une simple camisole d'aliéné - la forêt de Birnam s'étant mise en branle et le fils "non né d'une femme" étant bien là, plus aucun espoir ne lui est permis -, le montrera dans un duel digne des morceaux de bravoure des films de cape et d'épée, avec force chutes et rétablissements spectaculaires à la clé.
S'il est vrai que "la vie n'est qu'un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s'agite durant son heure sur la scène et qu'ensuite on n'entend plus, (si) c'est une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie, et qui ne signifie rien…" (dixit Macbeth), elle se termine là "en beauté" : la sorcière bienaimée se coiffera de la couronne, un instant vacante, avant de tirer sa révérence sur fond de réflexions philosophiques à méditer.
Le combat ultime qu'il livrera, vêtu d'une simple camisole d'aliéné - la forêt de Birnam s'étant mise en branle et le fils "non né d'une femme" étant bien là, plus aucun espoir ne lui est permis -, le montrera dans un duel digne des morceaux de bravoure des films de cape et d'épée, avec force chutes et rétablissements spectaculaires à la clé.
S'il est vrai que "la vie n'est qu'un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s'agite durant son heure sur la scène et qu'ensuite on n'entend plus, (si) c'est une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie, et qui ne signifie rien…" (dixit Macbeth), elle se termine là "en beauté" : la sorcière bienaimée se coiffera de la couronne, un instant vacante, avant de tirer sa révérence sur fond de réflexions philosophiques à méditer.
© Anthony Magnier.
Cette "création" à part entière - le texte attribué à William Shakespeare a été traduit, adapté et mis en jeu magistralement par Anthony Magnier, s'emparant avec une liberté vivifiante de ce matériau prestigieux - présente le grand intérêt de porter jusqu'à nous, et sans en trahir à aucun moment l'esprit, l'essence même du théâtre élisabéthain. Il a su réunir les multiples composantes de cette œuvre foisonnante pour en "délivrer" la quintessence sous une forme attrayante, voire carrément jouissive.
Quant au plaisir de faire ainsi société autour de ce moment de théâtre partagé, il se trouve redoublé encore par les interprétations flamboyantes de Sandrine Moaligou et William Mesguich, qui, avec la générosité que l'on leur connaît, chacun dans un registre opposé, ont su transcender leur rôle pour en faire un manifeste à l'usage des jeunes acteurs.
Quant au plaisir de faire ainsi société autour de ce moment de théâtre partagé, il se trouve redoublé encore par les interprétations flamboyantes de Sandrine Moaligou et William Mesguich, qui, avec la générosité que l'on leur connaît, chacun dans un registre opposé, ont su transcender leur rôle pour en faire un manifeste à l'usage des jeunes acteurs.
"Macbeth"
© Anthony Magnier.
Texte : William Shakespeare.
Adaptation et mise en scène : Anthony Magnier.
Avec : Axel Hache, Nathalie Lucas, William Mesguich, Sandrine Moaligou, Julien Renon, Victorien Robert.
Musique : Axel Hache.
Costumes : Mélisande de Serres.
Décors : Stefano Perrocco.
Lumières : Laurent Taffoureau.
Durée : 1 h 20.
Vu au Théâtre des Gémeaux, lors du festival •Off 2019•.
6 juin 2020 : Festival de Théâtre aux Jardins du Rosey, Rolle (CH).
Tournée en cours de réalisation.
Adaptation et mise en scène : Anthony Magnier.
Avec : Axel Hache, Nathalie Lucas, William Mesguich, Sandrine Moaligou, Julien Renon, Victorien Robert.
Musique : Axel Hache.
Costumes : Mélisande de Serres.
Décors : Stefano Perrocco.
Lumières : Laurent Taffoureau.
Durée : 1 h 20.
Vu au Théâtre des Gémeaux, lors du festival •Off 2019•.
6 juin 2020 : Festival de Théâtre aux Jardins du Rosey, Rolle (CH).
Tournée en cours de réalisation.